3° dimanche de l'Avent.
Noël, signe de l’amour de Dieu
Lorsque
nous nous sommes réunis pour la préparation liturgique de ce troisième
dimanche de l’Avent, nous avons commencé, comme le font toutes les
équipes liturgiques, par écouter et méditer un peu les lectures de ce
dimanche. Si, en finale, nous étions unanimes pour dire que ces
passages de l’Ecriture sont plein d’espérance et qu’ils nous invitent
vraiment à nous préparer à accueillir la venue de Jésus, nous
avons pourtant été choqués par certaines expressions.
Ainsi,
lorsque le prophète Isaïe proclame : " Prenez courage, ne craignez
pas ; voici votre Dieu. C’est la vengeance qui vient, la revanche
de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver… », que
retenons-nous ? Que Dieu vient nous sauver ou bien qu’il vient se
venger, prendre sa revanche ? Pourquoi Isaïe se sert-il de ces
mots vengeance , revanche ? Nous savons bien qu’au début de
son histoire, le peuple de la Bible imaginait un Dieu qui, certes
aimait les hommes mais également un Dieu qui était parfois violent,
jaloux, à l'image de l'homme. Même si, chez Isaïe, le mot
« vengeance » est resté, nous comprenons que son sens a
changé. Isaïe parle plus d’une revanche contre le mal, d’une
recréation, dont nous pouvons retenir la longue liste de ses merveilles
aujourd’hui : « Il vient lui-même et va vous sauver. Alors
s’ouvriront les yeux des aveugles, et les oreilles des sourds. Alors le
boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de
joie… »
Rappelez-vous : Jean Baptiste, dans le passage
d’Evangile que nous avons entendu dimanche dernier, n’était pas tendre
non plus. Pour inciter à la conversion ceux qui venaient le rencontrer,
il présentait "celui qui vient" comme un juge redoutable, avec la hache
à la main pour déraciner les pécheurs et les jeter au feu. Or, une fois
en prison, ce qu’il entendait dire de Jésus ne correspondait pas à ce
qu'il avait annoncé. Au lieu d'utiliser la manière forte, Jésus se
proclame "doux et humble de cœur". Il fait bon accueil aux pécheurs et
il va jusqu'à leur pardonner. Nous sommes loin du jugement redoutable
et Jean-Baptiste semble désemparé par cette attitude et, pour cette
raison, il envoie ses disciples demander à Jésus : "Es-tu celui qui
doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?
Alors Jésus,
renvoie à la prophétie d’Isaïe et rappelle les signes qui sont en train
de se réaliser partout où il passe : A sa parole, des aveugles
voient, des sourds entendent, des lépreux sont purifiés… Ces signes
merveilleux sont comme les signes distinctifs du Sauveur. Puisque la
prophétie d’Isaïe se réalise maintenant, c’est que, maintenant, on peut
le croire : Jésus de Nazareth est bien le Sauveur promis.
Comme
chez Isaïe, des aveugles, des sourds, des boiteux, tous guéris !
Jean Baptiste doit le constater, Jésus n’abolit pas les prophéties
d’Isaïe : il passe en faisant le bien, il guérit, il rétablit
l’homme dans sa dignité. Mais il va plus loin, infiniment plus
loin : le Dieu qui se révèle en Jésus n’est pas un Dieu vengeur,
c’est un Dieu de miséricorde et de pardon. Ou alors, si Dieu bouscule
les ennemis de son peuple c’est pour en faire des frères. Voilà
pourquoi le plus petit dans le Royaume est plus grand que
Jean-Baptiste : le plus petit dans le Royaume est celui qui fait
une expérience que Jean-Baptiste n’a pas encore faite, celle d’un Dieu
d’amour et de pardon.
Et nous aujourd’hui ? croyons-nous
vraiment que notre Dieu est un Dieu d’amour, de pardon, et non pas un
Dieu vengeur, revanchard !
Oui, bien sûr, mais reconnaissons
que ce n’est pas si simple. Face à des conflits politiques,
professionnels, relationnels ou familiaux, face aux drames de
l’actualité, nous souhaitons que justice soit faite - ce qui est tout à
fait légitime et même nécessaire – mais nous restons parfois
habités par des instincts violents, expéditifs, nous rêvons volontiers
que Dieu règle les conflits avec éclat, qu’il punisse les méchants
comme ils le méritent à nos yeux… Pour illustrer cela, je reprendrai,
en forme de boutade, des réflexions échangées en équipe liturgique,
lors de la préparation. L’un dit : « Jésus nous révèle
que Dieu n’est pas un Dieu vengeur mais un Dieu qui aime et qui
pardonne. » Un autre reprend : « Mais alors, si Dieu est
si bon, peut-être que Hitler lui-même est au paradis ? » Et
un troisième réplique : « Si c’est le cas, si moi j’y vais
aussi au paradis et que Hitler est là, je ne le regarderai pas. »
Cela nous a fait rire, mais c’est pourtant sérieux. Ceci nous renvoie à
ce que nous dit Saint Jacques dans la seconde lecture : «
Frères, ne gémissez pas les uns contre les autres, ainsi vous ne serez
pas jugés. »
Nous nous disons disciples de Jésus, mais nous en
sommes toujours à douter comme Jean-Baptiste… Pour que nous puissions
découvrir que Dieu est Amour, il nous faut ouvrir nos yeux et surtout
notre cœur : non Dieu n’est pas loin de nous, il n'est pas absent. Il
est présent dans tous les gestes de partage et de solidarité. Il est là
quand on va visiter une personne malade. Quand des familles font un
chemin de réconciliation, c'est lui qui est là. Il est celui qui nous
arrache à nos violences et à nos mensonges.
Voilà ce qui fait
aujourd’hui notre joie, en ce temps d’Avent : nous croyons à la
promesse de la venue de ce Sauveur, une promesse transmise par Isaïe,
par Jean-Baptiste et tous les prophètes, avec leurs mots ambigus,
parfois teintés de violence humaine, mais gorgés d’espérance et de foi.
En accueillant dans notre vie celui qui est "la Lumière du monde",
apprenons à voir les autres avec le regard même de Dieu, un regard
plein d'amour et de miséricorde. Prions pour que se réalise
l’annonce de Noël : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et
paix sur la terre aux hommes qu’il aime ! »
André ROUL
12 décembre 2010