25° dimanche du Temps Ordinaire.
En lisant cette parabole on peut vite se laisser prendre par un
sentiment d'injustice si l'on s'en tient seulement à la question du
salaire... Voilà une comptabilité sans compter !! alors que
l'homme met très souvent des conditions et fait des calculs...
Imaginez un seul instant la scène en cette période de vendanges, des
patrons vignerons du Beaujolais, du Bordelais ou du Muscadet qui s'en
vont tout au long du jour, heure par heure recruter des ouvriers
vendangeurs. Quand arrive le moment de la paye, ils versent à tous le
même salaire, sans tenir compte du nombre d'heures travaillées par
chacun. Rapidement les syndicats s'indigneraient et seraient même
dépassés par diverses coordinations de vendangeurs et autres... si l'on
appliquait une telle méthode dans le monde du travail ça ferait naître
une belle pagaille et tous crieraient à l'injustice avec grève,
assemblées générales surchauffées, défilés avec calicots et slogans.
Qu'est-ce que ces patrons ? Où va-ton ? Du jamais vu ! Le monde à
l'envers. Une parabole qui choque et suscite incompréhension à
plusieurs niveaux : le travail, la justice, l’argent.
Oui c'est bien l'envers d'un certain monde que Jésus évoque ici et il
nous dit que les services comptables de Dieu ne fonctionnent pas comme
chez les hommes. Ici, sur terre, une comptabilité d'argent ; là-haut,
chez Dieu, une comptabilité d'amour. Ici les références ce sont les
actions cotées en bourse, monnayées en dollars, en yens ou en euros.
Rien de tout cela avec Dieu, tout y est mesuré selon les valeurs de
l'amour, de la générosité, de la charité... Notre monde, la société ne
peut grandir si elle fixe l’œil uniquement sur les tableaux de la
bourse. Le monde vit et se construit, bien sûr parce que l'argent
circule, il en faut bien pour vivre – et nombreux sont ceux qui
manquent du minimum -, pendant que d'autres capitalisent des fortunes
par milliards mais le monde vit et se construit encore beaucoup plus
parce quand il est irrigué d'amour. Il ne faut pas non plus lire ce
texte comme un projet de justice sociale mais comme une parabole qui
nous révèle quelque chose du mystère de Dieu et en même temps quelque
chose de notre mystère personnel. Et le plus important c'est de savoir
que l'amour de Dieu est pour chacun de nous sans exception...
Le monde ne peut se développer sans que des ouvriers travaillent à la
vigne du Seigneur. Tout baptisé y est invité à être un ouvrier de la
Bonne Nouvelle, quel que soit son âge ou ses capacités, à une place au
sein de notre paroisse, en pastorale ou autres services. Y a-t-il des
ouvriers qui attendent d'être embauchés ?
Autre point : l'argent. Jésus nous invite à dépasser ce qui est
profondément ancré chez nous avec ce système marchand, du donnant
donnant. Ce que nous recevons de la part de Dieu en travaillant à sa
vigne dépasse toutes nos attentes et nos espérances. Ce n'est pas de
l'ordre monétaire, c'est la liberté, l'amour, le salut et la
miséricorde. Tout ça est sans prix et donné en abondance. Ce prix-là ne
peut se diviser. Jésus s'il nous heurte c'est pour mieux nous inviter à
regarder ce qu'il nous offre.
Et puis en matière de justice nous touchons le cœur de ce qui heurte le
plus dans cet évangile : le sentiment d’injustice qui habite les
ouvriers et qui nous habite aussi après cette lecture.
Comme dimanche dernier, la Justice de Dieu surpasse infiniment notre
justice et nos comptes d’apothicaire. On devrait s'en réjouir plutôt
que de s'en désoler. La justice de Dieu s'appelle miséricorde... Peu
importe ce que nous faisons pour la pastorale paroissiale, le temps que
nous y passons ou consacrons, la récompense sera la même que l’on soit
curé ou qu’on passe le balai pour rendre l’église propre et agréable
aux autres. L’important c'est de faire quelque chose pour mener une vie
digne de l’Évangile. L’Évangile du Christ, c’est le don de sa personne
pour les autres, un don que nous sommes tous appelés à faire. Alors,
oui, cette parabole dérange et n’est pas politiquement correcte, mais
elle nous invite justement à corriger notre manière de vivre notre foi,
à être de ces baptisés actifs et non pas spectateurs
passifs. Vous les jeunes « Dans votre vie de scouts, vous
vivez des moments de tension, de rancœur et finalement vous découvrez
et apprenez que l’essentiel c’est de dépasser cela pour vivre ensemble
des expériences (comme le camp) qui les font grandir et les rendent
heureux, justement parce qu’ils les font ensemble et que personne n’est
mis de côté »
Et somme-nous de ceux qui, simplement, acceptent d’être envoyés sans se
préoccuper de ce qu’ils recevront ? Sachant que nous pouvons être,
chacun, un de ces ouvriers de la onzième heure. Mais que nous
soyons les premiers ou les derniers, le Maître du domaine manifeste sa
tendresse et son amour à chacun de nous qui pouvons prendre part au
travail de la vigne !
François CORBINEAU, diacre permanent
20 septembre 2020
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