5° dimanche de Pâques.
Crise
au cœur de l’Eglise… Dans la première lecture, au chapitre 6 du livre
des Actes des Apôtres, nous avons entendu cet épisode des tout premiers
temps de l’Eglise naissante. Quel est le problème ? la communauté
des premiers Chrétiens s’agrandit de jour en jour. Les nouveaux
convertis au Christ Jésus sont majoritairement des juifs, mais de plus
en plus de non-juifs, c’est-à-dire des gens de culture grecque,
viennent agrandir la communauté. Et comme toujours, les minoritaires
ont des griefs contre les majoritaires. Ici, « ceux de langue
hébraïque » ont tendance à favoriser leurs veuves, au détriment de
« celles de langue grecque ». Nous voyons que ce n’est pas
d’aujourd’hui que datent les corporatismes, plus souvent sources de
division que d’union. Mais ce qui est intéressant dans ce passage,
c’est la façon dont l’Eglise va traiter cette question. Que nous
dit-on ? Premièrement, les Douze convoquent l’assemblée des
disciples. (Aujourd’hui, on dirait : « les évêques convoquent
le synode », l’assemblée de tous les Chrétiens.) Ils ne prennent
pas leur décision tout seuls dans leur coin, mais ils vont impliquer
tout le peuple dans la décision : « cherchez plutôt sept
d’entre-vous ». Deuxièmement, ils énoncent le problème, tout en
rappelant l’objectif, le cap qu’il faut garder. Problème on ne peut
plus concret et terre-à-terre : le service des repas prend trop de
temps sur l’annonce de la parole et sur la prière. Or, les trois sont
indispensables : la prière, l’annonce et le service des frères.
Comment ne pas favoriser l’une de ces exigences sans délaisser les
autres ? Car la Mission est une, indivisible : elle ne peut
exister sans le délicat équilibre entre ses 3 piliers. La prière, pour
rester connecté à la source et accueillir le don de l’Esprit Saint qui
pourra alors agir à travers nous ; l’annonce de la parole, car nul ne
peut garder pour lui tout seul ce trésor qu’il a reçu. La Parole n’a de
sens que si elle est diffusée largement, comme la lumière ne peut être
mise sous le boisseau. Elle doit au contraire être portée aussi haute
que possible pour éclairer tous les hommes, même ceux qui sont loin. Et
enfin la troisième exigence de la Mission : le service des frères.
La parole, reçue dans la prière, et annoncée à tous, ne peut être
comprise, ne peut être crédible si elle n’est pas mise en pratique, au
service de la charité fraternelle : « c’est à l’amour que
vous aurez les uns pour les autres que vous serez reconnus comme mes
disciples ».
Les Douze, donc, ont convoqué tous les Chrétiens.
Ensuite ils leur ont rappelé le cap à maintenir, et troisièmement, ils
proposent une solution qui consiste à modifier l’organisation actuelle
pour l’adapter à la nouvelle situation. Et c’est toujours ainsi que
l’Eglise va fonctionner, tout au long des siècles. En restant à
l’écoute de l’évolution du monde et en créant, en collégialité, des
structures adaptées. C’est ainsi que sont rendus nécessaires les
différents conciles, de celui de Jérusalem au début du premier siècle,
jusqu’à celui de la deuxième partie du vingtième siècle, Vatican II, où
les changements radicaux que l’on sait ont été opérés, tout en
rappelant le cap et les exigences de la Mission. C’est également ainsi
que, à l’échelle d’un pays, des synodes rassemblent le peuple de Dieu
autour de ses évêques, successeurs des apôtres, pour trouver des
solutions adaptées aux défis du temps présent. Et c’est encore ainsi
que, dans notre diocèse, s’est opéré le récent remodelage de nos
paroisses, à l’initiative de notre évêque et avec la collaboration
active de chacun.
Ainsi, l’Eglise est sans cesse renouvelée ;
elle est animée, ce qui signifie qu’elle a une âme, qu’elle n’est pas
figée dans une structure de fonctionnement immuable. Et si elle est
animée, qui en est donc l’animateur ? Si nous sommes « les
pierres vivantes qui servent à construire le temple spirituel »
comme l’écrit St Pierre dans sa première lettre, qui est donc celui qui
fait de ces pierres des pierres vivantes ? Qui donc donne à ces
pierres une âme ?
L’animateur, c’est Dieu lui-même. À travers
son Esprit Saint toujours à l’œuvre en ce monde, comme Jésus nous
l’avait promis. L’animateur ne se contente pas de nous montrer le
chemin, il nous donne la force de le suivre. En restant fidèle à la
Parole de Dieu depuis 2000 ans, l’Eglise, animée par l’Esprit, est déjà
sur ce chemin. Nous sommes déjà sur le chemin. Pourtant, on se demande
parfois, comme Thomas dans l’Evangile d’aujourd’hui : « nous
ne savons même pas où tu vas, comment pourrions-nous savoir le
chemin ? ». Mais ce que nous savons, dans la foi, par la foi,
c’est que Jésus est ce chemin, et qu’il nous mène vers le Père. Ainsi,
c’est la foi qui nous fait connaître d’une part où nous allons :
nous allons vers le Père, et d’autre part, le chemin qui y mène :
en étant fidèles à Jésus, nous sommes sur le bon chemin. « Je suis
le Chemin, la Vérité, la Vie ». Passer par le chemin qu’est Jésus,
c’est donc suivre la Vérité, c’est vivre la vraie Vie. Quoi de plus
pour combler le cœur de chaque homme, de chaque femme ? Voilà ce
qui nous anime, voilà ce en quoi nous croyons, voilà quelle est notre
foi.
La foi, c’est bien beau, mais comment croire ? quelles
preuves avons-nous pour fortifier notre foi ? Sur quels éléments
matériels pouvons-nous compter pour construire une foi solide ? la
réponse, c’est Jésus lui-même qui nous la donne : « Si vous
ne croyez pas en ma Parole, croyez au moins à cause des œuvres ».
Les œuvres, c’est-à-dire les fruits du travail de l’Esprit dans la vie
de chacun, voilà nos seules preuves ! Certes, devant un tribunal,
ces « preuves » ne pèsent pas lourd, car elles n’ont aucune
valeur juridique, elles ne sont pas de l’ordre du matériel. Mais dans
le cœur des hommes, ces preuves – appelons-les plutôt des signes – sont
capables de mettre debout celui qui ploie sous le fardeau de la vie, de
relever celui qui est à terre, de donner l’espérance à celui qui
désespère. L’Animateur, l’Esprit du Père, nous donne la foi qui nous
fait avancer sur le chemin. Il nous anime et nous pousse à faire
advenir ses œuvres. Car, si nous voulons aller jusqu’au bout de la foi,
écoutons Jésus qui ajoute : « celui qui croit en moi
accomplira les mêmes œuvres que moi. Il en accomplira même de plus
grandes ». Et c’est bien ce qui se passe, nous le constatons en
lisant la vie de certains saints, mais aussi dans nos propres vies. De
grandes œuvres peuvent être accomplies par celui qui croit. Mais en
définitive, c’est toujours Dieu, l’Animateur, qui agit à travers les
œuvres que nous accomplissons. Nous ne sommes que les « vecteurs
de la Grâce », que les médiateurs de sa Bonté.
Aujourd’hui
comme aux premiers temps de l’Eglise, et comme demain et toujours,
l’Animateur de l’Eglise, l’Animateur de nos vies est là, au milieu de
nous. Tournons-nous vers lui pour lui rendre grâce, c’est-à-dire le
remercier des œuvres qu’il produit en nos vies : c’est ce que nous
faisons à chaque fois que nous célébrons l’eucharistie.
Amen !
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