6° dimanche du Temps Ordinaire.
Journée de la Pastorale de la Santé – VOIR ENSEMBLE (dimanche St Augustin)
Mt 5, 17-37
Lors d’une homélie, on s’appuie
rarement sur le psaume, qui se situe entre les deux premières lectures.
Les psaumes sont de beaux textes poétiques, d’une grande profondeur
humaine et spirituelle. Les psaumes sont les seuls textes de la
liturgie que Jésus lui-même a prié ! Aujourd’hui, je reprends ces
paroles du psaume 118 que nous avons chanté : « Heureux ceux qui
marchent suivant les lois du Seigneur ! ». Qu’est-ce que la loi du
Seigneur ? Est-il facile ou difficile, naturel ou pas, de suivre cette
loi ? A priori, ce n’est pas implicitement facile, car nous avons
entendu la dernière strophe de ce même psaume : « enseigne-moi le
chemin de tes ordres (…), montre-moi comment garder ta loi ». Il s’agit
bien d’un chemin, d’une marche, où rien ne semble définitivement
acquis, mais cette marche nous est annoncée comme une source de joie :
« Heureux ceux qui marchent suivant les lois du Seigneur ! ». Nous
sommes dans une dynamique qui conduit à la plénitude de la joie.
Pour entraîner l’humanité à sa
suite, Dieu a d’abord parlé au peuple hébreu au cours de sa marche dans
le désert. Par Moïse, Dieu a donné les 10 commandements, qu'on appelle
maintenant "paroles de vie", pour sceller une alliance qu’il ne
remettra jamais en cause, mais que l’homme peut oublier. On présente
souvent ces commandements comme des interdits, mais ils balisent le
champ immense du permis car, en fait, ces 10 commandements sont
subordonnés à deux commandements fondateurs : l’amour du Seigneur, et
l’amour du prochain. Tous les autres commandements sont posés pour
protéger ces commandements d’amour.
D’origine divine, ces
commandements sont inscrits au fond du cœur de chacun d’entre nous.
L’amour est un don de Dieu inscrit dans notre intériorité. Nous ne
savons pas ce qu’est l’amour, mais nous éprouvons l’amour, sa présence
active comme son absence traumatisante. Mais dire que le commandement
d’amour est inscrit par Dieu dans notre cœur ne doit pas être compris à
la manière humaine : Dieu ne nous oblige pas à suivre ce commandement.
La première lecture, de Ben Sirac le Sage, le rappelle avec une grande
clarté : « Si tu le veux, tu peux observer les commandements. Le
Seigneur a mis devant toi l’eau et le feu : étends la main vers ce que
tu préfères ». Dans le livre du Deutéronome : « Je mets devant toi la
vie ou la mort. Choisis donc la vie ! » (Dt 30,19).
Saint Irénée de Lyon, au 2ème siècle, reprendra le sens de cette
liberté révélée à maintes reprises dans l’Ancien Testament. L’homme a
été créé totalement libre. Sans cette liberté, écrit Saint Irénée, «
les hommes seraient comme des êtres dépourvus de raison et de vie qui
ne peuvent rien faire par leur propre volonté, mais sont traînés au
bien par nécessité et par force, assujettis à une unique tendance, à un
unique comportement, inflexibles et privés de jugement, incapables
d’être jamais autre chose que ce qu’ils auraient été faits » (CH IV,
37,6).
Dieu nous a ainsi créés à son
image, doués de raison, de jugement, de libre arbitre et de volonté.
Mais Dieu nous a aussi créés à sa ressemblance, et c’est là précisément
que se trouve le chemin ouvert par le commandement d’amour, afin de
passer de l’image à la ressemblance, c’est-à-dire du seuil de tout acte
ou parole (à ce stade, je suis à l’image de Dieu), à l’être qui a agi
et parlé en choisissant la vie (à ce stade, je suis devenu à la
ressemblance de Dieu), et ce même si ma vie est contingente,
c’est-à-dire soumise à tous les aléas de son développement, avec ses
maladies, ses souffrances et ses agonies. Car ressentir, éprouver,
vivre de l’amour de Dieu va au-delà de toute souffrance, ce qui fait
que dans la maladie, ou le handicap, notre image et notre ressemblance
à Dieu ne sont pas altérées.
Dans son discours sur la
montagne, que l’évangéliste Matthieu nous rapporte de dimanche en
dimanche depuis deux semaines, le Christ Jésus ne vient pas abolir ce
commandement d’amour qui nous est offert pour passer de l’image à la
ressemblance vivante au Seigneur, il vient l’accomplir dans des paroles
d’une densité inouïe. Très concrètement, Jésus éclaire le fameux chemin
évoqué par Ben Sirac, car il n’est pas toujours facile de suivre ce
chemin dans notre vie. Jésus nous invite à un vrai discernement avant
d’agir, de parler, pour avancer de manière sereine et juste,
c’est-à-dire ajustée à Dieu. Prenons un exemple : Jésus nous rappelle
l’interdit de tuer « tu ne commettras pas de meurtre » mais il ajoute
que l’on s’écarte de l’ajustement à Dieu avant même de donner la mort,
dès que l’on se met en colère contre son frère. La haine, le mépris,
sont la négation de la Vie.
Jésus nous invite à une attitude
de discernement permanente, pour éviter de chuter. Il est plus facile
de corriger la trajectoire d’un petit cours d’eau que la trajectoire
d’un grand fleuve. Jésus développe ainsi une pédagogie divine à notre
portée. Il éclaire de manière simple et concrète les chemins de notre
vie. Cela ne nous empêchera pas de commettre le mal. Saint Irénée, que
j’ai déjà évoqué, est même convaincu que la connaissance du péché, par
une expérience personnelle, nous est nécessaire pour que nous puissions
choisir le bien. Dit autrement, on apprend à se tenir à distance du feu
une fois qu'on s'est brûlé. Irénée écrit : « si tu répudies cette
connaissance du bien et du mal et cette double faculté de perception,
sans le savoir, tu supprimeras l’homme même que tu es » (CH IV 39,1).
Il y a presque quelque chose de rassurant dans de telles paroles ! On
comprend alors davantage pourquoi Dieu est toujours prêt à nous faire
miséricorde, à nous pardonner, si nous revenons à la vie après chacun
de nos écarts, petits ou grands.
Accueillons dans cette
eucharistie le Christ ressuscité qui nous accompagne et nous garde sur
ce chemin de Vie, toujours attentif à nos écarts, à nos souffrances, à
nos manques, afin que nous soyons non seulement « image », mais aussi «
ressemblance » du Seigneur.
Christophe DONNET, diacre permanent.
12 février 2017
Diocèse de Saint-Etienne
Sommaire année A
Accueil