2° dimanche ordinaire.
Heureuse coïncidence : la 2ème lecture que nous
propose la liturgie de ce dimanche est justement celle que l’équipe
œcuménique canadienne a proposé en introduction à la semaine de prière
pour l’Unité des chrétiens en 2014. (1 Co 1, 1-17)
Quelle étonnante salutation :
l’Apôtre Paul qualifie l’église de Corinthe de « peuple saint » !
D’autant plus étonnante que dans la suite de sa lettre, il met
sévèrement en garde cette même communauté contre les divisions qu’elle
entretient en son sein ! Il est donc bien évident que, dans cette
salutation, Paul n’entend pas délivrer aux Corinthiens un brevet de
vertu. On sait ce que signifiait : « vivre à la Corinthienne » ! Ce «
peuple saint » est aussi un peuple de pécheur, comme l’ont été, au
cours des siècles et sous tous les cieux, toutes les communautés qui
ont invoqué le nom de Jésus pour trouver en lui le salut. Nos
communautés du XXIe siècle, avec leurs querelles, leurs limites, leur
péché, ne font pas exception. Nous sommes donc là en plein paradoxe.
Mais ce paradoxe était déjà
présent dans la première Alliance : Israël avait à la fois conscience
de son élection et de son infidélité. Dans la 1ère lecture, le prophète
entend Yahvé lui dire : « Tu es mon serviteur Israël. En toi je me
glorifierai. » Et précisément, cette promesse s’adresse à un peuple qui
vient d’entendre de vigoureux reproches : « Je sais que tu as trahi,
encore trahi… C’est par égard pour mon nom que je modère ma colère. »
(Is 48, 8-9) Israël, peuple choisi par Dieu et pourtant perpétuellement
en révolte contre lui ; peuple pécheur et cependant peuple à qui Dieu
confit la réalisation de son projet : « Je vais faire de toi la lumière
des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la
terre. » Paradoxe.
Paradoxe aussi pour l’Eglise, qui est sainte puisque le Christ, notre
tête, est Saint, mais qui reste terriblement humaine. Ce sont les
conflits religieux qui sont les plus virulents, peut être parce qu’ils
touchent aux fondements de notre personnalité profonde. Pourtant, nous
sommes, comme le rappelle Paul aux Corinthiens, « l’Eglise de Dieu,
nous qui avons été sanctifiés dans le Christ Jésus. » C’est par notre
Baptême que nous sommes sanctifiés, c'est-à-dire identifiés au Seigneur
Jésus pour être avec lui les Fils d’un même Père. Et à ce titre, nous
sommes héritiers de la promesse et de la mission qui nous ont été
rappelées par le prophète Isaïe. Nous devons faire parvenir la Bonne
Nouvelle du salut jusqu’aux extrémités de la terre, mais sommes-nous
crédibles si nous ne sommes pas l’Eglise « Une et Sainte » voulue par
le Christ ? « Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que
je suis en toi, qu’ils soient en nous afin que tout le monde croie que
tu m’as envoyé. » (Jn 17, 21) « C’est bien la foi du monde qui
dépend de la qualité de notre unité. » comme le note le Pasteur Louis
Schweitzer.
L’Unité que nous devons atteindre
n’est pas à confondre avec l’uniformité. Si nous sommes différents,
dans chacune des confessions, c’est parce que les dons que nous avons
reçus au cours de notre histoire sont différents. Sans doute que notre
Père nous a comblé de ses dons, mais nous les avons reçus de façon
différente en fonction de nos traditions propres, et en fonction des
fruits que l’Esprit a fait porter à chacun d’entre nous. « Nous avons
des dons qui différent selon la grâce qui nous a été accordée. » (Rm
12, 6) Il y a 50 ans, le Concile Vatican II, dans la Constitution
Lumen Gentium nous disait : « Les membres du peuple de Dieu sont
appelés en effet à partager leurs biens, et à chacune des Eglises
s’appliquent également les paroles de l’Apôtre : « Que chacun mette au
service des autres le don qu’il a reçu, comme il sied à de bons
dispensateurs de la grâce divine qui est si diverse. » (1P 4, 10)
(§13). Déjà, Jean Calvin disait dans son commentaire de l’Epître aux
Ephésiens : « Dieu n’a pas mis tous les dons en un seul homme, mais
plutôt que chacun en a reçu une certaine mesure, afin que les uns aient
besoin des autres, et qu’en mettant en commun ce qui est donné à chacun
à part, ils s’entraident les uns les autres. » Pour tenter de répondre
à l’appel du Christ à l’Unité, la Charte œcuménique européenne propose
la méthode de l’échange des dons : « Il est important de reconnaître
les dons spirituels des différentes traditions chrétiennes, d’apprendre
les uns des autres et ainsi de recevoir les dons des uns et des autres…
Nous nous engageons à surmonter notre propre suffisance et à écarter
les préjugés, à rechercher la rencontre les uns avec les autres, et
ainsi à être là, les uns pour les autres. » (§3) C’est la démarche à
laquelle nous sommes invités dans l’église des Moutiers mardi prochain.
Que notre humilité et notre charité les uns à l’égard des autres nous
conduisent à une vraie communion dans le Christ !
Avez-vous remarqué l’humilité de Jean Baptiste lorsqu’il désigne Jésus,
l’Agneau de Dieu ? Par deux fois il avoue : « Je ne le connaissais pas.
» Peut-être nous faut-il avoir la même humilité avant de désigner Jésus
à nos contemporains comme notre vocation chrétienne nous y invite. Nous
le connaissons souvent par ouie dire, mais prenons nous le temps de
laisser sa Parole descendre en nous pour le rencontrer cœur à cœur ?
C’est dans cette intimité qu’il peut faire de nous des Saints.
Laissons-nous à l’Esprit le temps de transformer notre regard
comme celui de Jean Baptiste pour contempler de façon différente Celui
que nous croyons connaître ? Pour se faire connaître, Dieu confie à
l’homme sa Parole ; il se confie lui-même ; plus, il se livre. Et les
hommes le mèneront à la mort, comme l’agneau sans défense… Mais les
yeux de la foi voient au-delà de l’homme le visage de Dieu. « C’est lui
le Fils de Dieu » : cette affirmation devrait résumer la démarche
œcuménique. Comment ceux qui proclament cette même foi peuvent-ils se
diviser, se combattre ? Dieu a pris le risque de se confier à l’homme,
et l’homme n’a de cesse que de déformer son visage. Mais Dieu
n’abandonne pas son œuvre. Il écoute ceux qui le prient. Il fait
briller sur eux la lumière des nations. Il les rétablira dans l’unité
pour que tous puissent dire un jour, d’un seul cœur et d’une seule voix
: c’est lui le Fils de Dieu.
Jean-Jacques BOUGOIS, diacre permanent
Le 19 janvier 2014
Frat de St Nazaire
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