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Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ



« Cet été, nous allons manquer de sang. La situation est préoccupante. Venez donner votre sang ! » C’est un véritable cri d’alarme que l’Etablissement Français du Sang diffuse dans les médias depuis quelques semaines.
Donner son sang… Voilà qu’il nous est demandé de répondre à l’urgence, de faire ce don d’un peu de nous-mêmes, ce don absolument gratuit. Don désintéressé même, puisque nous ne connaissons pas la personne à qui notre sang prélevé va être transfusé. Le sang, c’est la vie. Depuis l’antiquité, et dans toute la Bible, le mot « sang » renvoie toujours à un lien direct avec la vie. Donner son sang, c’est donc donner la vie. C’est faire œuvre de salut.
Je n’ai pas été mandaté par l’Etablissement Français du Sang pour recruter des donneurs de sang. Mais cette approche peut nous aider à mieux comprendre ce que nous célébrons aujourd’hui : « le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ ».
Pour nous, même si cela demande tout de même un effort – un   « sacrifice » comme on dit – sacrifice d’un peu de notre temps, d’un peu de notre confort, ce don de notre sang est somme toute peu onéreux : Il nous prend un maximum d’une heure tous les deux mois. La quantité de sang qui nous est prélevée ne met pas en péril notre vie, ni même notre santé : quelques heures suffisent à récupérer notre état physique normal. Alors, quand on dit que Jésus a donné son sang, nous ne sommes évidemment pas dans les mêmes proportions. Jésus donne son sang non pas en donnant « un peu » de son temps, « un peu » de son confort, « un peu » de sa vie, mais en se donnant totalement, en donnant sa vie, toute sa vie.  Il donne son sang non pas pour sauver une vie, ce qui est déjà beaucoup, mais pour sauver l’humanité tout entière ; pour nous donner la vie, et la vie en abondance. C’est ce que veut nous rappeler le nom de la fête de ce jour, « le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ ». Regardons ensemble les lectures que l’Eglise nous propose pour nous aider à entrer davantage dans la compréhension de cette fête.
Dans les 4 textes que nous venons d’entendre, il est question de nourriture. La première lecture évoquait la manne venue du ciel que les hébreux ont mangée dans le désert pendant leurs 40 années d’errance ; « Le Seigneur fait régner la paix à tes frontières, et d’un pain de froment te rassasie », nous a chanté le psaume. « Le pain que nous rompons est communion au corps du Christ », rappelait Saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens. Et enfin le passage de l’évangile de St jean que l’on appelle « le discours sur le pain de vie ». À travers ces 4 lectures, il nous est rappelé que, de tout temps, le Dieu auquel nous croyons se révèle non pas comme un Dieu redoutable dans sa puissance, et capricieux dans ses volontés, mais au contraire comme un Dieu qui prend soin de nous. Un Dieu qui nourrit son peuple, l’humanité, tout au long de son histoire, depuis la manne dans le désert, jusqu’au don total de sa personne par Jésus qui se donne à manger dans l’eucharistie. Le Saint Sacrement, c’est aussi ainsi que l’on désigne l’Hostie consacrée que l’on place dans un bel ostensoir, et qui est exposée lors des temps d’adoration. On parle alors de l’adoration du Saint Sacrement. Mais l’adoration par le regard ne suffit pas : le corps du Christ, c’est d’abord une nourriture, au sens premier du terme, une nourriture pour le corps. « Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ». Car Dieu ne fait pas les choses à moitié : s’il est nourriture, ce n’est pas pour être seulement regardé, contemplé, adoré. C’est d’abord pour être mangé. C’est pourquoi le temps d’adoration du Saint Sacrement n’a de sens que s’il fait suite à une célébration eucharistique, qu’il prolonge mais qu’il ne remplace pas. Quand Jésus dit qu’il nous faut manger son corps et boire son sang, ce n’est pas seulement une image. Il se donne réellement en nourriture, à chaque fois que nous célébrons l’eucharistie, à travers le pain et le vin. Et quand nous venons en procession pour recevoir l’hostie, le prêtre ou la personne qui nous la présente nous dit « le corps du Christ ». Pas « ce morceau de pain représente, symbolise, ou nous rappelle le Christ », mais : Ceci est le corps du Christ. Et nous répondons « amen ! » c’est-à-dire : « oui, je le crois, ceci est véritablement le corps du Christ. Je ne comprends pas comment c’est possible, mais ma foi me dit que c’est bien lui, mon Seigneur et mon Dieu, ce Dieu qui se donne aujourd’hui à moi, personnellement et communautairement, dans cette apparence du pain. »
Ce dimanche est, dans notre paroisse, le jour où des enfants vont faire leur première communion. Pour la première fois, ils vont manger le corps du Christ qui se donne à eux. Lors de la préparation à cette célébration, ils ont déjà pu manger une hostie. Mais ils n’ont mangé qu’un morceau de pain. Ils ont appris le geste, ils ont découvert le goût, mais ce n’est que par la consécration par le prêtre, et lui seul, que ce morceau de pain, tout en restant du pain, deviendra corps du Christ, Présence de Dieu, Saint Sacrement du Corps du Christ. Sacrement, c’est-à-dire signe visible de la grâce invisible. Manger ce pain, c’est visible, mais ce visible est là pour nous permettre de percevoir ce qui n’est pas perceptible avec nos sens, cette grâce, ce don.
Mais au fond, tout cela, qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce que ça change, pour moi, dans ma vie de tous les jours ? En quoi le Saint Sacrement du Corps et du Sang de Jésus ont-ils une importance pour moi, dans mon quotidien ? Eh bien, en premier lieu, ce don total de Jésus pour moi signifie que je suis aimé de Dieu. Qui que je sois, Dieu m’aime au point de se donner à moi, de se laisser manger par moi. Par le saint sacrement de l’hostie consacrée, il se rend vulnérable au point que je peux le prendre dans ma main. Que je peux le manger. Et prendre conscience de cela, c’est déjà faire une « sacrée » conversion ! En second lieu, je peux considérer que Jésus, par ce don total et gratuit de lui-même, se donne en exemple, se propose comme modèle. De même que Jésus se donne avec joie en nourriture et sauve ainsi tous les hommes, moi aussi je peux trouver la joie de l’imiter, en me donnant moi-même à manger aux autres, à mes proches, à ceux qu’il m’est donné de rencontrer. Devenir nourriture pour les autres ; chaque jour, s’offrir et se laisser manger. Si donner son sang, c’est répondre à une urgence pour sauver des vies – et  il faut bien sûr le faire si on le peut – donner sa vie en se laissant manger, c’est répondre à une autre urgence, non moins importante, l’urgence permanente de toutes les soifs et de toutes les faims des hommes de notre temps.

Amen !


Daniel BICHET, diacre permanent.
24 mai 2008

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