3° dimanche ordinaire.
Après
son baptême qui inaugure sa vie d'homme, Jésus poussé par l'Esprit se
retire au désert, lieu de repli, de solitude et de prière où il saura
résister aux tentations du Démon. Au retour de ses 40 jours de jeûne,
il apprend avec tristesse l'arrestation de Jean Baptiste. Il sait
qu'Hérode, les pharisiens, les prêtres et une partie de Jérusalem ne
sont pas prêts à recevoir son message. Comme Isaïe l'avait annoncé en
son temps, Jésus se retire en Galilée, carrefour de païens et des
religions et choisit la cosmopolite Capharnaüm pour commencer son
ministère. C'est un pays au revenu modeste, ses habitants sont les 1ers
à supporter les envahisseurs, à vivre sous les oppresseurs, ils sont en
attente fébrile du Sauveur annoncé au long des pages de la Torah.
Sa
première parole "officielle" dirions-nous, est la reprise, mot pour
mot, de l'invective de Jean le Baptiste : "Convertissez-vous, car le
Royaume des cieux est tout proche." s'inscrivant d'entrée dans la
tradition, qu'il confirmera d'ailleurs un peu plus tard en disant "Ne
pensez pas que je suis venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis
pas venu abolir, mais accomplir(Mt 5,17)". Dans la tradition, en effet,
mais aussi et surtout dans la justesse, la pureté et la vérité de la
loi; se convertir pour, comme Jean, refuser les digressions, les
aménagements de la loi qui l'affadit et la déprécie, pour en retrouver
tout son goût, toute sa force et redécouvrir comment vivre avec les
autres dans un amour fraternel et filial pour Dieu.
Mais pour faire
vivre sa mission, pour faire connaître et partager au monde la Bonne
Nouvelle du Salut offert aux hommes, Jésus a besoin de personnes prêtes
à le suivre, à s'engager pour vivre avec lui sur le chemin qu'il
emprunte. Les 2 premiers qu'il invite à le suivre sont 2 frères : Simon
et André, des pécheurs à pieds avec peu de moyens, lançant leur
épervier du bord, ramenant de menus poissons, à longueur de journée les
pieds dans l'eau et la vase du rivage. Puis peu de temps après, il
invite Jacques et Jean, 2 autres frères, d'un niveau de vie bien
supérieur, eux utilisent une barque, avec leur père, ils ont même des
ouvriers et peuvent avancer au loin sur la mer pour jeter leurs filets
et les tirer depuis la berge en ramenant de grosses prises. Pauvres ou
nantis, Jésus ne fait pas de différence, ce n'est pas cela qui compte à
ses yeux, chacun est appelé pour ce qu'il est et ce qu'il fera vivre !
Jésus,
"Dieu Sauve", car c'est vraiment Lui qui vient sauver les hommes, pour
que son message soit entendu jusqu'aux extrémités de la terre, a besoin
des hommes, et plus encore de leur liberté, nulle contrainte, nulle
obligation Un simple "Venez…", une promesse étonnante, une confiance
réciproque dans le respect de la personne, de ce qu'elle est et dans
l'écoute d'une parole et sans doute pour ces 4 hommes, un besoin
impérieux de suivre cet appel pour vivre pleinement, autrement. Comme
la plus part des juifs de l'époque, ils avaient certainement reçus une
éducation religieuse rigoureuse et attendaient avec impatience la venue
du Sauveur mais de ces premiers mots, pouvaient-ils imaginer qu'il
s'agissait de lui ?
"Convertissez-vous…Venez derrière moi…" Parole
de Vie, Parole vivante aujourd'hui encore. Quand Jésus prononce ces
paroles, c'est aussi à chacun de nous qu'il s'adresse; hier,
aujourd'hui et demain, il les disait et continuera à les dire car nous
n'avons pas fini de nous convertir, pas fini de repousser toutes ces
tentations du monde qui nous détournent de notre mission de baptisé,
qui nous empêchent de vivre de la Bonne Nouvelle et de la faire
connaître, toutes nos contraintes qui nous distraient de notre but
ultime, qui dérobent à notre vue la beauté d'un avenir radieux avec nos
frères auprès de notre Père. Car le Royaume, s'il est proche, ce n'est
pas demain qu'il viendra, c'est aujourd'hui qu'il s'établit, qu'il
grandit et c'est ici qu'il se vit, en ce moment en notre humanité, au
milieu du monde. Tout comme aux premiers jours, Jésus avait besoin des
mains, des jambes, du cœur de Simon, d'André, de Jacques et de Jean, il
a encore besoin de nous pour continuer d'annoncer au monde son Évangile
et lui dire cette joie d'y croire. "Venez…", comme les premiers
apôtres, il nous faut accepter sans cesse de nous convertir pour suivre
Jésus accepter de partager notre terre, partager ses richesses,
partager notre humanité, vivre notre fraternité, accepter en vérité
chaque homme, sans exclusion, pour adhérer au dessein de Dieu.
Sans
doute sommes-nous convaincus que le Royaume est à construire et,
souvent, nous pensons que nous en connaissons l'ébauche, que notre foi,
notre façon de la vivre, de la célébrer, que ce que nous ont appris nos
parents, la tradition et la prière nous donnent de croire que c'est le
bon et le vrai chemin pour y parvenir. Et pourtant… Ne sommes-nous pas
comme ces Corinthiens que Paul fustige ? Nous avons tôt fait de tout
cataloguer: traditionalistes, modernes, charismatiques ou encore de
Rome, d'Alexandrie, de Calvin, de Luther et que sais-je … chacun sur
son chemin le seul possible…désunis, divisés! "Christ écartelé" disait
Jean Guitton. Nous nous jugeons, nous nous regardons sans nous
connaître, nous bloquons sur des éléments nés d'incompréhensions, de
contrariétés, de bien des choses qui, sans aucun relativisme et en
gardant toute intégrité, sont bien minimes par rapport à ce qui nous
unit. Par rapport à Celui qui nous unit: Jésus le Christ, sa venue, sa
vie, sa mort et sa résurrection; Dieu notre Père qui aime et attend
chaque homme et son Esprit souffle de vie fécondant le monde et le cœur
des hommes pour leur joie!
Alors, dans cette semaine pour l'unité
des chrétiens, osons demander à notre Père qu'il nous aide par son
Esprit Saint dans une vraie conversion du cœur, pas pour que des
chrétiens "changent" d'Église, mais pour que, par un discernement
sincère, éclairé et profond, nous nous approchions, par une voie de
convergence réciproque, de la Vérité essentielle et Vitale et faisons
nôtre la prière de Jésus :
"20 Je ne prie pas seulement pour ceux
qui sont là, mais encore pour ceux qui accueilleront leur parole et
croiront en moi. 21 Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en
moi, et moi en toi. Qu'ils soient un en nous, eux aussi, pour que le
monde croie que tu m'as envoyé. 22 … qu'ils soient un comme nous sommes
un : 23 moi en eux, et toi en moi. Que leur unité soit parfaite ;
ainsi, le monde saura que tu m'as envoyé, et que tu les as aimés comme
tu m'as aimé" [Jean (17, 20-23)].
Patrick DOUEZ, diacre permanent.
pour le 23 janvier 2011
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