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24° dimanche du Temps Ordinaire.

Ben Sira 27,30-28,7 ; Rom 14,7-9 ; Mt 18,21-35 

La liturgie de la Parole de ce dimanche est centrée sur le pardon, souvent si difficile, parfois presque impossible… Le pardon de Dieu constitue un sacrement dans l’ordre de la foi, le sacrement de réconciliation. Cet été, dans une paroisse du Vercors où je concélébrai comme diacre avec le prêtre, une personne est venue me voir en fin de messe pour me demander le sacrement de réconciliation. Je l’ai orientée vers le prêtre, lui expliquant qu’un diacre n’est pas habilité à donner ce sacrement. La personne m’a alors répondu : qu’est-ce qu’un diacre ? L’anniversaire de mes 10 ans d’ordination me donne ainsi l’occasion de vous dire d’abord quelques mots sur le ministère de diacre.

Le diacre a reçu l’unique sacrement de l’ordre qui comprend trois degrés : le diaconat, le presbytérat (prêtre) et l’épiscopat (évêque). Répandu aux premiers siècles comme l’atteste St Paul (« l’épiscope et ses diacres »), il disparaît en Occident comme degré permanent à partir du 5ème siècle, pour rester le premier degré de l’ordination des futurs prêtres. 15 siècles plus tard, en 1964, le concile Vatican II le rétablit comme degré permanent, avec la possibilité d’ordonner des hommes célibataires ou mariés. Dans l’Antiquité, le diacre était chargé du soin des pauvres, chrétiens ou non. Le diacre a toujours été et demeure très lié à son évêque, duquel il reçoit une mission souvent à l’échelle du diocèse.

L’Église précise que le diacre est ordonné pour être signe du Christ serviteur, alors que prêtres et évêques sont ordonnés pour être signe du Christ qui rassemble les communautés et préside aux sacrements, notamment l’eucharistie. Mais il convient de rappeler que c’est parmi les diacres signes du Christ serviteur que certains sont appelés ensuite comme prêtres, puis parmi les prêtres, appelés comme évêques, pour présider les communautés selon un esprit de service qui doit demeurer conforme au premier degré de l’ordination : diacre. Le sacrement de l’ordre, c’est toujours quelques-uns appelés au service de tous : le socle commun des ministères ordonnés est bien le diaconat.

Le peuple chrétien est un peuple à la fois sacerdotal (au service de la rencontre de Dieu et de l’humanité) et diaconal (au service de cette humanité), peuple rassemblé par le Christ. Tout comme il existe un sacerdoce commun des baptisés distinct et complémentaire du sacerdoce ministériel des prêtres, il existe une diaconie commune à tous les baptisés, complémentaire de la diaconie ministérielle des diacres, qui n’ont pas, de fait et loin s’en faut, le monopole du service, mais qui témoignent que tout chrétien est appelé à servir ses frères et le monde. Pour notre paroisse, c’est l’appel reçu par Serge, Bernard, Christian et moi-même comme diacres.

Si le diacre n’est pas indispensable pour célébrer la messe, le Missel romain prend soin de distinguer la messe avec diacre de la messe sans diacre, ce qui n’est pas un détail. S’il est présent, le diacre proclame l’évangile, sommet de la liturgie de la Parole, puis il fait silence à l’autel pendant la liturgie de l’eucharistie, alors même qu’il élève le calice contenant le sang du Christ. Il invite à partager entre tous la paix qui vient du Christ, et renvoie l’assemblée dans cette paix. L’eucharistie que nous célébrons est tendue vers la fin des temps : « Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau ». Avec le prêtre et l’évêque, on célèbre déjà ce qui nous est promis au terme de l’histoire depuis la Pâque du Christ.

C’est pourquoi leur ministère est indispensable et source d’espérance, alors que celui du diacre a quelque chose du présent : la Parole de Dieu parle-t-elle encore au monde ? La paix de Dieu va-t-elle être accueillie ? L’Église peut vivre sans diacre permanent, ce qui rend humble.

Mais aussitôt il faut ajouter que, lorsqu’elle en ordonne, elle se donne la possibilité de signifier beaucoup plus clairement l’appel du Christ à servir ses frères et sœurs dans la foi et en humanité. Et vous avez tous reçus cette mission du Christ. Repartir vers l’autre, se réconcilier, pardonner nous ramène à la liturgie de la Parole de ce jour.

Combien de fois dois-je pardonner à celui qui m’a offensé ? Cette question suppose qu’il y a déjà eu un premier pardon… ce qui est déjà quelque chose… Nos relations personnelles, familiales, professionnelles, ecclésiales sont touchées par des questions de rancune, de jalousie, d’envie, d’infidélité, de violence… L’acte de pardonner est central. On ne peut pas effacer une offense. On ne peut pas « passer l’éponge » et effacer l’acte comme s’il n’avait jamais existé. Il y a toujours une cicatrice après une blessure. Le pardon n’est pas « ignorer un passé », mais « faire un don par-dessus l’offense », pour retrouver une confiance, reconstruire une relation, entrer dans un avenir plus apaisé.

Existe-t-il un lien entre le pardon que j’accorde à celui qui m’a offensé, et le pardon que Dieu peut m’accorder pour mes propres offenses ? Ce que Ben Sirac le Sage rappelle, c’est que tu es pécheur toi aussi, et tu as besoin d’être pardonné par le Seigneur car avec le mal que tu as commis, quelque chose de la relation d’amour entre le Seigneur et toi a été abîmé, comme si le pardon du Seigneur passait par le pardon que nous accordons à nos semblables. C’est bien ce que la parabole de l’évangile dit de la bouche même de Jésus, et que la prière du Notre Père formule : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi… ».

N’y voyons pas un donnant-donnant, car la miséricorde de Dieu échappe à toute logique comptable à vue humaine. Il faut plutôt y déceler une cohérence. Le pardon de Dieu est toujours offert, toujours possible, mais il n’est pas possible de vivre l’accueil de ce pardon divin si moi-même je refuse de pardonner. Si je compare la miséricorde de Dieu à un torrent qui vient me remplir du don de Dieu, et si je mets dans ce torrent une bouteille vide fermée qui ne laisse pas entrer l’eau à l’intérieur, je me ferme à ce grand courant de miséricorde. La bouteille qui se remplit, c’est moi qui pardonne. Le torrent qui m’entraîne, c’est le Seigneur qui me pardonne.

Oui mais la patience humaine a ses limites. La patience divine, nous dit Jésus, n’a pas de limite, et telle devrait être notre patience. Comme c’est difficile, n’est-ce pas ? Car dans le pardon, il faut qu’il y ait une rencontre, un chemin fait par celui qui pardonne et par celui qui est pardonné. Il y a bien des situations humaines, dans notre propre histoire, et même dans notre Eglise, où cette visée reste pour l’instant inaccessible. C’est pourtant ce à quoi Dieu nous invite, tel un cap dans notre existence. Et cela n’exclut nullement la justice humaine. Toute notre vie est nécessaire pour tendre vers cette relation apaisée avec nos proches et avec Dieu, « pour appartenir au Seigneur dans notre vie comme dans notre mort », comme l’écrit Paul aux Romains. Accueillons vraiment dans l’Eucharistie le Seigneur qui nous a déjà pardonné et qui nous appelle à le suivre sur ce chemin du pardon.

 

Christophe DONNET, Diacre permanent

17 Septembre 2023

Paroisse St-Étienne – St-Benoît

Rentrée paroissiale et anniversaire des 10 ans d’ordination diaconale




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