3° dimanche de Pâques.
Quelques
jours après mon ordination, nous avons eu la joie, Josette et moi, de
faire un pèlerinage en Terre Sainte. Nous avons visité de nombreux
lieux dont nous parle la Bible. Nous avons marché un peu sur les routes
de Palestine, mais, contrairement à ce que j’avais imaginé, nous
ne sommes pas allés à Emmaüs. Pour la simple raison que ce lieu qui,
selon l’Evangile, devait se situer à une douzaine de kilomètres de
Jérusalem, n’est pas vraiment identifié. Depuis, j’ai compris que
l’important, ce n’est pas de savoir où se situe précisément Emmaüs,
mais bien plutôt de comprendre ce qui s’est passé, le soir de la
résurrection du Seigneur, dans le cœur de deux de ses disciples
découragés.
Car, Emmaüs, c’est partout où un homme ou une femme « marche avec Jésus », sans le savoir bien souvent.
En
nous penchant sur cette belle page d’Evangile, nous serons invités à
ouvrir, nous aussi, notre cœur pour accueillir dans la foi le Christ
ressuscité en suivant les trois étapes du récit :
D’abord, sur la route, entre Jérusalem et Emmaüs,
Puis, dans la maison au cours du repas
Et
ensuite pendant le retour à Jérusalem, nous assisterons à l’évolution
et au retournement qui se produit dans les disciples et nous en
tirerons enseignement pour nous-mêmes.
Sur la route. Oui, ils
sont découragés et abattus, rompus de déception et d’amertume, ces deux
personnages qui ont vu, en quelques heures, tous leurs espoirs
s’effondrer. Ils sont repliés sur eux-mêmes et, tout en marchant,
ressassent leur malheur. Voici que Jésus vient se joindre à eux mais
ils sont tellement absorbés par leur souffrance que, nous dit St Luc,
« leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître ». Jésus les
interroge, s’informe de ce qui les préoccupe, de ce qu’ils viennent de
vivre. Alors, ne serait-ce que par politesse, ils marquent un temps
d’arrêt et accueillent cet étranger qui va d’abord les écouter
longuement et, ensuite, les inviter à relire les mêmes faits avec un
sens nouveau, à la lumière de l’Ecriture. Et, progressivement, Jésus
les rebâtit, leur rend courage. Ils doutent encore mais ils trouvent
auprès de cet inconnu un réconfort étonnant. Leur cœur en est tout
brûlant.
Il nous arrive à nous aussi d’être, d’une certaine
façon, des pèlerins d’Emmaüs. A certains moments, rien ne va plus. Dieu
est loin, l’Eglise nous pèse, nous sommes assaillis de doutes ou nous
rencontrons des difficultés dans notre vie. Et puis, surviennent une
rencontre, une parole, une lecture qui dissipent peu à peu les nuages
et l’optimisme et la joie reviennent. C’est Jésus qui fait route avec
nous, qui vient au cœur de notre vie, qui partage avec nous les joies
et les fatigues du voyage. Ecoutons-le nous redire : « Je
suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin des temps. »
Dans
la maison. Les voici maintenant parvenus à Emmaüs. Ils aimeraient
prolonger cette rencontre qui leur apporte tant de réconfort.
« Reste avec nous ! » Jésus accepte leur invitation mais
en fait, l’invité devient l’invitant, l’hôte devient le maître de
maison, l’étranger qu’ils ont invité à leur table cesse de leur donner
des explications. Par un geste plein de sens, il se donne lui-même.
Jésus rompt le pain et le leur donne et « alors leurs yeux
s’ouvrent et ils le reconnaissent » Nous comprenons ainsi que
reconnaître Jésus ressuscité n’est pas l’œuvre de l’esprit des hommes,
mais l’œuvre de Dieu lui-même qui se donne.
Jésus peut
disparaître à leur regard, ils sont devenus croyants. Ils l’ont
retrouvé, puisqu’il est ressuscité il demeure avec les siens sous les
signes de la foi.
Nul doute que ce récit, pour la première
communauté chrétienne, fait très explicitement allusion à la liturgie
eucharistique. Nous y retrouvons même le schéma de nos messes
d’aujourd’hui : écoute et méditation de la Parole, geste
d’offrande et de partage, fraction du pain.
Comprenons bien que
cette page d’Evangile s’adresse à nous aujourd’hui. Nous ne bénéficions
pas de l’apparition du Christ ressuscité mais, sur le témoignage des
premiers disciples, témoignage permanent dans l’Eglise depuis deux
mille ans, nous pouvons dire, de toute la force de notre foi vécue :
« Christ est vivant ! »
Le retour à Jérusalem.
Dès qu’ils reconnaissent le Seigneur ressuscité, les pèlerins d’Emmaüs
s’empressent d’aller porter la Bonne Nouvelle à leurs frères de
Jérusalem. Ils sont passés de la déception à la conviction, ils ont
compris que la présence du ressuscité est une présence nouvelle qui se
découvre avec les yeux de la foi, à condition de se nourrir des
Ecritures et de partager le repas de Jésus. Finie, oubliée la fatigue
de la route ! Ils ont envie d’aller crier : « C’est
bien vrai, le Seigneur est ressuscité ! » Sans la foi en la
résurrection de Jésus, il n’y aurait pas eu de mission apostolique, il
n’y aurait pas eu d’Eglise. C’est la foi pascale qui regroupe la
communauté des disciples. Nous savons que cette foi aura encore besoin
d’être confortée et que ce n’est qu’après le baptême de feu de la
Pentecôte, qu’après le don de l’Esprit Saint, qu’ils iront proclamer au
monde entier la Bonne Nouvelle. Nous voyons dans les deux lectures que
l’Eglise nous propose aujourd’hui avec quelle assurance Pierre parle du
Christ ressuscité !
Nous sommes, les uns et les autres,
quelque part sur la route d’Emmaüs. Le Seigneur en personne nous
accompagne, mystérieusement. Sa présence n’est plus à côté des
disciples comme hier, mais au-dedans. Il est dans le compagnon ou la
compagne qui partage notre vie, dans les enfants qui sont nés de notre
amour, dans nos amis, nos voisins, nos collègues de travail, dans les
personnes que nous rencontrons dans notre ministère et dans nos
engagements. Il est également dans l’étranger avec lequel nous
partageons notre pain, dans celui qui est triste et découragé que nous
sommes invités à réconforter, dans tous ceux que nous ne connaissons
pas mais qui sont connus et aimés par Dieu.
Au cours de cette
eucharistie, demandons avec foi au Seigneur d’ouvrir nos yeux afin de
pouvoir le reconnaître sur tous les chemins de notre vie. Alors nous
pourrons annoncer, en paroles et en actes, qu’il est à jamais vivant et
qu’il invite tous les hommes à vivre pour toujours unis en Dieu
André ROUL, diacre permanent.
6 avril 2008
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