Année A

Sommaire année A
Accueil



7ème dimanche du Temps Ordinaire.


Mt 5, 38-48

Eh bien, pour qui pourrait penser qu’être chrétien c’est facile, voilà dans cet Evangile l’exemple parfait de toute la difficulté qu’il y a à vraiment vouloir suivre, et appliquer, l’enseignement donné par Jésus. Nous avons, chacune et chacun de nous, entendu, sans doute depuis notre plus tendre enfance, que le chrétien doit être non violent, qu’il doit tout pardonner, ne pas répondre au mal par le mal, tendre la joue gauche si on lui gifle la droite, donner son manteau à qui veut prendre sa tunique, etc. Je crois que nous pouvons l’avouer franchement, il ne s’agit pas là du passage d’Evangile le plus facile à entendre, encore moins à mettre en œuvre.

En méditant ce texte cette semaine, pour préparer mon homélie, j’avais en tête ces échos de l’actualité qui nous donnent tant d’exemples de la cruauté de l’Homme, de la violence du Monde. Je pensais à cet homme, en Ukraine, que des êtres humains, qui se prétendent soldats, obligent à assister au viol et au massacre de sa femme, de ses filles, par un acte de cruauté sans nom. Je me demandais comment cet Homme pourrait trouver la force de tendre encore la joue gauche…  J’entendais aussi, ce que cette famille fauchée sur la route par un accident provoqué par un être inconséquent, irresponsable, a déclaré alors que la maman, enceinte de 6 mois, a dû accoucher de son bébé mort lors de l’accident, et que son neveu de 6 ans, dans le coma, se battait contre la mort dans sa chambre d’hôpital. Leur avocat a rapporté que, je le cite « La famille est insensible aux excuses, les dommages collatéraux sont sans fin ». Je me suis demandé qui, dans telle situation, pourrait avoir la force, inhumaine, d’accorder son pardon à celui qui est responsable d’un tel drame. Qui pourrait lui tendre encore plus que ce qu’il a déjà perdu par la faute du comportement d’un tel individu. J’avoue chercher encore la réponse à ces questions. Et, du coup, l’inquiétude me saisit. Comment pouvoir se dire chrétien, lorsque dans certaines situations, face à certaines personnes, certains comportements, nous pouvons avoir tant de mal, voire nous sentir incapable, de pardonner ?

 

Mais j’ai la chance, nous avons la chance, en tant que chrétiens, d’avoir reçu, outre la grâce du baptême, un bien ô combien précieux pour guider nos existences, les textes de la Parole de Dieu, témoignages de la vie et de l’enseignement du Christ, révélations de la promesse que Dieu fait à son Peuple.

 

Et dans la 1ère lecture d’aujourd’hui j’ai trouvé une 1ère réponse à mon questionnement. Cette parole m’a interpelé, dans laquelle Dieu dit à Moïse : « Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur. Mais tu devras réprimander ton compatriote, et tu ne toléreras pas la faute qui est en lui ». En écoutant attentivement les paroles du Seigneur à Moïse, j’ai réalisé que ce que Dieu nous demande n’est pas de passer l’éponge aveuglément, de faire semblant de pouvoir faire comme si rien ne s’était passé, où que l’on pouvait pardonner et repartir comme avant ; non. Ce que Dieu nous demande, et c’est très difficile, c’est de savoir aller au-delà de notre colère, aussi juste et aussi forte soit elle, de ne pas tomber dans le piège de la haine « Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur » et dans celui de la vengeance « Tu ne te vengeras pas ». Nous le savons, les sentiments de haine, la soif de vengeance, engendrent et nourrissent la violence. Cette violence qui donne au mal sa nourriture, qui l’alimente et l’entretient. Ce mal qui, finalement, nous ronge, et peut, en nous donnant envie de vouloir détruire l’autre, nous détruire nous-même. St Paul nous le rappelle dans la 2nde lecture « Si quelqu’un détruit le sanctuaire de Dieu, cet homme, Dieu le détruira, car le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire, c’est vous ».

 

Jésus, qui décidément dans ce texte place la barre très haut, au moins aussi haut que le Ciel, dit encore à ses disciples, donc à nous-mêmes : « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux » Aimer nos ennemis. Là, on se dit que dans bien des circonstances, cela risque d’être au-dessus de nos pauvres forces humaines. Eh bien là aussi, l’Evangile peut nous donner un éclairage qui nous aide à discerner comment cela pourrait être possible. Rappelons-nous ce passage, que dans un peu plus de 40 jours nous lirons lors de la Passion du Christ. Ce moment où Jésus, sur la Croix, alors qu’il vient d’être humilié, torturé et cloué sur le bois du supplice s’adresse à son Père dans cette prière « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Père, pardonne-leur. Il ne dit pas, tout Christ et parfait qu’il est « Je leur pardonne ». Non, sans doute, à ce moment-là, ayant pleinement endossé sa condition d’être humain, il n’en trouve pas la force. Mais il remet cela à son Père. Il confie à Dieu, qui n’est que miséricorde, le soin de pardonner à ceux pour qui il est sans doute impossible d’accorder soi-même son pardon. Voilà le signe de cet Amour inconditionnel auquel nous invite le Christ. Ce que je ne peux faire moi-même, car au-dessus de mes forces, je le confie à mon Père du Ciel. Car j’ai confiance en lui et, car au fond de moi, je ne veux pas renier la promesse de mon baptême, celle de rester un Enfant de Dieu.

 

Nous allons entrer mercredi dans ce temps du carême qui doit nous aider à monter vers Pâques. Lors de ce temps de 40 jours, qui nous rappelle la traversée du désert pour le Peuple élu, puis ce temps de la tentation pour Jésus au désert, nous sommes invités à préparer nos cœurs, et nos âmes, à cette commémoration de la Passion du Christ. Nous pouvons le faire de différentes manières et, l’Eglise, nous rappelle que le jeûne est une manière de nous préparer. Ce mercredi soir, notre paroisse nous propose un temps pour vivre cela, lors d’une soirée « pain – pomme », dont nous reparlerons. Mais il est bien des manières de jeûner, ce que Jésus nous rappelle lui-même dans son Evangile. Jeûner, c’est avant tout essayer de se décharger, de s’alléger, de ce qui peut être superflu, ou de ce qui pèse sur nos vies et les tire vers le bas.

 

Alors, en ce carême dans lequel nous allons entrer, puisse le Seigneur nous aider à nous priver, autant que possible, de tout sentiment de haine, de ressentiment, de vengeance, envers nos prochains, qu’ils nous soient proches, éloignés et même si nous les considérons comme nos ennemis. Qu’il nous donne la force de demander à notre Père, pour toutes celles et ceux qui font le Mal, qui Nous font du mal, de leur accorder son Pardon, de les aider à retrouver le bon chemin. Qu’il mette en nos cœurs, et sur nos lèvres, cette prière d’Amour et de miséricorde : « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ».

 

Olivier RABILLOUD, diacre permanent

Pont-Saint-Martin, le 19 février 2023




Sommaire année A
Accueil