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7ème dimanche du Temps Ordinaire.


Mt 5, 38-48

Frères et sœurs,
Le texte d’évangile de ce dimanche est au cœur des débats de notre société d’aujourd’hui et le rapport avec la violence d’une actualité criante …
La loi du Talion serait-elle la seule maxime efficace par les temps qui courent ?
Nous vivons dans un monde qui souffre de la violence et de la haine. Tous les jours, nous assistons à des guerres, des exodes, des attentats, des conflits … tous les jours, nous entendons parler de représailles, de luttes où s’applique une escalade de la violence. A qui sera le plus fort, à qui rendra les coups reçus ! On parle pudiquement de « rapports de force », mais c’est toujours le même instinct sauvage qui prédomine …
Même si la Loi du Talion était un grand progrès par rapport au cycle de vengeance sans fin de l’ancien temps, où la violence appelait la violence parfois sur plusieurs générations, Jésus nous enseigne, avec des paroles d’une puissance extraordinaire, une toute autre Loi, celle de la non-réplique « et Moi je vous dis de ne pas riposter au méchant. »
Jésus vient s’opposer, frères et sœurs, à cette Loi sacrée (la Loi de Moïse !! vous imaginez !!), la sainte Torah intangible et auréolée de gloire.
Jamais aucun prophète n’avait ainsi parlé… pour parler comme Jésus, il faut être fou… ou être Dieu !
Un Dieu qui a vu la misère de son peuple et qui veut le sauver (c’est la première lecture du livre des Lévites). Un Dieu qui nous pousse à la sainteté, qui nous ordonne de rejeter la haine, l’intolérance et la rancune.
Oui, Dieu est à l’œuvre, mes frères et mes sœurs, même si les jours présents paraissent difficiles. Notre Dieu a déjà obtenu sa revanche. La revanche de l’Amour sur la haine, de l’humilité sur l’orgueil, de la paix sur la violence, de la justice sur l’injustice, de la vie sur la mort. Et il nous invite aujourd’hui à faire de même, à faire un pas de plus car si nous voulons vraiment ressembler à notre Père des cieux, nous devons nous interdire toute riposte, toute vengeance et toute haine.
 « Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ». Cette perfection à laquelle le Christ nous appelle, n‘est autre que la Loi de l’amour.
Nous avons tendance à penser que le Christ apparaît trop gentil et doux rêveur lorsqu’il prône l’amour des ennemis. Pourtant, les séries de tragédies humaines qui ensanglantent notre mémoire, ces dernières décennies, ces dernières années, ces derniers jours, nous apprennent chaque jour que la rancune du cœur produit son fruit de malédiction qu’est la vengeance … et que la haine appelle la haine, la violence appelle la violence, dans une suite sans fin.
Face à la violence, Jésus nous exhorte à répondre par une attitude qui signifie que nous avons renoncé à nous faire justice nous-même, en laissant Dieu faire lui-même ce travail.
Il ne s’agit pas d’une démission ni d’une soumission servile, frères et sœurs, mais bien au contraire, d’actes de liberté positifs : « laisse ton manteau, fais deux milles pas avec lui, donne, ne tourne pas le dos ». C’est précisément en nous engageant ainsi à l’encontre de la violence, que nous sauvons notre liberté de toutes haines, colères et autres désirs de vengeance qui nous assaillent et nous poussent à une riposte qui ne ferait qu’amplifier le mal. L’attitude surprenante que Jésus nous invite à adopter - qui est d’ailleurs fondamentalement la sienne tout au long de sa vie, jusqu’au cœur de sa Passion - est la seule qui sauvegarde la possibilité d’un dialogue, qui permette à chaque instant de renouer des relations humaines, qui maintienne l’avenir ouvert.
Si nous sommes « le sanctuaire de Dieu », nous sommes donc le « sanctuaire de l’amour » puisque Dieu est amour, nous le rappelle saint Paul. Si nous sommes habités par cette présence de Dieu, cela change tout dans notre vie. Cet amour que nous recevons de lui va nous rendre de plus en plus semblables à lui. Il va chasser toutes les formes de méchanceté ; c’est un amour qui ira jusqu’au pardon. C’est à cela que nous serons reconnus comme disciples du Christ.
Le Christ ouvre devant nous le chemin de la grâce - ce chemin qui déborde la sagesse humaine et la morale ordinaire, qui dépasse même la Loi ancienne dans ce qu’elle avait de juste - en nous demandant infiniment plus : entrer dans une démarche de pardon avec ceux qui nous ont fait du mal, aimer nos ennemis et leur faire du bien. Devant ces appels, nous comprenons que nous ne pouvons vivre cette sainteté et cette perfection que si nous sommes profondément en communion avec lui.
Cela dit, frères et sœurs, et vous l’avez bien compris, il ne s’agit pas pour nous, de s’écraser devant ceux qui nous font du mal, ni de les inviter à nous frapper sans répondre. Il s’agit d’abord et avant tout de ne pas répondre au mal par le mal !
C’est ce que le Christ nous demande aujourd’hui – je ne sais pas pour vous – mais moi, chrétien d’Orient, j’ai beaucoup de mal à y arriver. Comment avancer, comment arriver à faire nôtre cette absolue générosité de Dieu, même devant celui qui nous veut du mal ?
Tout d’abord, Jésus ne nous demande pas de perdre notre dignité face à notre agresseur mais de rester aimant même dans ces circonstances où nous sommes terriblement blessés. Il nous demande de vaincre en nous l’esprit de vengeance qui nous est si naturel. Quand le désir de riposte est dans nos pensées, le mal a remporté une victoire supplémentaire car il est entré en nous et nourris notre rancune si humaine.
Ensuite, Jésus nous invite à faire un pas de géant en disant : maintenant allons plus loin « priez pour vos ennemis, aimez vos ennemis »… Voici la nouveauté suprême de l’Évangile : prier pour la conversion de ses ennemis, prier pour ceux qui persécutent… C’est dans la prière que nous apprenons à remettre notre cause d’abord à Dieu. A lui de faire ce qu’il a à faire – car l’autre est autant son enfant que moi ! Une prière dans laquelle nous demandons au Seigneur de changer nos cœurs, le mien comme celui de l’autre…  une prière où nous demandons la paix et la conversion des cœurs.
Enfin, ne jamais oublier que nous ne sommes pas le centre du monde. Il y a l’autre, tous les autres. Aujourd’hui, c’est de plus en plus « chacun pour soi ». Pour garantir les conflits, il n’y a pas mieux ! Si Jésus nous dit d’être le sel de la terre et la lumière du monde, il nous demande de surcroit d’adopter un comportement radicalement nouveau… Dans ces conditions, la sagesse se révèle précisément comme un savoir-faire, un art de mettre un terme au chaos qu’engendrent l’envie et le mensonge, tout en maniant ceux-ci avec à-propos ; un art aussi de percer le voile des apparences pour que le vrai puisse venir au jour. Il s’agit donc de ruser avec le mal et la mort, ainsi qu’avec leurs instruments que sont la convoitise, l’orgueil et le mensonge, pour tourner le mal en bien, tourner l’envie en ouverture au don, le mensonge en vérité, et la mort en vie.
C'est la prière du roi Salomon. Il aurait pu demander la puissance et la domination, la gloire et l’exclusivité… il a préféré demander la sagesse pour savoir comment gouverner avec justesse. Car sans la sagesse qui vient de l'Esprit de Dieu, nous serons vite ballottés d'un extrême à un autre.
Suivre Jésus n’est pas facile mes frères et mes sœurs… Mais ce n’est pas non plus difficile, car sur la route de l’amour, le Seigneur fait les choses de façon que l’on puisse avancer ; le Seigneur élargit les cœurs !
Nous, qui avons parfois l’art d’édulcorer l’Évangile en pensant que nous n’avons pas d’ennemis, n’attendons pas demain, arrêtons-nous avant d’offrir le sacrifice à l’autel pour confier ceux qui nous énervent, ceux qui nous exaspèrent, ceux qui nous font du mal et ceux que nous n’aimons pas assez…

Ainsi soit-il !

Patrick CHAHLA, diacre Permanent
Clisson, le 23 février 2020


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