Premier dimanche de Carême...
Nous avons
l'habitude de donner des noms aux dimanches, le dimanche de la santé, de
la
miséricorde, des Rameaux… Aujourd'hui, je donnerai bien à ce dimanche,
celui de
la tentation. Pour vivre notre Carême, en chemin vers Pâques,
comme Jésus,
nous aurons à dépasser nos tentations. Un appel, comme une ambition, à
ne pas nous
limiter à rester en nous-mêmes, à devenir, un peu plus, cet enfant de
Dieu que
nous aspirons à incarner. Dimanche de la tentation…les textes
d'aujourd'hui montrent
bien qu’être tenté fait partie de notre humanité.
La
première
lecture, la Genèse, conte lyrique, fable onirique, annonce le pourquoi
du monde, sa croissance et celle de l'homme et de la femme au milieu de
la
création. Ce livre peut aussi être regardé comme notre naissance et
notre
croissance personnelle. Ne pourrais-je pas être, cette Ève ou cet Adam,
qui va
découvrir les dons de Dieu, vie, esprit, amour, dans sa vie, mais aussi
notre
commune humanité avec ses richesses, ses faiblesses et sa fragilité. La
faiblesse de succomber à une tentation. Manipulé par un autre qui promet
un
avenir radieux, plus radieux que celui qui se vit déjà, dans un avenir
où les
limites n'existeraient plus, où l’on se suffirait à soi-même. Plus
besoin d'autres,
ni du Tout-Autre, ni même de son amour créateur qui nous a fait advenir
en nous
donnant sa vie. Cette manipulation, que l’on soit Ève ou Adam, ne peut
fonctionner
que parce que, nous ne comptons, souvent, que sur nous-mêmes, par
orgueil nous
refusons nos limites les dépassant, s'autorisant à juger, à condamner, à
exclure
pour vivre seul dans un monde altéré. La tentation est forte. Et si nous
ne
comptons que sur nos forces, notre intelligence ou notre argent, et
uniquement
sur cela, nous sommes sûrs de succomber.
Vient,
alors,
un moment où nous ne pouvons plus nous cacher, nous trouvant face à
notre vérité vraie, comme un reflet dans le miroir, les yeux lavés et
non plus
embrumés par le mensonge, la manipulation ou l’orgueil. Pour nous rendre
compte
que nous sommes désemparés et nus face au mensonge qui nous habite, nus
et démunis
face à celui qui nous aime et nous connait mieux que nous même.
Mais
Jésus
le dit tout au long de son évangile. Nous ne sommes pas seuls. L'Esprit
de
Dieu est présent au cœur de chacun. Comme lui, sachons solliciter cet
esprit pour
nous aider à ne pas subir la tentation, pour nous sauver du malheur de
nous y
engouffrer.
Jésus
au
désert, lui aussi, sera assailli par les tentations. Il vient d'être
reconnu
publiquement par son père « Celui-ci est mon fils en qui je
mets toute
ma joie » et en reçoit sa mission : faire advenir
le règne de
Dieu. Alors, pas uniquement avec son corps, mais d’abord avec la force
que Dieu
lui donne, il l’accomplit pleinement.
Choisit-il
le
chemin le plus facile ? En donnant à manger, au-delà de raison, à
ceux
qui ont faim ? « Ordonne que ces pierres deviennent du
pain ».
En s’affichant surhomme pour être admiré « Jette toi en bas
et l’on
croira en toi » ou en imposant au monde un pouvoir
matériel sans
limite « tous les royaumes de la terre, je te les donnerai ».
Rien
de tout cela !
Subvenir
à
des besoins matériels, en dépit de toute convenance. Exercer un pouvoir,
sans
autre raison que de dominer. Agir par orgueil, oubliant toute dignité.
Voilà, les
tentations que Jésus a dû combattre et des tentations que nous vivons
chaque
jour. Alors, comme Jésus, faisons-nous aider par la Parole de Dieu et
son Esprit.
Reconnaissons notre fragilité en osant faire appel à l'autre : mon
frère,
ma sœur et ce Tout-Autre, ce Père qui m'aime et qui n'attend qu'une
chose, que
je l'appelle.
Notre
chemin
de Carême : un chemin de tentations ? Peut-être, mais d’abord
un chemin de conversions et de réconciliations nourries par la
miséricorde. Répondre
à un besoin, exercer un pouvoir ou envie de réussir pour une vie
meilleure, toute
réponse à une tentation n’est pas un péché et notre chemin de Carême
doit nous permettre,
dans une conversion journalière, à regarder avec quel esprit, j'habite
mes
choix, mes pensées et mes actes.
Réussir
sa
vie, n'est pas un mal, mais on peut avoir la tentation de réussir à tout
prix, de briller au-delà de toute convenance en jouant un personnage qui
n'est
pas soi en oubliant notre dignité d’enfant de Dieu. Avoir du pouvoir,
des responsabilités,
n’est pas un mal mais l'ambition de dominer, d’asservir l'autre pour
renfoncer son
pouvoir, voilà des tentations néfastes.
Pour
résister,
comme Jésus, nourrisson-nous de la Parole et de la prière ! Elles vont
nous aider à ne pas céder aux tentations. Jésus nous éclaire encore en
nous
donnant : « le Notre Père ». Nous nous y
reconnaissons
enfant confiant en ce Père, lui demandant de nous aider, de nous
pardonner et surtout
de ne pas nous laisser entrer en tentation. Ainsi converti par Jésus et
la
prière, apaisé par la miséricorde de Dieu, réconciliés avec Lui et nos
frères,
nous avançons sur notre chemin de Carême, pour devenir chaque jour un
peu plus ses
disciples, « des disciples missionnaires…ressentant
un
peu plus chaque jour Jésus vivant avec lui ». (Au
chapitre 29
de la lettre pastorale de notre évêque).
Je
nous souhaite un beau chemin de Carême avec des conversions et
des
réconciliations qui rendent heureux, de le vivre dans l'humilité d'un
enfant
qui a besoin de son Père, dans la dignité d'une personne qui vit sa
fraternité
en Christ au milieu du monde et dans la lumière et la paix d'un enfant
de Dieu
en qui son Père a mis tout son amour.
Patrick
DOUEZ,
diacre permanent
le
26
févier 2023