3° dimanche de carême.
C’est une histoire d’eau que nous propose l’Evangile de ce jour. Une
eau particu-lière qui a la propriété d’étancher toutes les soifs, même
les plus extrêmes. Avouons que c’est une ironique coïncidence de lire
ce texte de soif et de sécheresse alors qu’on sort à peine, et ce n’est
peut être pas fini, d’un des hivers les plus pluvieux qu’ait con-nu
notre région depuis ces 20 dernières années. Je lisais qu’il est tombé,
depuis oc-tobre, soit en 6 mois, plus de pluie que la moyenne d’une
année entière. Alors, il est vrai, on a un peu du mal à se projeter
dans le contexte de l’Evangile selon St Jean et du livre de l’Exode en
1ère lecture. Pourtant, à l’époque de Jésus, en Palestine, comme
beaucoup d’autres endroits dans le monde, l’accès à l’eau est une vraie
probléma-tique, une question de survie quotidienne. C’est encore le cas
au 21è siècle, dans bien des pays d’Afrique, pour ne citer qu’eux, et
les spécialistes prédisent que notre siècle, avec le réchauffement
climatique, risque bien de voir s’étendre ces problèmes d’accès à l’eau
potable.
Au temps de Jésus, comme au temps de Moïse, l’eau potable est
accessible non pas au robinet, qui n’existe pas encore, mais au puit,
qui est une installation collective, et qui est souvent placé un peu à
l’extérieur du village. Ce sont les femmes qui, princi-palement, ont la
charge d’aller puiser l’eau et de la ramener, dans des jarres parfois
très lourdes qu’il faut porter sous le soleil brulant. Sans doute
rêvent -elles, sans sa-voir que cela existera un jour, d’un système qui
amène l’eau directement dans la mai-son, luxe totalement inimaginable à
l’époque. C’est peut-être à cela que pense la sa-maritaine lorsque pour
la énième fois elle se rend au puit pour ce que l’on appelle
cou-ramment « la corvée d’eau ». Ce jour là, qui aurait pu être un jour
comme un autre sous la chaleur écrasante du soleil de midi, une
rencontre extraordinaire va changer sa vie et celle du village, nommé
Sikar comme nous l’apprend l’Evangile.
Il s’agit d’un village de Samarie. Qu’est-ce que la Samarie ? La
Samarie est une ré-gion montagneuse qui a constitué l'ancien Royaume
d'Israël autour de son ancienne capitale Samarie, proche de Sichem
(près de l'actuelle ville de Naplouse), et rival de son voisin judéen
du sud, le royaume de Juda. Elle se situe aujourd'hui à cheval sur les
territoires occupés de Cisjordanie et d'Israël. Il y a un contentieux
fort entre les juifs, habitants de l’ancien royaume du Sud, autour de
Jérusalem, et les samaritains, habitants de l’ancien royaume du nord,
que les juifs accusent d’avoir provoqué la chute d’Israël et la
déportation à Babylone. En clair, entre juifs et samaritains, on ne
s’aime pas, les 1ers méprisent les seconds.
Et c’est cette région que Jésus traverse avec ses disciples. Choix
étonnant car, ha-bituellement, les juifs préfèrent contourner la
Samarie. Et c’est ce choix qui va provo-quer cet épisode clé de
l’Evangile de St Jean, ce dialogue entre Jésus et celle que l’on
appelle « la samaritaine ». Cette histoire, que nous rapporte Jean, est
un magnifique moment de rencontre, d’écoute, et de confiance.
De rencontre, tout d’abord, car c’est une circonstance improbable qui
met en rela-tion ces 2 êtres qu’a priori tout oppose. A ma droite :
Jésus, juif, Messie en devenir, sans péché, qui passe en faisant le
bien. A ma gauche : La samaritaine, femme de corvée, pècheresse. il est
dit par ailleurs dans l’Evangile qu’elle en est à son 6ème mari, et que
d’ailleurs celui-ci n’est pas vraiment son mari… On pourrait croire que
ces 2 là vont tout faire pour s’éviter. Et bien non, ils se parlent.
Ils se parlent au-delà de leurs différences, au-delà de leurs préjugés,
au-delà des carcans sociaux qu’imposent leurs origines respectives.
C’est Jésus qui fait le 1er pas. De manière qui peu paraître un peu
surprenante car exprimée sous forme de ce qui peut paraître un ordre «
Donne-moi à boire ». Et pourtant, la samaritaine, plutôt que de se
rebiffer et de refuser de se sou-mettre à cet ordre, s’étonne : «
Comment, toi, un juif, tu me demandes à boire, à moi une samaritaine ».
On pourrait traduire par « comment, toi, un Homme noble, tu me demandes
un service, à moi qui n’en suis pas digne » ? Une rencontre donc, et
une entrée en relation, une main tendue vers une personne rejetée.
L’écoute ensuite. Car il s’agit d’un dialogue, d’un échange où chacun
s’ouvre peu à peu à l’autre, fait connaissance. La samaritaine
questionne, Jésus répond, et à sa soif de comprendre, il lui apporte
des réponses claires comme de l’eau de roche, il l’abreuve d’une
compréhension nouvelle, en l’écoutant, lui répondant. Et la
samari-taine l’écoute jusqu’à plus soif.
De confiance, enfin. Car si la samaritaine boit les paroles de Jésus,
si elle laisse couler en elle cette révélation incroyable qu’elle a
face à elle, la femme au cœur aride d’avoir tant aimé tout azimut, le
Messie, le Sauveur du monde, elle accepte de croire ce qu’elle entend,
elle reconnait en Jésus celui dont les anciens ont parlé. Pour elle,
pas de doute. Ça coule de source. Jésus est celui qui vient apporter la
Vraie réponse, la Vraie Vie, l’Eau véritable, celle de la Foi qui donne
accès la vie éternelle. Et avec elle, les habitants de la ville de
Sikar, dont on pensait qu’ils ne valaient rien, croient aussi en Jésus.
Ils ne se pensaient pas dignes d’être rencontrés, ils ont été écoutés,
ils ont été honorés par Jésus qui a accepté leur invitation, ils ont eu
confiance, ils ont cru.
Alors, nous aussi, qui pouvons avoir souvent soif d’une parole qui nous
rencontre, d’un Père qui nous écoute, en qui nous pouvons avoir
confiance, acceptons d’ouvrir les vannes de nos cœurs pour y accueillir
cette parole qui vient faire reculer les dé-serts de nos doutes, de nos
évitements, de nos replis sur nous même. Laissons-nous désaltérer par
cette eau vive, par l’Amour de Dieu qui vient inonder nos vies d’un
éclat brillant d’Espérance. Et terminons en écoutant les jolis mots
d’un hymne de l’Office des Laudes qui nous était proposé ce mercredi :
Que tombe sur nos sols de poussière et de roche, une pluie généreuse !
On verra les feuilles pointer, et les bourgeons éclore de la Parole qui nous creuse.
Advienne le soleil, et vers lui que s’élance, la poussée de la sève !
La Parole nourrit son fruit, d’amour et de justice, dans la louange qui l’achève. Amen
Olivier RABILLOUD
St Vincent de Paul – 15 Mars 2020
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