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30° dimanche du Temps Ordinaire.
 

  

Avant de plonger dans la réponse de Jésus je voudrais vous partager deux remarques. La première : c'est la première fois, dans la Bible, que ces deux phrases, ces deux « commandements » se côtoient et qu'ils se répondent directement. Bien sûr, ils font partie des paroles que Dieu donne à son peuple, repris par les prophètes mais jusqu'alors, ils n'étaient jamais face à face, jamais en résonance. 

La seconde est la notion de « commandement », notion qui, aujourd’hui, implicitement contraint à une réalisation parfaite avec en contre-coup l'imperfection, la désobéissance et parfois de la culpabilité. Et il peut, aussi, sembler incongru de « commander » d’aimer. N’étant ni petits soldats, ni marionnettes, ces phrases qui contiennent, pourtant, une vérité éclairante qui sauve, sont de l’ordre de la supplication, de l’adjuration d’un Père qui aime ses enfants et veut leur bien et d’un frère venu nous guider vers la vérité. Femme et homme à son image c'est dans notre humanité limitée, fragile et imparfaite que nous avons à suivre, en pleine liberté, cette double vocation à l’amour pour devenir pleinement enfants de Dieu.

Cette parole de Jésus mettant en regard l'amour pour Dieu avec celui du frère révèle l'importance de l'altérité dans notre vie d’homme ou de femme et notre vie de foi…L’altérité c’est la vérité de la différence de l'autre, sans aucun jugement. La reconnaissance de nos différences et donc de notre singularité propre, est une source d’émerveillement, dans cette commune humanité qui nous relie, dans cette commune dignité d'enfants de Dieu qui nous unit formant, ensemble, le corps du Christ. 

Plutôt qu’un commandement, il s’agit d'une invitation pressante à révéler une autre façon d'être au milieu du monde pour que dans le riche terreau de cette humanité le Royaume de Dieu vienne prendre racine. Par son incarnation et nourri de sa parole, le Christ invite à découvrir cet amour en nous, autour de nous, dans notre vie et celle d'autrui pour qu’à notre tour nous puissions rendre sans hésiter cet amour en le partageant pour vivre avec l'autre sans peur et sans apriori mais toujours à l’écoute notre guide. D'ailleurs le peuple auquel Dieu s'adresse commence, toujours, sa prière par « Sh’maʿ Yisrā'ël… », « Écoute Israël… » Avant tout, mets-toi en position d'écoute, de recevoir, de goûter ce que ton Dieu, ton père, te donne en cet instant... Et que dit Jésus à ce docteur de la loi…et à nous aujourd’hui ? Cet amour pur et fort, cet élan profond de tout ton être vers ton Dieu, fais-en, ton moteur et ton carburant, pour avancer avec tes frères dans la vie et ainsi être artisan de paix et de fraternité. Ce n'est plus un commandement mais une façon radicale de vivre sa foi en Dieu, sa fidélité et sa confiance en lui. Foi, Fidélité, confiance ne seront justes et fécondes que si elles sont sources de notre charité et de nos relations avec les autres. Radical parce que cela nous renvoie, une fois encore, à notre humanité fragile parfois teintée d’orgueil, parce que notre volonté seule, notre force physique ou même spirituelle, ne suffisent pas à elles seules pour aimer si pleinement : Notre Dieu, Notre maison commune et ses richesses et peut-être plus encore mes sœurs et frères en humanité.

Prendre volontairement des décisions et des dispositions pour s'orienter et se mettre en capacité d’obéir à la loi du Christ en aimant est indispensable mais vivre de l'amour tel que nous y invite Jésus, tel qu'il va le vivre lui-même, ce n'est ni un concours ni une compétition mais bien plus un abandon. S'abandonner au travail de l'Esprit Saint en moi, me laisser guidé par la force du Christ reçu à mon baptême, m'abandonner à la volonté de Dieu qu’il me remplisse de son Esprit d'amour pour le vivre avec le monde et toute la création.

Si Jésus vient pour accomplir la Loi, il ne vient pas pour juger mais pour sauver, sauver tous ceux qui le veulent,certes, mais d'abord tous ceux qui par leur manière d'être, leur façon de vivre incarnent cet amour gratuit, cet amour intense, cet amour qui nous donne de vivre notre fraternité sans crainte et sans exception. 

Comme le remarquait l'équipe de liturgie, qui a préparé cette messe, cet amour, Jésus va le vivre et le faire vivre à toutes celles et tous ceux qu'il rencontre.... Avec la Samaritaine qu'il va lui-même désaltérer de son eau, avec l'aveugle né qu'il va libérer de ses ténèbres, avec le lépreux qu'il va purifier, avec le paralytique qu'il va relever et tant d’autres/…/ sans jugement, sans marchandage, pour que chaque personne témoigne de cet amour agissant, pour que chacun voit et ressente qu’un amour pur et gratuit sauve et donne de revivre, parfois même de renaître, parce qu'il relève, qu'il éclaire, qu'il met en route, qu’il nourrit et rend pleinement heureux… s'il est partagé, proclamé et incarné. Alors, frères et sœurs, à l’invitation de Jésus, vivons notre double vocation à l’amour, ici et hors de ces murs avec toutes nos sœurs et tous nos frères en humanité.


Patrick DOUEZ, diacre permanent

le 29 octobre 2023



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