Frères et sœurs,
L'année liturgique fait défiler toute l'histoire du
salut et
comme elle se clôture bientôt, elle aborde « les derniers temps » : le
retour
du Christ est imminent (même si on ne connaît ni le jour ni l’heure),
alors tenons-nous
prêts, veillons dans la foi, la
charité,
l'espérance, la prière.
L'évangile nous propose aujourd'hui la parabole dite « des
vierges prévoyantes et celles insouciantes ». Insouciantes ?
Il ne
s'agit pas ici de « têtes de linotte » ; il s'agit bien de
personnes qui
agissent délibérément selon leurs principes, leur philosophie de vie,
selon
leurs idées religieuses. Autrement, on pourrait croire que ce n'est pas
de leur
faute si elles agissent ainsi. Dans la Bible, l’insouciant, (le fou),
c'est
l'impie, celui qui refuse Dieu, qui mène une vie sans Dieu,
contrairement au
sage qui a fait le bon choix de s'en remettre à Dieu, de se fonder sur
Dieu. La
parabole des dix vierges rappelle qu'il n'y a que deux alternatives dans
la vie
: soit on choisit Dieu et on a
la vie,
soit on tourne le dos à Dieu et
on va à
la catastrophe. Comme lorsque Jésus compare l’homme qui bâtit sa
maison sur
le sable, contrairement à celui qui pose de solides fondations sur le
roc,
parce qu'il est prévoyant car, dans
nos
vies aussi, il y a des intempéries, des tempêtes et des tsunamis…
Les
enfants : dans
l’évangile Jésus raconte une histoire… dix jeunes filles sont invitées
à un
mariage… elles attendent le marié avec des lampes à huile (comme dans
Aladin)…
il tarde à venir… 5 ont des réserves d’huile ; 5 non… leur lampe
va
s’éteindre, le marié ne les reconnaitra pas et elles ne participeront
pas à la
fête ! D’habitude Jésus nous apprend plutôt le partage ;
pourquoi ici
les jeunes filles ne partagent pas leur huile ?
Jésus nous raconte la parabole d’une fête de noce :
Lui-même
est le jeune marié ; il ne nous présente pas la mariée, parce que c’est
tout le monde, chacune et chacun,
et on dirait que l’heureuse élue sera choisie parmi ceux et celles du
cortège
nuptial qui ont de l’huile avec leurs lampes. Il y aura un instant
fatidique où
les imprévoyantes vont se
révéler comme
telles et le regretter, pendant que les
sages vont être félicitées et s’en féliciter. Mais la pointe du
récit, c’est
cette huile qui va être le «
révélateur ». Quelle est donc cette huile qu’on ne peut pas partager,
qu’on ne
peut pas emprunter ? Elle n’est sûrement pas le privilège de quelques
fortunés,
puisque tout le monde peut s’en
procurer,
mais à temps, à l’avance et en l’ayant près de soi tout le temps. Chaque
homme
a quelque chose en quoi il « croit » qui le maintient debout en marche :
un
grand idéal, de grandes convictions, on parle carrément d’une « foi », même quand
ce n’est pas la foi en Dieu. Et cette foi doit être alimentée par une « pratique », par une vigilance de tous les instants. Et dans ce domaine, toute
imprévoyance est coupable, car c’est tellement
personnel
que personne d’autre ne peut nous donner de sa foi ni de sa vigilance.
Je pense par exemple aux grands sportifs, personne ne peut s’entraîner à
leur
place ; une maman qui attend un bébé, personne ne peut être à sa
place ;
un élève qui veut réussir dans la vie, ne peut compter sur le copain qui
lui
fait ses devoirs ; l’époux qui fonde un foyer avec la femme de sa
vie, ne
peut pas déléguer ni se faire remplacer… Nul
ne
peut alimenter la flamme de l’amour d’un autre. Nous comprenons
alors
que la vierge sage ne peut rien pour la vierge insouciante : ce n'est
pas de
l'égoïsme si elle dit qu'elle n'en a pas pour elle-même et pour les
autres,
c'est qu'il y a ce qui ne se
prête pas,
ne se partage pas. On ne prête pas son corps, on ne prête pas l'amour,
on ne
prête pas son passé, on ne prête pas sa vie...
La
vie chrétienne est,
elle aussi, une flamme d’amour à alimenter personnellement et
quotidiennement.
Quand l’Epoux arrive,
chaque fois que Jésus vient, il doit la trouver allumée ; toute
imprévoyance
sera sanctionnée, parce qu’elle prouve que l’arrivée du Seigneur était
le
dernier de nos soucis. Nous n’avons pas à lui reprocher d’être sévère,
car le
tort est de notre côté, du seul fait de ne pas être prêt pour entrer à
la fête.
Comment vivre la fête sans s’y préparer ? Ce ne sera pas sa faute, si on
tombe
en panne sèche, si on n’a pas fait le plein à temps et suffisamment, si
on ne
se soucie pas de recharger ses batteries à temps, si on n’a pas pris au
sérieux
l’enjeu et l’importance de son invitation…
Comment et avec quoi faire le plein ? Faut-il disposer de
ressources financières pour cela ? Faut-il fournir des efforts héroïques
? Non
bien sûr, car dans ce cas, ce ne serait réservé qu’à des élites. Or la
vie chrétienne, c’est ce qui a été caché
aux sages et aux savants pour être révélé en plénitude aux humbles et
aux
petits…
Sainte Mère Teresa de Calcutta disait : « Ne
vous imaginez pas que l’Amour, pour être
vrai, doit être extraordinaire. Ce dont on a besoin, c’est de
continuer à
aimer. Comment une lampe brille-t-elle, si ce n’est par l’apport
continuel de
petites gouttes d’huile ? Qu’il n’y ait plus de gouttes d’huile, il
n’y aura
plus de lumière, et l’Epoux dira : « Je ne te connais pas ». Mes amis,
que sont
ces gouttes d’huile dans nos lampes ? Elles sont les petites choses de
la vie
de tous les jours : la joie, la générosité, les petites paroles de
bonté,
l’humilité et la patience, simplement aussi une pensée pour les
autres, notre
manière de faire silence, d’écouter, de regarder, de pardonner, de
parler et
d’agir. Voilà les véritables gouttes d’Amour qui font brûler toute une
vie
d’une vive flamme. Ne cherchez donc pas Jésus au loin ; il n’est pas
que
là-bas, il est en vous. Entretenez bien la lampe et vous le verrez.
»
Voilà ce à quoi nous invite Sainte Mère Teresa : vivre
l’Amour simplement et quotidiennement ; autrement dit, vivre
ensemble chaque jour comme des frères
et des sœurs… Et bien justement, pour nous sensibiliser à cette
réalité,
notre Diocèse nous invite samedi et dimanche prochain au Festival de la Fraternité (cf. bulletin)… 10 ans après Diaconia
2013, il permettra de mettre en valeur le service de la fraternité, à
l’occasion de la journée
mondiale des
pauvres et de la journée nationale du Secours Catholique Caritas
France. Cet
évènement est ouvert à toutes et tous, avec une invitation particulière
pour les
personnes en situation de précarité et les acteurs de la solidarité. Il
permettra de partager des expériences vécues dans les paroisses et les
mouvements, d’échanger en toute convivialité, autour des initiatives
visant à
développer la fraternité et l’attention vers les plus fragiles. Si
vous pensez que vos lampes ont besoin
d’huile nouvelle, ce Festival est fait pour vous !
F&S, vous l’aurez compris : la rencontre avec Dieu, ce n'est donc pas l'affaire de l’instant
fatidique où le cri retentit que l'époux est là, c’est l'histoire de toute une vie ; ce n'est pas au fameux
dernier jour que le chrétien se souviendra qu'il devait entretenir sa
vie
chrétienne, comme une lampe qui devait rester allumée avec de la réserve
pour
l'alimenter jour et nuit.
L'huile pour nos lampes de la vie, ce sont donc nos
œuvres fraternelles, en y ajoutant
aussi la prière. L'Eglise a
toujours
recommandé la prière comme le moyen le plus sûr de veiller ; soyons
donc
fidèles à une prière quotidienne, une prière joyeuse, une prière contre
l'assoupissement de la routine. Grâce à la prière, nous savons veiller à
ce qui
est essentiel, au vrai bonheur, à la vraie vie, au grand amour, plutôt
que
d'avoir la tête ailleurs. Elle nous permet de sortir à la rencontre de
Jésus
(l'Epoux), de sortir de notre quotidien trop programmé, trop surchargé
ou alors
sans relief, un quotidien où l’on s'assoupit sous le poids des
habitudes. Elle
stimule et permet de tenir dans les difficultés, les doutes, les
crises ; elle protège notre
flamme contre les
courants d’air de l’erreur, de l’incroyance, de l’esprit du monde et
de ses
tentations.
Oui F&S, les lectures de ce jour nous enseignent le bon
usage de l'incertitude dans la
foi.
Il s'agit peut-être de se
préparer à
mourir, mais en apprenant à vivre. Vivre en état de veille, non pas dans l'angoisse stérile du lendemain,
mais dans l'attente confiante, pour un soir de fête : notre Foi au
Christ
mort et ressuscité nous conduit à l'Espérance
de
la rencontre ; (puissions-nous, à l’occasion du 11/11,
partager
cette vision avec nos frères et sœurs anciens combattants qui
représentent ici celles
et ceux qui ont donné leur vie pour la France). Depuis notre baptême, nous
avons reçu la Lumière du Christ et
nous sommes la lumière du monde ;
alors
si nos lampes sont éteintes, faute d'huile, l’Époux ne peut pas nous
reconnaître : « Amen, je vous le
dis, je
ne vous connais pas. » ; mais si nous sommes suffisamment
semblables à
Lui, il nous reconnaîtra.
Veiller,
c'est donc vivre au
jour le jour cette ressemblance avec Jésus et avec son Père, pour
laquelle nous
sommes faits : c'est aimer comme
Lui.
Chose impossible, sommes-nous tenter de dire... Heureusement, cette
ressemblance
d'amour est cadeau ; il
nous
suffit « de la désirer, de la
chercher » comme la Sagesse dans la 1ère lecture
et comme nous
y invite le psalmiste : « Dieu,
tu es mon
Dieu, je te cherche dès l'aube ». Veiller, en fin de compte, c'est
être toujours prêt à Le recevoir,
éclairés
par nos lampes remplies de l’huile de la Fraternité !
Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau…
Amen.
Patrick
JAVANAUD, diacre
permanent
12
novembre 2023