3° dimanche ordinaire.
« Galilée,
toi le carrefour des païens. » On sent un peu de mépris dans cette
périphrase… Assurément, l’expression est moins flatteuse que, par
exemple, : « France, toi la fille ainée de l’Eglise! »…
Pourtant,
ne peut-on pas établir un certain parallèle entre la Galilée d’hier et
notre pays ou, plus largement notre monde occidental
d’aujourd’hui ?
Si oui, alors, ne désespérons pas car sur nos
ténèbres aussi une lumière s’est levée et se lèvera encore. Chez nous
aussi le Christ continue d’appeler à la conversion et à l’unité.
Il
est vrai que la Galilée avait mauvaise réputation. Au VIIIe siècle
avant Jésus-Christ, les Assyriens envahirent le pays des tribus de
Zabulon et de Nephtali. Les populations furent déportées en grand
nombre et des colons étrangers s’installèrent sur les terres désertées.
Cette région, ayant subi beaucoup d’influences étrangères, apparaissait
suspecte aux habitants de la Judée et de Jérusalem. Elle était, à leurs
yeux, paganisée…
Notre monde occidental, dans lequel nous nous
inscrivons, a aussi vécu beaucoup de bouleversements. Sa foi ancestrale
a été fortement ébranlée. La déchristianisation de la France et, plus
largement du monde occidental, est amorcée depuis des décennies.
Nous
le sentons bien, nous le constatons même : la pratique religieuse
a beaucoup baissé, le matérialisme ambiant ne favorisant pas la
recherche spirituelle. La quête du bonheur de beaucoup de nos
contemporains semble se résumer bien souvent en une recherche
individualiste de richesses matérielles ou de satisfactions sensibles
immédiates. Les idéologies, les sectarismes parfois déchirent et
divisent…
Mais il y a aussi, heureusement, dans notre monde, autour
de nous, beaucoup de générosité, de don de soi, d’amour, de foi. Nous
en sommes témoins et nous y trouvons raison de croire et d’espérer.
Oui,
comme la Galilée d’hier, notre monde d’aujourd’hui connaît les ténèbres
de l’ombre et de la mort mais il a vu et il voit encore se lever une
grande lumière. N’ayons pas peu de vivre au monde…
Disciples du
Christ, nous nous voulons « réellement et intimement
solidaires » de ce monde dans lequel nous vivons. « Les joies
et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps,
des pauvres surtout, sont aussi les joies et les espoirs, les
tristesses et les angoisses de disciples du Christ, et il n’est rien de
vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur ».
Rassurez-vous, cette affirmation n’est pas de moi. C’est la première
phrase de la Constitution « Gaudium et Spes » du Concile
Vatican II. Nous savons, dans la Foi, que ce monde marche vers le
Royaume, qu’il est aimé de Dieu, que le Christ veut se révéler à lui,
le délivrer de ses ténèbres, l’illuminer.
Pour cela, comme il le
faisait hier sur les bords du lac de Galilée, le Christ continue
d’appeler des « pêcheurs d’hommes ». Nous en savons quelques
chose nous qui avons accueilli dans notre cœur et dans notre vie cet
appel particulier à le suivre et à le servir dans nos frères. Avec
l’aide de l’Esprit de la promesse, en Eglise, nous voulons essayer
d’être, à notre tour, lumière, de refléter le Christ « lumière des
peuples ».
Mais alors, comment expliquer que, riches de ce
trésor inépuisable depuis vingt siècles, les chrétiens ne soient pas
parvenus encore à enflammer le monde ? La Foi chrétienne est vécu
presque partout dans le monde mais, malgré toutes les richesses qui se
vivent ça et là, force est de constater que l’incroyance, le doute et
l’indifférence ont largement droit de cité dans nos cœurs et ceux de
nos contemporains. Pourquoi ?
J’y vois deux raisons :
La
première, c’est que la foi ne s’impose pas. Nous savons que le Christ
lui-même a été rejeté par beaucoup de ses contemporains. « Il
enseignait dans les synagogues, proclamait la bonne nouvelle du
royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le
peuple » mais, malgré cela, tous n’ont pas cru en lui. La foi est
don gratuit du Seigneur et libre réponse de l’homme. Dieu respecte
tellement notre liberté que sa lumière n’est pas du genre projecteur
halogène qui aveugle mais douce lumière qui éclaire et réchauffe,
parfois simple lanterne qui balise notre route.
La deuxième raison,
c’est que la division durable et ostensible des disciples du Christ est
un scandale pour tous, croyants et incroyants.
Et nous en venons
à la deuxième lecture. « Moi, j’appartiens à Paul, moi à
Appolos, moi, à Pierre, moi, au Christ ». On
le voit, la division des chrétiens ne date pas d’aujourd’hui…
« Que
tous soient un, afin que le monde croie que tu m’as envoyé » Jn,
17, 20 La prière du Christ l’exprime clairement : l’unité des
disciples est nécessaire pour que le monde croie.
De grands pas ont
été faits en quelques décennies sur le chemin de l’Unité. L’heure n’est
plus à l’anathème ni à la condamnation mutuelle. Mais, les divisions
subsistent.
Que nous redit le Christ aujourd’hui ? « Convertissez-vous ! »
Nous
convertir, nous catholiques, protestants, orthodoxes ? Bien sûr,
nous autant que les autres. Le Seigneur ne nous invite pas à renier
notre foi mais, bien au contraire, à mieux croire, à nous tourner vers
sa lumière et à nous détourner davantage de notre attirance ambiguë
pour l’ombre et les ténèbres, à changer nos cœurs de pierre en cœur de
chair, à aimer toujours plus, toujours mieux.
Si l’Eglise est
sainte, parce que sanctifiée par le Christ, elle n’en est pas moins
d’une certaine façon pécheresse, parce que composée de pécheurs.
En
cette semaine universelle pour l’unité des chrétiens, nous sommes
invités à prier avec sincérité, « pour l’unité que Dieu voudra,
par les moyens qu’il voudra. »
Ne tombons pas dans le
pessimisme, restons fermes dans la foi et l’espérance. Malgré ses
ombres et ses ténèbres, notre monde est à jamais illuminé par la
lumière du Christ, notre sauveur.
Nous qui sommes, par grâce,
irradiés de cette lumière, ne divisons pas le Christ. Accueillons en
vérité l’appel à la conversion et à l’unité que l’Eglise nous adresse
aujourd’hui.
André ROUL, diacre permanent
23 janvier 2011
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