Ce qu'il y a de
fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi. Des fous ! Voilà
comment St Paul définit ceux qui croient au Christ. Face aux Romains et
aux grecs avec leur multitude de dieux, les chrétiens avec un seul Dieu,
font figure d’insensés. Au milieu des violences du monde et des mystères
de la nature, comme peuvent-ils croire qu'il n'y ait qu'un seul Dieu,
ces chrétiens?
Depuis Paul, les
choses ont-elles vraiment changé ? Au 21e siècle, nos contemporains
ne croient plus ni en Jupiter, ni à Zeus ni même en leurs compères. Mais
ne sont-ils pas éblouis par d'autres dieux, séduits par d'autres idoles
: l'argent, le pouvoir, l'individualisme, le matérialisme, le fatalisme
? Paul face au monde Romain, nous aujourd’hui : une même
problématique : témoigner. Le chrétien est appelé à témoigner par
ses actes, ses paroles, ses engagements de sa foi pour rappeler
l'essence même de l'Humain, image de Dieu, aimé de Dieu. Un Dieu unique
en 3 personnes. Un Père fou d'amour, un Fils image de cet amour inouï en
l'humanité unis dans un Esprit d'amour et de communion.
Dans l'Évangile,
Jésus s'adresse aux disciples, d’hier et d'aujourd'hui, celles et ceux
qui répondent à son appel : « Toi, viens, laisse tout et
suis-moi. » C’est la réponse à cet appel qui fait de nous des
pauvres, des affamés, des artisans de paix. Paul le précise, «
regardez parmi vous, il n'y a ni sages, ni puissants, ni haute
naissance. Au contraire, ce qu'il y a de fou, de faible, de méprisé
dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi ». Serait-ce
là le critère de choix de Dieu ? Ce
qu'il y a de fou, de faible. Est-ce pour cela que j’ai été appelé et
choisi ? Est-ce là le portrait du disciple : pauvres de cœur,
doux et affamés de justice, miséricordieux, artisan de paix ou
persécutés.
Sommes-nous
convaincus, avons-nous la foi, d’être un jour vraiment heureux dans ce
que, tous, nous cherchons absolument à éviter : pauvreté, larmes, faim,
soif, persécution, mépris… ? Pouvons-nous nous reconnaitre dans ce
portrait parfois si tourmenté ?
Parce qu’à
l’évidence, ce n'est pas la direction que l’être humain prend sans
hésiter. Il y a un fossé considérable entre la litanie des béatitudes et
toutes les tentations et promesses de notre société. : richesse,
puissance, satisfaction immédiate de mes désirs et leurs effets :
violence, mépris, solitude.
Le sermon sur la
montagne dans l’élèvement qu’il propose, nous fascine car il
rejoint notre spiritualité la plus profonde. Tout ce qui vibre en nous
de désir de générosité, de volonté de charité, est touché, interpellé.
Les béatitudes ne sont pas une leçon de morale mais la révélation des
valeurs puissantes qui font de la femme, de l’homme, de l’enfant, cet
enfant de Dieu que nous aspirons tous à devenir pleinement. Mais les
béatitudes ne sont pas non plus un tranquillisants spirituel destiné à
nous faire accepter les difficultés de la vie, dans l'attente d’un monde
meilleur ! Elles sont un appel et la mission qui nous est confiée à nous
qui avons reçu l'Évangile, confiée à cette Église, signe du corps du
Christ au milieu du monde.
Parce que, quand
Jésus nous parle du bonheur, il l’exprime en termes d'amour pour les
autres. Il nous invite à imaginer qu’il est toujours possible d'adopter
une nouvelle façon de vivre : c’est le fondement de la joie des
béatitudes. Avec Lui, optons pour les valeurs qui vont nous changer,
apportant de la chaleur humaine autour de nous, transformant nos cœurs
de pierre en cœur de chair. Il ne s'agit plus d'être le premier, le
meilleur, le plus riche ou le plus fort mais d'être une femme, un homme,
un enfant de paix, de partage et de solidarité. Beaucoup nous ont
précédés…Jésus évidemment, et plus proches …Gandhi, Martin Luther King,
Mère Teresa, Mgr Romero, Malala Yousafzai,
Denis Mukwege …
Et tous ceux de nos familles, de notre voisinage qui
mettent l'amour fraternel et l'amour de Dieu en premier dans leur vie.
Le Christ nous invite aujourd'hui à nous convertir pas seulement pour
nous mais pour continuer à convertir le monde. Pas après pas, une action
à la fois, dans la gratuité et l’humilité de celui qui sait que sa
faiblesse l’oblige à ne pas rester seul, à faire confiance à son frère
et à ce Père qui l’aime.
Peut-être
sommes-nous devenus ce « peuple pauvre et petit »
comme le rappelle Dieu à son prophète Sophonie ? Ce petit reste,
qui prend pour abri le nom du Seigneur. Oui, nous avons
répondu à l'appel de Jésus et si nous lui restons fidèles et le suivons
en vivant de l’amour fraternel, ce n'est pas pour rejoindre une majorité
désorientée ou un groupe dominateur ou violent. Ce n'est pas non plus
par habitude ou tradition, c'est pour Jésus, son exemple, son secours,
pour lui seul. C'est avec lui que vous nous pourrons alors agir en
vérité et rendre grâce en l’entendant nous dire « heureux,
vous les pauvres de cœur, le Royaume des cieux est à vous ».
Alors
sommes-nous fous de répondre à l’amour de Dieu en le partageant ?
Mais Dieu ne serait-il pas encore plus fou que nous ? Non seulement
il crée la femme et l’homme à son image, Il leur donne sa vie et son
Esprit, va même jusqu’à leur faire pleinement confiance malgré mes
faiblesses et mes fragilités, nous faire confiance pour faire savoir au
monde et à tous ses habitants qu’ils sont dignes d’être aimés à la
folie.
Patrick
DOUEZ,
diacre permanent
le
29
janvier 2023