Cette après-midi notre Eglise, en
particulier en France, a vécu un moment fort, extrêmement émouvant : La
Messe
célébrée par notre pape François à Marseille. Cette messe vient conclure
un
événement particulièrement important : les Rencontres méditerranéennes,
organisées pour que la mosaïque de peuples, de cultures, de religions
qui
composent la Méditerranée construisent et partagent une même espérance.
Ceci
m’a un peu occupé puisqu’y participe une délégation de 20 personnes du
diocèse,
représentant la pastorale des migrants, le service des relations avec
les
musulmans et la diaconie, dont l’évêque m’a confié la responsabilité
depuis 1
an. Malgré l’attrait que pouvait avoir pour moi l’occasion de retrouver
les
rivages de la Méditerranée où j’ai passé une bonne partie de ma
jeunesse, cette
ville de Marseille où j’ai travaillé 2 ans, j’ai finalement choisi de
rester au
sein de ma paroisse ce week end, ce qui me permet de partager, avec
vous, la
joie, et les enjeux, de cet événement. Celui-ci, et ce n’est pas un
hasard, se
conclut ce dimanche, qui est marqué au sein de l’Eglise catholique,
comme
chaque année en septembre depuis 109 ans, par la journée mondiale du
migrant et
du réfugié. Et une fois de plus, cette année, cette journée s’inscrit
dans une
actualité au cœur de laquelle cette question, tellement difficile, de la
migration est encore douloureusement présente. J’ai été, comme beaucoup,
frappé
par cette annonce de l’arrivée massive de 7000 migrants sur l’Ile de
Lampédusa.
Cette arrivée, qui a donné l’occasion à une partie de nos politiciens de
se
donner une certaine visibilité médiatique, correspond au nombre de
personnes,
hommes, femmes, enfants, qui ont péri, noyées dans les eaux de la Grande
bleue,
ces 3 dernières années. Et celles et ceux qui survivent, après avoir
vécu, la
plupart du temps, l’enfer de la traite des êtres humains, l’esclavage,
le viol
pour beaucoup de femmes et d’enfants, ne sont pas au bout de leurs
souffrances.
En France, en cette rentrée scolaire, 2000 enfants dont 500 de moins de
3 ans
sont sans aucun hébergement. 65 dans notre région. Un enfant de moins de
3 ans
qui vit à la rue…A-t-on la moindre idée de ce que cela représente
vraiment ?
Pour lui, pour ses parents ? Qui peut détourner les yeux, ou pire,
fermer son
cœur, en particulier parmi ceux qui, chrétiens, écoutent et croient en
la
parole de Jésus ? Jésus qui, rappelons-le, a vécu en migrant les 1ers
mois de
sa vie, fuyant en Egypte pour échapper au massacre des Saints Innocents.
Qu’elle est difficile cette question de la migration. Difficile pour les
pays
riches qui se trouvent ainsi pris d’assaut, mais combien plus difficile
encore
pour celles et ceux qui n’ont pas le choix, de partir, ou de souffrir de
la
faim, de la violence, de la guerre, ou de mourir.
Certes ce sujet de la migration, cette
question de l’accueil que nous avons tant de mal à faire aux personnes
qui
viennent chercher refuge dans nos pays en paix et relativement riches,
est
particulièrement complexe. Et
nous ne
pouvons pas nous arrêter aux solutions si faussement faciles telles que
«
rejeter les migrants à la mer » ou « accueillir toute la misère du monde
». Il
serait trop long ici, et ce n’est pas l’objet d’une homélie, de
détailler tous
les enjeux auxquels ces problèmes nous confrontent, mais comme l’a dit
le Pape
à Marseille, « C’est un devoir d’humanité, c’est un devoir de
civilisation
» nous pouvons, à la lecture des textes du jour, trouver quelques
éclairages.
La parole de Jésus, tout d’abord, dans ce
texte d’Evangile de St Mathieu. Nous connaissons tous cette fameuse
phrase «
les derniers seront premiers ». Elle peut vouloir dire bien des choses,
mais
elle révèle ce que Jésus est venu annoncer du Royaume du Père : Les
petits, les
fragiles, les pauvres, les exclus, les rejetés, sont aux 1ères places
dans l’Amour
du Père. Et il nous invite à suivre son exemple ! Rap-pelons-nous ces
autres
paroles de Jésus, rapportées par St Mathieu (25) : « « Car j'ai eu faim
et vous
m'avez donné à manger, j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire,
j'étais un
étranger et vous m'avez accueilli ». Ces paroles nous exhortent à
reconnaître
dans le dernier, que peut être le migrant non seulement un frère ou une
sœur
dans le besoin, mais aussi le Christ lui-même qui frappe à notre porte.
Et il
n’est jamais trop tard pour ouvrir, pour se laisser toucher, pour
changer son
cœur ! C’est la parabole que l’on appelle celle de l’ouvrier de la
dernière
heure, que nous venons d’entendre. Le message de Jésus est clair : Peu
importe
le moment où, dans nos vies, on décide de changer notre cœur, de
l’ouvrir à
l’autre, de nous mettre au travail pour bâtir un monde plus juste, plus
accueillant, plus fraternel, plus évangélique, en somme. Dieu nous
récompensera
pour ce que nous faisons de bien, pas pour avoir été en la matière, les
1ers de
la classe. Car Dieu, dans son immense bonté, attend de nous que nous
rendions
nos cœurs meilleurs, que nous nous convertissions à l’Amour, ce qui est
plus
simple à dire qu’à faire. C’est ce qu’il nous dit par la bouche d’Isaïe,
et que
nous avons entendu en 1ère lecture : « Que le méchant abandonne son
chemin, et
l’homme perfide, ses pensées ! Qu’il revienne vers le Seigneur qui lui
montrera
sa miséricorde, vers notre Dieu qui est riche en pardon. ». Non, il
n’est pas
facile de poser sur l’autre, en particulier celui qui, comme le migrant,
vient
avec toutes ses fragilités, avec parfois la violence qui a été le lot de
toute
sa vie, un regard bienveillant, accueillant, le regard du Christ, avec
les yeux
du croyant. Mais oui, ne l’oublions pas, c’est à cela que nous appelle
tout
l’Evangile du Christ, c’est cela l’attitude de Jésus, son enseignement
qu’il
nous a donné pour nous aider à mieux travailler à sa vigne. C’est comme
nous le
dit l’Apôtre Paul (en 2ème) : « Quant à vous, ayez un comportement digne
de
l’Évangile du Christ ». Et notre récompense, lorsque nous le rejoindrons
au
Ciel, aux côtés de son Père, de notre Père, sera juste et équitable,
quel que
soit le moment où l’on aura réussi à mettre en pratique la Parole en
laquelle
on croit et que l’on vient entendre à l’Eglise.
Je voudrais conclure en vous partageant une
prière que notre Pape nous propose pour cette journée 2023 du migrant et
du
réfugié :
Dieu, Père tout-puissant, donne-nous la
grâce de nous engager avec ardeur, en faveur de la justice, de la
solidarité et
de la paix, afin que soient assurée à tous tes enfants la liberté de
choisir
d'émigrer ou de rester. Donne-nous le courage de dénoncer toutes les
horreurs
de notre monde, de lutter contre toutes les injustices qui défigurent
la beauté
de tes créatures et l'harmonie de notre maison commune. Sou-tiens-nous
avec la
force de ton Esprit, pour que nous puissions manifester ta tendresse à
chaque
migrant que tu places sur notre route et répandre dans les cœurs et
dans tous
les milieux la culture de la rencontre et de la protection.
Puisse cette prière nous aider à nous
mettre au travail à la vigne du Seigneur, à oser nous lever pour faire
rayonner
l’Amour du Christ et alors, soyons en certain, les derniers et les
premiers se
donneront la main et feront grandir ce que l’on appelle le Royaume de
Dieu.
Olivier RABILLOUD, diacre permanent
Pont St Martin, Rezé St Vincent de Paul,
24 Septembre 2023