Année A

Sommaire année A
Accueil



30° dimanche ordinaire.
 
« En ce temps-là, les pharisiens, apprenant que Jésus avait fermé la bouche aux sadducéens, se réunirent, et l’un d’entre eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l’épreuve ». Les pharisiens, les sadducéens, mettent à l’épreuve Jésus.
Je vous propose de revenir un peu en arrière et d’un seul coup d’œil de regarder le chapitre 22 de l’Evangile de St Matthieu que nous entendons depuis plusieurs dimanches : La Parabole du roi qui invite à la noce de son Fils, il y a 15 jours ; « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » que nous avons entendu dimanche dernier. Et juste avant le passage que nous venons d’entendre, la question des sadducéens sur la Résurrection avec l’histoire ridicule de la femme qui a eu 7 maris.
Tout un chapitre de controverse pour prendre Jésus au piège. Mais c’est lui, Jésus qui clôturera en posant lui aussi une question, sur l’origine du Christ. Question qui n’aura pas de réponse : Jésus les laisse sans voix, incapables de répondre.
Qui sont ces pharisiens ? en hébreu pérouchim : c’est-à-dire, séparés : des Juifs qui vivent une stricte observance de la Loi écrite ou Thora (Pentateuque) et de la tradition orale. Ils étaient séparés de la classe dirigeante, et aussi de la foule qu’ils jugeaient ignorante et impure. Les pharisiens multipliaient les obligations et tombaient souvent dans le formalisme. Ce qui n’empêche pas Jésus d’avoir des conversations profondes avec eux pour les aider à se convertir, à retrouver l’esprit de la Loi caché derrière les 613 commandements issus de la Loi donnée par Dieu à Moïse. C’est ce que nous avons entendu dans la 1ère lecture.
Rappelez vous de la conversation avec le pharisien Nicodème (chap. 3 de l’Ev. de St Jean), ce même Nicodème qui essaiera de défendre Jésus lors de son procès et qui sera présent pour son ensevelissement.
Il ne faut peut-être pas les juger trop vite. Ils connaissaient bien la Thora et beaucoup essayaient surement de la mettre en pratique avec justice et justesse. Mais ils passaient souvent leur temps à définir une hiérarchie entre les commandements : si je suis dans cette situation, je peux faire ceci, mais pourtant la Loi me demande de faire cela…Jésus voudrait les faire revenir à l’essentiel : avec Dieu on n’est pas dans le domaine du calcul, des choses à faire ou à ne pas faire pour être en règle.
C’est la question des pharisiens : « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? »
Saint Paul, l’ancien Pharisien scrupuleux, qui a fait l’expérience de cette conversion, dira dans la lettre aux Romains « Vous n’êtes plus sous la loi mais sous la grâce » (Rm 6,14). Et si l’on entre dans la logique de l’amour, ces deux commandements sont semblables, dit Jésus, ils sont de même nature ; bien sûr, car il n’y a pas deux sortes d’amour ! Celui dont on aimerait Dieu et celui dont on aimerait nos frères ; le second est la vérification du premier ; comme dit Saint Jean : « Si quelqu’un dit : J’aime Dieu, et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas. » (1 Jn 4,20).
Comment les pharisiens vivaient-ils leur foi devant cette exigence de l’Amour ?
Le Talmud, un texte très important pour les juifs, pour les aider à interpréter, à actualiser la Loi, nous parle de 7 catégories de pharisiens, non sans humour :
Les Pharisiens de Sichem, qui ont accepté la circoncision pour la forme, pour vivre en paix, mais qui ne sont pas entrés dans L’Alliance avec Dieu,
Les pharisiens pointilleux qui sont tellement et faussement humbles qu’il se cognent les pieds dans tous les cailloux,
Les pharisiens qui saignent : ils ferment les yeux pour ne pas voir le péché et se cognent donc dans tous ce qui se présentent devant eux,
Les pharisiens marteaux, qui sont tordus et dont la morphologie ressemble à un marteau,
Les pharisiens « quel est mon devoir et je l’accomplirai » qui veulent toujours faire plus pour être en règle.
Les pharisiens d’amour, mais d’amour de la récompense qui ne font jamais rien de manière désintéressée,
Les pharisiens de crainte qui n’agissent que par crainte du châtiment.
Et nous les chrétiens, comment recevons-nous la réponse de Jésus. Il nous est souvent facile de privilégier l’amour de Dieu par rapport à l’amour du prochain, ou inversement.
Donc, ce que Jésus cherche à faire comprendre aux Pharisiens, et aussi à nous, c’est qu’ils risquent, au nom même de la Loi, d’oublier le commandement de l’amour.

« Tu aimeras le SEIGNEUR ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit » : c’est dans le Livre du Deutéronome au chapitre 6, cela fait partie de la profession de foi juive, le Shema Israël ; « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », c’est dans le livre du Lévitique (Lv 19,18). Et Jésus dit « ces deux-là donnent sens à tous les autres » : « De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes. »
Il est vrai que la Loi, mais aussi les Prophètes liaient déjà très fort ces deux commandements ; pour la Loi, ce que nous appelons les dix commandements : il y a les commandements qui concernent la conduite envers Dieu qui sont immédiatement suivis des commandements qui règlent la vie avec les autres. Et cette Loi, qui dictait la manière de vivre avec les autres, était toute orientée vers les pauvres, les veuves, les orphelins, les immigrés, au nom du Dieu de l’Alliance, ce Dieu que l’on devait aimer de tout son cœur et de toute son âme...
En résumé, dans la Loi comme chez les Prophètes, la grande leçon c’était « si vous voulez être les fils de Dieu « aimez les autres comme Dieu aime chacun de nous ».
Dieu nous a créé à son image, Lui qui est Amour : cherchons à lui ressembler dans toutes nos actions, petites ou grandes, faisons-les avec amour.
Ce thème est cher à l’évangéliste Matthieu : il est le seul à citer deux fois la phrase du prophète Osée « C’est la miséricorde que je veux et non les sacrifices » (Osée 6,6)1 ; il est aussi le seul à rapporter la parabole du jugement dernier « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40).

Philippe ARRIVE, diacre permanent
Nantes, Couvent des Carmes,
25 Octobre 2020

Sommaire année A
Accueil