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dimanche de carême.
Je
ne sais pas si vous connaissez la liturgie des heures ? c’est un
livre de prières chantées, destiné à tout chrétien qui souhaite marquer,
plusieurs fois par jour, un temps de présence avec Dieu. Les religieux,
en monastère ou dans le monde, ainsi que les prêtres, ont ainsi sept
temps de prière, sept offices qui rythment leur journée : Au milieu
de la nuit, l’office des Lectures, ou Vigiles ; puis Laudes au
lever du jour ; ensuite, Tierce, Sexte, None, puis les Vêpres en
fin de journée, et enfin complies juste avant le coucher. Aux diacres,
il est demandé d’être fidèles au moins aux laudes et aux vêpres, chaque
jour. Mais de plus en plus de chrétiens laïcs se mettent à pratiquer,
eux aussi, cette liturgie des heures, seuls ou avec d’autres, selon la
forte invitation de Vatican II.
Le
psaume 94 dont nous avons entendu ce (soir / matin) quelques versets,
c’est justement le tout premier psaume qui ouvre, chaque matin, l’office
des Laudes. Il redit chaque jour à celui qui le prie que Dieu est
toujours avec lui. Chaque matin, le chrétien qui prie la Liturgie des
Heures est ainsi invité à commencer sa journée en renouvelant sa
confiance en son Créateur, à s’incliner devant lui, à le louer,
l’acclamer dans la joie et lui remettre sa journée en toute confiance.
Pourquoi
est-ce que je vous parle de ça ? Parce que c’est justement de cette
nécessité de vivre la confiance que nous parlent tous les textes
d’aujourd’hui. Une confiance en un Dieu toujours présent, et toujours
bienveillant.
Aujourd’hui,
nous n’en sommes qu’au premier tiers du Carême, qui est encore bien long
devant nous. Et tout comme les hébreux dans leur longue marche au
désert, nous sommes confrontés à des épreuves de toutes sortes. Et nous
sommes alors tentés de perdre confiance.
La
première lecture, tirée du Livre de l’Exode, nous apprend que c’est la
soif du peuple qui sera le détonateur de cette tentation, que l’on
pourrait appeler tentation originelle, puisqu’on la trouve déjà dans les
tout premiers chapitres de la Genèse : la perte de confiance en
Dieu, c’est-à-dire l’exact contraire de la foi.
Ce
peuple, donc, mène une vie de nomade, dans la chaleur du désert, de
point d’eau en point d’eau, et il semble qu’en ces jours-là, l’eau
justement venait à manquer. On comprend alors l’inquiétude de ces gens,
leur angoisse même devant cette épreuve de la soif qui met leur vie en
grand danger. Si c’est bien Dieu qui les a poussés à quitter leur
relatif confort en Égypte, quel est donc ce Dieu qui va les faire périr
dans le désert ? Le doute se réveille alors parmi ce peuple
assoiffé. Dieu est-il vraiment celui qui l’a choisi parmi tous les
peuples de la terre ? Est-il bien ce Dieu qui est censé le
protéger, et le conduire vers une vie meilleure ? Ce Dieu-là est-il
vraiment avec eux ? Leur doute est formulé par cette question
fondamentale : « le Seigneur est-il au milieu de nous, oui
ou non ? »
Et
la réponse est sans équivoque. Moïse frappe le rocher comme Dieu le lui
a prescrit, et l’eau jaillit du rocher. Oui, à l’angoisse de son peuple,
le Seigneur apporte le réconfort. À la soif de celui qui le prie, même
dans le doute ou les reproches, Dieu manifeste sa présence
bienveillante.
Frères
et sœurs, ce récit nous concerne, nous aussi. Nos inquiétudes devant
l’avenir, nos angoisses, nos peurs, nous mènent tous vers les tentations
que les hébreux ont connues au désert : « le Seigneur
est-il au milieu de nous, oui ou non ? » Cette question
est encore la nôtre aujourd’hui ! Le Seigneur que nous célébrons
ensemble en ce jour comme chaque dimanche, est-il vraiment là, présent
parmi nous ? Cette question universelle révèle la soif de toute
l’humanité d’être apaisée de ses angoisses, de ses inquiétudes devant la
souffrance et la mort. Et la réponse chrétienne, c’est l’abandon dans
les bras du Père, qui seul peut répondre à ces angoisses, en nous
donnant à boire de cette eau qui apaise durablement notre soif.
C’est
ce que nous enseigne aussi l’évangile d’aujourd’hui, où le disciple St
Jean nous propose une fois encore un récit bien mystérieux. Partant de
l’eau du puits où cette femme vient puiser, de sa soif à apaiser, Jésus
va orienter le dialogue vers l’adoration. Le verbe adorer revient huit
fois dans la réponse de Jésus. Il s’agit désormais, nous dit-il,
d’adorer non-pas dans un lieu précis, mais « en esprit et en
vérité », car « Dieu est esprit ». Peu
importe l’endroit où on se trouve, puisque l’esprit de Dieu ne peut se
limiter à un lieu géographique. Jésus dit à la Samaritaine, et il nous
dit aussi à nous bien-sûr, que Dieu nous est accessible en mettant notre
propre esprit en communion avec le sien. C’est ce que produit la
prière : la mise en présence de notre esprit dans l’esprit de Dieu.
C’est ça, adorer Dieu en esprit et en vérité. « Tels sont les
adorateurs que recherche le Père. »
Ici
encore, c’est la confiance qui est en jeu. En effet, c’est tout de même
plus concret, plus facile à concevoir qu’il existe un lieu précis, comme
un temple, une église, ou on peut rencontrer Dieu. On peut même y placer
une statue, une icône, une petite lumière pour matérialiser encore plus
sa présence. De même que pour accéder à l’eau qui étanche la soif, il
fallait aller jusqu’au puits, de même pour adorer Dieu, il semblait
nécessaire de se déplacer jusqu’au temple. Mais Jésus nous demande cet
acte de foi, de confiance, qui consiste à croire ce que nous ne voyons
pas, à adorer « en esprit et en vérité » et non dans un
lieu particulier.
C’est
ce que proclamait déjà le livre du Deutéronome, et que St Paul va
reprendre dans sa lettre aux Romains : « la parole est dans
ta bouche et dans ton cœur ». C’est donc d’abord en
nous-mêmes, dans notre cœur, au plus profond de notre être, qu’il nous
faut aller puiser cette eau qui étanchera notre soif.
Oui,
frères et sœurs, ce carême qui nous met en marche vers Pâques ne nous
épargnera pas les tentations. Les résolutions que nous avons prises, les
sacrifices peut-être que nous nous imposons à nous-mêmes, peuvent nous
aider à y résister, mais ne nous seront d’aucune efficacité si nous ne
gardons pas fermement en nous, jour après jour, la confiance en Dieu, ce
Père bienveillant et toujours présent, pour qui notre vie a du prix. Ce
Dieu qui vient étancher notre soif en nous donnant cette eau qui deviendra
en
[nous] une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle. »
La
seule vraie réponse à toutes nos tentations, c’est la foi.
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent
12 mars 2023
Monnières, Gétigné et Clisson
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