3° dimanche de carême.
La marche du peuple hébreu au
désert, dans le livre de l’Exode ; la rencontre de Jésus avec la
samaritaine, dans l’évangile selon St Jean : ces deux épisodes nous
conduisent au cœur de ce Carême dans des lieux désertiques, arides, où
l’on éprouve le manque, où l’on cherche du sens à sa vie. Ces épisodes
nous offrent de passer du manque à l’abondance, du besoin au désir, de
l’absence à la rencontre. Ce dimanche, Dieu vient à notre rencontre et,
comme Jésus à la Samaritaine, il nous dit « j’ai soif ». En fait, ce
dont Dieu a soif, c’est de la soif de la Samaritaine, c’est de notre
soif à chacun d’entre nous, une soif ultime que lui seul peut combler.
Si tu savais le don de Dieu, c’est toi qui lui aurait demandé de l’eau
vive !
Repartons dans le désert avec le
peuple hébreux, libéré de la servitude d’Egypte, mais qui va errer
pendant 40 ans, en nomade, avant d’entrer, un jour enfin, en terre
promise. C’est un peu comme notre vie, libérée de la servitude du mal
par notre baptême, mais pas encore entré dans la terre promise du
royaume. Le peuple manque d’eau, le peuple n’a plus de repères. Il ne
sait pas où il va exactement. Il cherche, il souffre, il se révolte. Ce
peuple me fait aussi penser aux migrants d’aujourd’hui. Nous pourrions
en être… Parfois, dans notre existence, nous éprouvons un manque, nous
perdons des repères dans notre vie, face aux difficultés personnelles
ou collectives, dans un monde qui s’enfonce dans un désert de sens. Et
bien au cœur de l’épreuve, il faut savoir demander, il faut oser
demander, crier sa soif. Car il y a toujours quelqu’un devant nous,
quelqu’un avec nous. Du temps des hébreux, c’était Moïse qui guidait le
peuple, prémisse du Christ, le vrai bon pasteur. En plein désert, Moïse
frappe le rocher. « Et il y aura la vie, partout où arrivera le torrent
», dira plus tard le prophète Ezéchiel (Ez 47,9). L’eau surgit là où
personne ne l’attendait. N’est-ce pas aussi comme cela, dans notre vie
: au moment du doute, en prise à la désespérance, un visage, une
rencontre, une lecture, une parole surgissent parfois, là où on ne
l’attendait pas, et de manière mystérieuse, nous nous relevons, apaisé,
réconforté, guéris même… Alors, comme le prie le Psaume, ne fermons
jamais notre cœur, laissons-lui toujours une ouverture pour accueillir
l’imprévisible qui relève.
Et puis, un jour, ce fut Jésus
lui-même, le Fils de Dieu fatigué par la route, qui s’assoit au bord
d’un puits, un puits célèbre donné par un patriarche du nom de Jacob à
ses descendants. Ce puits est en territoire de Samarie. Si l’on remonte
l’histoire, le grand royaume de David fut un jour coupé en deux. Le
Royaume du nord, la Samarie, fut envahi, et leurs habitants se
fondèrent en quelque sorte avec les envahisseurs. Ils en partagèrent
les divinités, sans abandonner complètement la foi juive. Du coup, les
juifs, du royaume du sud, rejetèrent les samaritains, considérés comme
hérétiques et impurs. Jésus traverse ce territoire et il engage une
conversation inattendue avec une femme, une femme de Samarie, une
samaritaine qui a eu plusieurs maris … triple scandale dans la culture
juive de l’époque.
Jésus passe outre les règles juridiques et les conventions humaines, il
détruit les murs qui séparent pour établir des ponts qui deviendront de
larges allées propices à faire renaître celles et ceux que la dureté
des cœurs a rejetés. La Samaritaine a plusieurs maris est accueillie
par le Seigneur. Par un étonnant dialogue, Jésus va l’amener à exprimer
sa situation et sa quête de sens. Elle est venue avec une cruche pour
puiser de l’eau, et voici que Jésus l’invite à puiser à la source de
l’eau vive, pour que cette source l’habite intérieurement pour
toujours. L’eau vive est la promesse de la vie divine, de la condition
de Dieu pour chacune et chacun d’entre nous. Vous me direz, ce n’est
pas pour tout de suite. En attendant, notre marche continue, avec ses
joies et ses peines, ses espoirs et ses découragements.
Mais n’oublions pas que notre
baptême est une anticipation terrestre de notre filiation divine,
l’eucharistie est une anticipation sur terre du festin des noces
éternelles. Les sacrements sont des flashs de l’autre monde qui nous
sont donnés pour, progressivement, nous faire entrer dans cet autre
monde, pour nous aider à traverser nos déserts. Au cours de cette
messe, ici et aujourd’hui, nous vivons quelque chose de l’éternité
divine, nous rencontrons la source d’eau vive qui a déjà
mystérieusement coulé lors de notre baptême. Mesurons ce don de Dieu.
Ah, si nous savions le don de Dieu ! La Samaritaine a compris, dans
cette rencontre inouïe, que sa cruche est sans utilité pour puiser
l’eau vive. Elle l’abandonne sur place, elle court à la ville pour
annoncer sa nouvelle naissance, avec le désir que d’autres vivent aussi
cette conversion. Et tous viennent au puits, devant les disciples qui,
comme bien souvent ne comprennent pas encore vraiment la portée des
gestes et paroles de Jésus.
La foi en Dieu n’est pas une
opinion personnelle, mais la réponse à une invitation, à une Parole que
Dieu t’adresse, lorsqu’il vient te chercher parfois de manière
discrète, imprévue, au cœur de tes activités quotidiennes. Nous sommes
des marcheurs qui, à travers les déserts de nos vies, ont soif de l’eau
vive, jaillissante, capable de désaltérer en profondeur notre désir
ultime de lumière, de beauté, d’amour et de paix. L’eau vive vient du
Christ-Jésus, celui qui a rencontré et dialogué avec la Samaritaine.
C’est le même Christ Jésus présent dans la Parole entendue, et que nous
allons accueillir à l’autel. Il nous attend au bord du puits de notre
vie.
Christophe DONNET, diacre permanent
Diocèse de Saint-Etienne
19 mars 2017
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