Dimanche de la Sainte Famille
Si 3, 2-6.12-14 ; Ps 127 ; Col 3, 12-21 ; Mt 2, 13-15.19-23
Une famille Sainte…
Je dois vous avouer que lorsque j’ai su que je devais vous parler en la fête de la Sainte Famille, j’étais un peu perplexe.
Pourquoi donc ?
Tout d’abord parce que nous ne savons que peu de choses au sujet de la Sainte Famille.
Et puis, pourquoi appelle-t-on sainte, la famille de Jésus ? En quoi est-elle un modèle pour nous ?
Oui, nous ne savons que peu de choses sur la famille de Jésus. Seuls,
Matthieu et Luc nous en parlent. Et bien des mystères demeurent.
Quelques textes parallèles, dits apocryphes, nous livrent bien des
anecdotes. Mais, peut-on vraiment s’y fier ?
Alors, l’important n’est-il pas, simplement, de se demander en quoi cette famille est sainte ?
En tout cas, pas par sa structure sociologique, semble-t-il.
Joseph ? Un homme d’âge mûr, à ce que l’on croit. Auquel est confiée
une jeune fille qui aurait été élevée au Temple. Mystère. D’ailleurs,
en dehors des récits de l’enfance, on ne reparlera pas de Joseph.
Marie ? Est mieux connue, d’abord par la scène de l’annonciation, de la
visitation et par quelques passages des évangiles : Cana, Nazareth, au
pied de la Croix !
Jésus ? Enfant de Marie, adopté par Joseph. Sa vie en famille ? Une
seule allusion, sa présence au Temple au milieu des docteurs de la Loi,
vers l’âge de douze ans, et son retour à Nazareth.
Voilà une famille qui tranche sur le modèle familial d’alors,
modèle que nous retrouvons, disons avec sagesse et bonheur, dans la
structure de nos familles chrétiennes.
Alors, la « Sainte » famille ? En quoi est-elle Sainte, donc modèle pour nous ?
La présence de Jésus, suffit en soi, pour rendre cette famille sainte. Il irradie la sainteté de Dieu.
Et je crois, que lorsqu’avec foi, nous accueillons Jésus, le Christ, en
nos vies, dans nos familles, par le baptême des enfants, par la
démarche commune vers l’eucharistie, nous les sanctifions,
c’est-à-dire, nous les irriguons de la vie même de Dieu, vie qui
s’épanouira en plénitude dans l’éternité. Au fond, c’est cela la
sainteté, et non une vertu morale !
Cela dit, il s’agit non pas de personnes juxtaposées, mais d’une
famille. Si chaque membre a sa sainteté personnelle, c’est bien la
cohésion de l’ensemble qui définit la sainteté de la famille. Qu’est-ce
qui lui est commun ?
Cette cohésion se vérifie dans la manière d’assumer les événements,
heureux ou malheureux. Il en est ainsi pour nos familles. Comment
assumons-nous les événements qui surgissent ?
Pour eux, c’est d’abord dans la venue au monde de l’enfant. Marie,
comme Joseph, ont été quelque peu bousculés, questionnés. On
voit, Marie bien sûr, mais aussi Joseph se poser bien des
questions. Normal. Mais, entre eux, le respect, l’amour mutuel,
s’appuyant sur la confiance en Dieu leur font surmonter questionnement
et crainte.
Cette confiance en Dieu et leur amour mutuel leur seront bien nécessaire par la suite.
Nous connaissons les péripéties qui accompagnent la naissance de Jésus.
Le voyage à Jérusalem, la naissance dans des situations précaires. La
menace qui pèse sur la vie de l’enfant, la fuite à l’étranger.
Nous sommes habitués à ces récits, au risque de les banaliser. Mais,
pour ce couple, il a fallu non seulement le courage d’affronter des
situations précaires, mais surtout une communion entre eux à toute
épreuve, que nous pouvons appeler l’amour. Car l’amour n’est pas
uniquement de l’ordre du sentiment, vous le savez bien, vous parents.
Il se vérifie dans la manière d’aborder ensemble les événements de la
vie, aussi déroutants soient-ils, aussi durs soient-ils, et de les
surmonter. C’est en cela qu’on peut vraiment parler d’amour.
Après l’exil en Egypte, c’est le retour à Nazareth. C’est là que la
famille se construit, car Jésus grandit, sa personnalité se développe.
Pas besoin d’être psychologue pour imaginer les moments de tension dans
l’éducation de l’enfant. On n’en sait pas grand-chose, à part l’épisode
du pèlerinage à Jérusalem. On sent tout l’amour inquiet d’une
mère lorsque Jésus, adolescent, est retrouvé au Temple au milieu
des Docteurs de la Loi : «Vois, comme nous avons souffert en te
cherchant ! » (Lc 2, 48). Et que dire de la mise à distance de Jésus
lorsqu’il répond : « Ne le saviez-vous pas ? C’est chez mon Père que je
dois être » (49). Quelle mère n’a jamais souffert lorsque son enfant
marque ses distances ?
Marie garde tout cela dans son cœur. Ce cœur qui exprime sa
confiance absolue en son Fils à Cana : « Quoi qu’il vous dise,
faites-le. » (Jn 2, 5). Ce cœur qui saignera, lorsqu’au pied de la
croix elle recueille le dernier soupir de son fils. Une mère qui
voit mourir son fils… . Et le fils qui confie sa mère à son disciple
Jean.
Sainte Famille, par l’amour partagé dans les joies et les épreuves,
amour fidèle, amour tendresse, amour souffrant, amour joyeux.
En terminant et en vous invitant à relire ce passage de la lettre de
Paul aux Colossiens, je reprends ses propres paroles : « Puisque vous
avez été choisis par Dieu, que vous êtes ses fidèles et ses bien-aimés,
revêtez votre cœur de tendresse et de bonté, d’humilité, de douceur, de
patience. » (Col 3, 12)
Amen.
Georges AILLET, prêtre
le 29 décembre 2013
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