3° dimanche de carême.
« Le Seigneur est-il vraiment au milieu de nous, ou bien n’y est-il pas
? » Devant chaque épreuve, la perte d’un emploi, la maladie, la mort
d’un enfant, l’échec d’un couple qui divorce, comme nos pères dans le
désert de Réphidim, nous nous posons cette question de confiance : « Le
Seigneur est-il vraiment au milieu de nous, ou bien n’y est-il pas ? »
La confiance et la foi, c’est la même chose : si Dieu a pris la peine
de libérer son peuple de l’esclavage d’Egypte, ce n’est pas pour le
laisser mourir de faim ou de soif dans le désert. Mais lorsque
l’épreuve est là, lorsqu’on ne comprend pas pourquoi toute cette
souffrance et ce mal qui nous entoure, on peut se révolter… c’est
normal… c’est humain. Comment garder confiance en un Dieu dont on n’est
plus tout à fait sûr de l’existence ? Comment garder la foi malgré le
doute qui nous envahit lorsque la vie se fait plus âpre et plus
difficile ?
Lorsque nous disons le « Notre Père », nous demandons notamment à
Dieu de ne pas nous laisser « succomber à la tentation ». Lorsque
la nuit tombe sur nos existences, il faut tenir ferme cette prière afin
que nos souffrances, nos épreuves ne sèment pas des germes de doute en
notre coeur. Dans le livre de la Genèse, l’homme et la femme sont
heureux tant qu’ils font confiance à Dieu, tant qu’ils acceptent de
dépendre de lui, tant qu’ils sont suspendus à son souffle qui leur
donne vie. Tant que nous acceptons notre dépendance et nos limites,
nous pouvons vivre toute situation dans la sérénité. Au contraire,
quand nous perdons confiance en Dieu, nous nous séparons de lui, nous
ne sommes plus suspendus à son souffle, à son Esprit d’Amour. Tous les
couples le savent : ce qui tue la relation, c’est le soupçon qui
s’installe. Alors, face à l’épreuve, c’est le moment de prier plus que
jamais pour que l’Esprit Saint agisse en nous et nous redonne vie.
Quelqu’un qui a vécu la terrible épreuve de perdre un enfant me disait
récemment : « face à cela, on a le choix entre deux attitudes : la
révolte ou la récolte. » la récolte du don de Dieu. Tu as le choix
entre la vie et la mort.
Si la foi, c’est la confiance, la foi est aussi le fruit d’une
rencontre. En ce temps de carême où les catéchumènes se préparent à
recevoir le baptême, nombreux sont ceux qui témoignent d’une rencontre
imprévue, d’un signe dans leur vie. Le passage d’évangile que nous
avons reçu aujourd’hui s’inscrit dans cette démarche. Elle était
improbable cette rencontre entre Jésus et la Samaritaine. A midi, il
fait bien trop chaud pour aller chercher de l’eau, sauf si l’on veut
éviter les rencontres. Et cette femme à la moralité douteuse ne
cherchait sûrement pas à rencontrer ses voisines. Quant à Jésus, en bon
Juif, il aurait dû emprunter l’itinéraire par la Vallée du Jourdain
pour éviter de passer en Samarie, terre réputée impure depuis que les
assyriens avaient déporté la population de Samarie pour la remplacer
par des populations d’autres régions conquises qui étaient arrivées
avec leurs propres religions. De plus, cette rencontre, ce dialogue
public entre un homme et une femme bafouait les convenances de
l’époque. Mais Jésus n’est pas prisonnier de nos convenances trop
humaines. Curieusement, c’est en se faisant, en quelque sorte mendiant
auprès de cette femme qu’il engage la conversation : « Donne-moi à
boire ». Comme l’abbé Pierre qui a redonné goût à la vie à cet homme
qui avait voulu se suicider en lui demandant un service. Dieu se fait
pauvre pour nous rejoindre. La rencontre peut avoir lieu en vérité, et
c’est dans un véritable parcours de conversion que Jésus va entraîner
son interlocutrice.
Au début, il n’est pour elle qu’un simple homme juif. Puis elle le
soupçonne d’être « plus grand que notre père Jacob ». Et quand Jésus
lui parle de sa vie, de ses cinq maris, elle reconnaît en lui « un
prophète ». Elle va même jusqu’à proclamer son espérance, son attente
du « Messie, celui qu’on appelle Christ. » Et Jésus peut alors,
pour la première fois dans l’Evangile de Jean, lui révéler : « Moi qui
te parle, je le suis. » Et devant ses disciples revenus de course, il
la met dans la confidence en se présentant comme : « l’Envoyé de Dieu
dont toute la nourriture est de faire la volonté du Père. » La dernière
étape, c’est tout un peuple pour lequel elle a été missionnaire qui
proclame : « Jésus est le Sauveur du monde ! »
Ce genre de rencontre n’est pas réservé aux catéchumènes ; tout baptisé
est appelé à en vivre, particulièrement pendant le temps du Carême.
Dieu a soif de nous rencontrer :
- dans la prière, dans l’adoration (ce mot est ici
utilisé 9 fois par Jésus), dans l’oraison silencieuse, dans la lecture
méditée de sa Parole. « J’ai soif ! » Une des dernières paroles de
Jésus sur la croix. Sommes nous prêt à lui accorder du temps pour une
rencontre gratuite ?
- Dans notre vie quotidienne où les citernes d’eau
polluée ont souvent empêché notre accès à la source. Dans sa soif
d’amour, la Samaritaine allait de compagnon en compagnon, sans que son
désir ne soit satisfait. C’est en reconnaissant son péché « ce n’est
pas mon mari » qu’elle a été sauvée. Le sacrement de Réconciliation
doit sans cesse être redécouvert comme cette rencontre qui nous guérit,
qui nous sauve. Où en sommes-nous ?
- Dans notre vie de témoignage. Beaucoup de nos
contemporains ont perdu des raisons d’espérer et de vivre. Ne pouvant
se projeter dans un avenir, ils ont remplacé les notions de bien et de
mal par celles de « j’aime » ou « je n’aime pas ». Pourtant Jésus a
soif de les rencontrer dans leurs espoirs déçus, dans leurs désirs
inassouvis. Quand la soif de Dieu rejoint la soif de l’homme,
l’eau vive peut jaillir. Saurons-nous leur demander un service pour
qu’ils retrouvent leur place dans la communauté ?
Jean-Jacques BOURGOIS
le 23/03/14
Le Clion, Les Moutiers et Pornic
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