4° dimanche de l'Avent.
Is 7, 10-16, Ps 23 ; Rm 1, 1-7 ; Mt 1, 18-24
Joseph. Cet homme dont on ne sait
rien, ou pas grand-chose. Les évangélistes Marc et Jean ne mentionnent
jamais son nom. Seul Matthieu parle de Joseph dans ses deux premiers
chapitres – nous venons d’en entendre un passage – et Luc au tout début
de son évangile fait deux ou trois fois référence aux parents de Jésus,
et à Joseph en particulier.
Pourtant, que n’a-t-on pas écrit
ou dit à son sujet ! Mais que sait-on de Joseph, en réalité ?
Tout d’abord, Matthieu dans le texte d’aujourd’hui nous dit que Joseph « était un homme juste ». Qu’est-ce que ça veut dire ?
Dans le langage actuel, être
juste c’est être équitable, dans ses décision ou dans ses actions. Mais
dans le langage biblique, ce mot de « juste » est très souvent employé,
et signifie davantage « ajusté ». Ajusté à la volonté de Dieu, le juste
est celui qui lui est toujours fidèle, qui sait conduire sa vie selon
la Parole de Dieu. Le juste, c’est aussi celui qui est justifié devant
Dieu, c’est-à-dire qui fait advenir la justice de Dieu, ou, dit
autrement, qui vit exactement ce que Dieu attend de lui.
Alors, si Matthieu décrit Joseph
comme un homme juste, ce n’est pas simplement pour nous donner une de
ses qualités, pour nous le rendre sympathique : il nous indique que ce
qui suit, ce que va faire Joseph dans ce récit, c’est la volonté même
de Dieu.
En tout dans l’Évangile de
Matthieu, Joseph est nommé 4 fois : la première, c’est dans la
généalogie de Jésus qui se termine ainsi « Jacob engendra Joseph
l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus, qu’on appelle Christ ». Les
trois autres fois, c’est dans des circonstances identiques : Un ange
lui apparaît en songe et lui adresse une demande. La première demande,
c’est d’accepter de prendre Marie pour épouse – c’est le passage
d’aujourd’hui. La seconde, c’est de fuir la colère d’Hérode et de se
cacher en Égypte avec Marie et Jésus. La troisième, c’est de revenir à
Nazareth. C’est tout. Plus question de Joseph dans la suite de
l’Évangile.
C’est peu, mais ça suffit tout de
même pour comprendre l’importance de la place de Joseph : Joseph modèle
d’époux, Joseph modèle de père.
Dans le texte que nous venons
d’entendre, Dieu lui demande d’abord d’accueillir Marie chez lui. Pas
si banal que ça ! Pas facile d’accepter la situation qui se présente à
lui. Quel scandale ! Voilà que celle qui lui était promise est enceinte
! Quelle humiliation ! La coutume et les traditions de son pays
proposent à Joseph de répudier Marie, afin de se soustraire lui-même au
scandale. Mais alors, pour Marie, le sort promis est la lapidation, la
mort. Pour Joseph, quel dilemme ! être, toute sa vie durant, le sujet
de moqueries, ou voir sa promise lapidée ! En homme sage et juste, et
certainement avec une grande tristesse, il avait donc décidé de
répudier Marie, mais en secret. Ainsi, elle ne serait pas dénoncée
publiquement. L’honneur de Joseph serait préservé, ainsi que la vie de
Marie. Oui, se dit Joseph, voilà une solution qui convient. Joseph nous
apparaît ici plein d’humanité. C’est en cela qu’on peut le considérer
comme un modèle d’époux.
Mais, pour sage et juste qu’elle
soit, aux yeux des hommes, cette solution ne convient pas du tout à
Dieu ! L’enfant que porte Marie, c’est son fils, celui qui sera reconnu
comme le Christ, le Messie que tout le peuple attend. L’incarnation de
cette alliance qu’il veut renouveler avec l’humanité. Cette alliance,
elle ne peut se manifester dans la mésalliance entre un homme et une
femme, ni dans la honte, dans la dissimulation, mais au contraire elle
doit apparaître au grand jour, dans la vérité. Pour son fils, Dieu a un
projet beaucoup plus grand, beaucoup plus beau que ce que Joseph ne
pourrait proposer. C’est pourquoi il lui demande rien moins que
d’adopter son fils. Et ce qui n’est pas moins extraordinaire, c’est que
Joseph accepte la proposition de Dieu. Joseph fait confiance à Dieu,
même s’il ne comprend sans doute pas très bien, et s’il ne perçoit pas
toutes les conséquences de son « oui ».
Dans la tradition orientale,
c’est au père et à lui seul qu’il revient de donner le nom à l’enfant.
Dieu, par son messager, dit à Joseph : « Marie mettra au monde un fils,
auquel TU donneras le nom de Jésus. » Ainsi, Dieu établit pleinement
Joseph dans sa dignité de père, et en même temps dans son rôle social
de père. Joseph, modèle de père.
Mais au-delà de ces modèles
d’époux et de père qu’il incarne, Joseph est aussi, et d’abord, un
modèle de croyant. La foi dont il fait preuve est exemplaire. Par trois
fois, il se met à l’écoute de cet « ange de Dieu », et lui obéit, au
sens le plus noble du terme, dans une confiance absolue. Accepter
l’inacceptable en accueillant Marie enceinte comme épouse ; consentir à
tout quitter pour partir en Egypte et mettre à l’abri cet enfant
mystérieux ; revenir à Nazareth sur la seule parole de l’ange lui
disant que tout danger est écarté. Les prises de décision de Joseph
dans des moments aussi cruciaux nous sont présentées par St Matthieu
comme des réponses à des appels de Dieu, comme des adhésions sans
condition à sa Parole. Joseph a placé toute sa foi en Dieu, de manière
totalement désintéressée. En effet la suite de l’Evangile ne nous dit
même pas qu’il en sera récompensé personnellement, comme c’est pourtant
très souvent le cas lorsqu’on décrit dans la Bible un personnage fidèle
à Dieu. Joseph s’efface, disparaît pour laisser place à cet enfant
qu’il élève, littéralement. Il consent à rester dans l’humilité pour
qu’advienne le règne de Dieu.
Alors, frères et sœurs, gardons
de St Joseph cette image de modèle d’homme juste qu’il reste pour nous
aujourd’hui. Le pape François lui-même l’a d’ailleurs signifié dès ses
premières décisions suite à son élection : dans les prières
eucharistiques, St Joseph est maintenant cité systématiquement après la
vierge Marie. Nous entendons désormais : "Auprès de la Vierge Marie, la
bienheureuse Mère de Dieu, avec saint Joseph, son époux..."
Puissions-nous, frères et sœurs,
et particulièrement en ces temps où nous fêtons la venue de Dieu parmi
nous, imiter ce grand croyant qu’est St Joseph, homme juste, dans nos
vies de tous les jours, en nous mettant comme lui à l’écoute de la
Parole que Dieu nous adresse de multiples manières. Que l’intercession
de St Joseph éclaire nos décisions pour qu’elles servent non-pas notre
intérêt personnel, mais d’abord le bien commun, qui est en définitive
l’avènement du règne de Dieu.
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent
St Hilaire de Clisson et Monnières,
le 29 décembre 2013