Dimanche de la Sainte Famille
La
liturgie d'aujourd'hui nous invite à contempler la sainte Famille, la
famille sainte. Au cœur de la fête, une famille toute simple : Joseph,
Marie et Jésus. C'est la famille terrestre de Dieu. C'est pour cela,
d'ailleurs, qu'on l'appelle la "sainte" famille, car le mot "saint"
désigne précisément Dieu et lui seul.
Mais, cette famille "sainte"
n'a pas vécu dans les nuages : rien de ce que les évangélistes nous
disent de l'enfance de Jésus ne relève d'un conte de fées ! Joseph
perturbé devant ce qui arrivait à Marie, c’était dimanche dernier, les
misérables conditions de la naissance de l'enfant, l'exil forcé en
Egypte, puis, quelques années plus tard, le fameux pèlerinage à
Jérusalem où l'enfant est perdu et retrouvé... Or, l'évangile nous dit
clairement que ses parents n'y comprenaient rien. Tout cela pour dire
que cette "sainte famille" a été une vraie famille, avec des problèmes
comme tout le monde en connaît. Voilà qui nous rassure ! Et si, dans sa
lettre aux chrétiens de Colosses, saint Paul fait des recommandations
de patience et de pardon... c'est bien qu'il en faut ! Nous en
savons tous quelque chose...
Le passage de la
lettre aux Colossiens que nous venons d’entendre, est très significatif
de la façon dont Paul regarde la vie et des conseils qu'il donne aux
premiers chrétiens. Parcouru superficiellement, ce texte paraît
purement et simplement comme une leçon de morale sur la vie en société
et son application à la vie de famille. Vu de la sorte, le message de
Paul se présenterait comme un idéal un peu trop beau et pratiquement
inaccessible. "Revêtez vos cœurs de tendresse et de bonté, agissez
comme le Seigneur, que la paix soit dans vos cœurs, vivez dans l'action
de grâce, faites tout au nom du Seigneur Jésus." En un mot : vivez au
Paradis ! Or chacun sait que nous vivons sur la terre !
C'est pourtant précisément ce dont Paul est bien convaincu. Car très
vite il dit : "supportez-vous les uns les autres." Supportez-vous :
voilà selon saint Paul le fin mot de l'amour ! On ne peut pas dire que
ce ne soit pas concret et que cela n'entre pas dans l'expérience de
chacun d'entre nous. La vie en société, la vie familiale sont faites de
ces mille détails de la vie quotidienne où l'autre nous étonne, nous
agace ou nous agresse, où nos plus proches nous dérangent, nous font
mal... Et nous sommes tentés de dire : c'est insupportable !
Tous
ces conseils de vie pratique, Paul les donne en s'appuyant sur la
déclaration qu'il a faite au début du texte : "vous êtes les enfants de
Dieu, ses saints et ses bien-aimés." Les destinataires de sa lettre, il
les appelle "saints", puisqu'ils sont fils de Dieu. Cela ne veut pas
dire qu'ils soient parfaits. Mais c'est leur relation à Dieu qui leur
vaut ce qualificatif et qui leur inspire aussi tout l'amour dont ils
sont capables. Si bien que nos familles - qui sont quand même le lieu
où se déploie le plus d'amour gratuit, non choisi -, peuvent toutes
être appelées "saintes" familles, quelles que soient les limites que
nous leur connaissions !
Il arrive que certaines
femmes à l'écoute de ce texte, réagissent vivement à la phrase : "vous
les femmes, soyez soumises à votre mari ; dans le Seigneur, c'est ce
qui convient." Mais je crois que nous aurions tort de prendre cette
phrase comme argent comptant : la soumission, au sens biblique, n'a
rien à voir avec l'esclavage ! Et d'ailleurs, Paul prend bien soin de
rappeler aux maris que leur parole doit être inspirée uniquement par
l'amour: "et vous les hommes, aimez votre femme, ne soyez pas
désagréables avec elle."
Revenons à la première lecture :
Ben Sirac écrit environ 200 ans avant Jésus Christ dans une période de
paix, sous un gouvernement grec qui laisse aux juifs une grande liberté
religieuse. Mais cette tranquillité, justement, inquiète Ben Sirac,
car, insidieusement, de nouvelles habitudes de penser se répandent : à
côtoyer de trop près des païens, on risque bientôt de penser et de
vivre comme eux. Sur le sujet qui nous occupe, l'importance de la
structure familiale pour transmettre aux enfants la foi, les valeurs,
les pratiques du Judaïsme étaient de première importance. Notre texte
d'aujourd'hui est donc avant tout un plaidoyer pour la famille parce
qu'elle est le premier, sinon le seul lieu de transmission des valeurs.
Et c’est encore vrai aujourd’hui bien sûr !
Dans
l’évangile, dans ce récit de la fuite en Egypte, quelles sont les
valeurs de cette famille que nous pouvons découvrir ?
Car
l’évangéliste Mathieu insiste surtout pour ses auditeurs juifs sur les
liens entre cet exil et celui du peuple juif, douze siècles avant la
naissance du Christ et Moïse qui fit sortir son peuple pour le conduire
vers la Terre promise, un peuple sauvé de l’esclavage et du massacre.
Alors regardons de plus près les personnes de cette famille « sainte » :
-
Joseph qui a accepté la venue de cet enfant qui n’est pas de lui, qui
accepte de partir en Egypte puis d’en revenir, tout cela sur la foi de
songes reçus pendant son sommeil. Il a dit oui, toujours, pour le bien
de sa famille, de Jésus.
- Marie, elle aussi a dit oui sans savoir
où cela la mènerait : elle fait confiance à l’ange, à Joseph, pour
Jésus. Tous les deux se sacrifient pour leur enfant !
Sacrifice.
Dans notre société ce mot n’est pas bien perçu : il vaut mieux
chercher son épanouissement, son plaisir, sa jouissance SEUL !
A
Nazareth c’est l’inverse : Joseph et Marie remettent leur vie dans
les mains de Dieu pour que Jésus accomplissent sa vocation, au
détriment de leur satisfaction personnelle. C’est le difficile exercice
des parents, éducateurs : En respectant la liberté de pensée et de
point de vue de nos enfants, nous leur apprenons à respecter celle des
autres. Le missionnaire ne portera du fruit que s'il devient la graine
qui meurt pour cela. Nulle part nous ne trouvons, dans la nature, des
exemples de graines qui viennent réclamer des comptes à l'épi! Nous
trouvons plutôt la graine enfouie sous terre nourrissant les racines
d'une tige qui porte du fruit dans son épi. C'est ainsi que nous,
parents, nous devons être pour nos enfants. Nous devons progressivement
nous enfouir sous la terre de leur vie pour qu'ils s'enracinent
librement en nous et qu'ils portent beaucoup de fruits. Ils le pourront
si nous avons de la « consistance ». Ils le pourront si nous les
laissons devenir ce qu'ils sont. Nous devons vivre continuellement cela
jusqu'au jour où, eux aussi, feront de même en posant des choix libres
et adultes!
Mais certaines familles semblent bien
chamboulées par des tempêtes, des disputes, parfois violentes, une
séparation, des enfants qui ne vivent pas ce que l’on avait espérer
pour eux, le chômage…le célibat non choisi.
Le chemin est parfois tortueux, mais Dieu veut notre bonheur, toujours.
Pensez
à la graine qui doit mourir pour que germe l’épi. De son point de vue
la fleur ou l’épi ne sont pas visibles tout de suite. Et l’épi oublie
parfois ce qu’il doit à la graine.
« Et tout ce que vous dites,
tout ce que vous faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus
Christ, en offrant par lui votre action de grâce à Dieu le Père. »
Philippe ARRIVE, diacre permanent
Avec l’aide inestimable de M-N THABUT
VERTOU - 26 décembre 2010
Sommaire année A
Accueil