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6° dimanche ordinaire.



        « Vous avez appris qu’il a été dit… Eh bien  moi je vous dis… » Vous ne trouvez pas que Jésus met la barre très haut ?  Ne serait-il pas entrain d’alourdir le poids de la Loi ? A moins qu’il nous demande seulement d’ajouter du cœur et du sens aux pratiques concrètes, de remplacer la soumission par l’adhésion et l’amour.
        Etre chrétien – disciple et imitateur du Christ – c’est choisir une vie. Or, une vie ne s’enferme pas dans des interdits. Les prescriptions de la Loi – « Tu ne tueras pas, tu ne commettras pas l’adultère, tu ne feras pas de faux serments. » - sont évidemment nécessaires puisqu’elles conditionnent la possibilité de vivre en société. Mais elles ne sauraient, à elles seules, provoquer l’enthousiasme. Dire : « Venez, je vous apprendrai tout ce qu’il ne faut pas faire » n’est pas très mobilisateur. Vivre en chrétien, c’est choisir l’amour – car Dieu est Amour. Imagine-t-on un amoureux qui ne manifesterait son amour qu’en évitant ce qui est interdit, ce qui pourrait blesser sa bien-aimée, sans jamais un geste positif et gratuit, une parole aimable, un bouquet sans raison ? Cet amour n’aurait guère de chance de durer. La Parole de Dieu ne s’enferme pas dans des lois ; rien ne peut limiter ses appels à plus de vie et plus de cœur.
        Dans sa lettre aux Corinthiens, que nous lisons de façon suivie depuis trois dimanches, St Paul essaie de nous faire comprendre la distinction qu’il y a entre la sagesse du monde et la «sagesse du mystère de Dieu ». La sagesse du monde, c’est celle qui nous invite à réussir dans la vie, en étant le plus fort, le plus riche, le plus écouté ou le plus envié, quitte à utiliser les autres comme de simples «faire-valoir ». Mais, dans cette logique, combien vont réussir, et combien seront laissés pour compte ? Au contraire, St Paul nous invite à réussir notre vie, en suivant une logique bien supérieure à la nôtre, en faisant une confiance totale à la sagesse de Dieu qui suit toujours la logique de l’Amour.
        L’intelligence humaine n’est pas mauvaise. Cette capacité de l’esprit de l’homme est bien créée par Dieu pour nous permettre de comprendre et de maîtriser l’univers dans lequel il nous a placé. Par son intelligence, l’homme est même en mesure, en observant le monde créé, d’en déduire l’existence de Dieu et de s’approcher de son mystère. « Mais ce que nous proclamons, poursuit St Paul, c’est ce que personne n’avait vu de ses yeux ni entendu de ses oreilles, ce que le cœur de l’homme n’avait pas imaginé. » Malgré la grandeur de l’intelligence humaine, par ses propres moyens, personne n’aurait été en mesure de deviner ce que Dieu, dans son amour, réalisait pour nous. Même avec son cœur, (le cœur, dans la Bible, désigne cette capacité de l’esprit humain qui lui permet d’entrer en relation  avec Dieu), «même avec son cœur, l’homme n’avait pas imaginé ce qui avait été préparé pour ceux qui aiment Dieu. » Qui, en effet, aurait pu imaginer que Dieu aurait pu abandonner son trône de gloire pour venir se balader parmi les hommes, incognito, en se faisant l’un de nous, le plus petit, le plus humble, le plus obéissant ? Qui aurait pu imaginer qu’après avoir vécu en faisant le bien tout autour de lui, il aurait accepté de mourir de la façon la plus ignominieuse qui soit, sur le gibet des malfaiteurs, pour vaincre le mal, définitivement ?
        Paradoxalement, notre époque a si bien compris à quel point Dieu aime les hommes, que certains en viennent à penser que, quoi que nous fassions, nous serons sauvés. Un peu comme certains alpinistes qui, sachant que les secours en montagne sont très bien organisés, et de plus gratuits, en viendraient à prendre des risques démesurés. Mais penser cela, c’est oublier que Dieu, dans son amour, a créé l’homme libre, pour qu’il soit capable d’aimer. Et Ben Sirac, dans la première lecture, nous l’a rappelé : « Si tu le veux, tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle…La vie et la mort sont proposées aux hommes, l’une ou l’autre leur est donnée selon leur choix. » Souvenons-nous des circonstances dans lesquelles Dieu a donné la Loi à Moïse sur le Sinaï ; c’était pour arracher son peuple à l’esclavage d’Egypte, et pour sceller avec lui une Alliance Sainte, pour le conduire jusqu’à la terre promise.
        Et voici que Jésus, sur une autre montagne, instruit les disciples qu’il a rassemblés autour de lui. Après les Béatitudes, qui sont comme une sorte de charte du Royaume, la suite du discours pourrait apparaître comme un programme d’attitudes et de comportements qui caractériseraient le « bon chrétien ». Mais ce serait réduire l’enseignement du Christ à un moralisme ou à une sagesse, d’un niveau élevé certes, mais sans différence radicale avec une philosophie athée. Deux petites phrases nous donnent la clé pour comprendre ce qu’il veut nous dire: l’une, que nous avons entendue dimanche dernier, au début du discours : « Vous êtes la lumière du monde », et l’autre à la fin : « Vous donc, soyez  parfaits comme votre Père céleste est parfait ». Bien sûr, nous sommes loin du compte, et nous ne pouvons plus nous rassurer en nous disant que nous avons bien obéi aux instructions de la loi. La loi d’amour que le Christ pose comme loi fondamentale du Royaume conduit au bonheur et dépasse les lois humaines. Parce que cette Loi d’Amour est la conséquence de la rencontre que le Christ a provoquée avec nous, et qu’il souhaite réaliser avec chacun de nos contemporains. Nous sommes tous appelés, mais l’amour ne se commande pas, et chacun est libre de sa réponse. Que notre réponse, au cours de cette Eucharistie, nous unisse plus étroitement à Jésus qui accomplit la volonté de son Père au cœur de notre monde pour que son Règne vienne.

Jean-Jacques BOURGOIS, diacre permanent.
Le 16 février 2014
Le Clion et Ste Marie


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