Depuis quelques semaines, la Liturgie nous a proposé plusieurs
scènes de dialogue entre Jésus et Pierre :
- dimanche dernier, Pierre reconnaissait Jésus comme « le
Christ, le Fils du Dieu vivant »
et Jésus l’instituait comme la pierre fondatrice de son Église,
- un peu plus tôt,
Jésus
avait invité Pierre à le rejoindre depuis sa barque, en marchant sur
les
eaux ; Pierre s’est avancé mais, perdant confiance, et il a aussi
perdu
pied : Jésus a dû « repêcher le pécheur »,
- ce dimanche, Pierre, qui venait d’être institué comme le socle
de l’Église (le 1er Pape) s’oppose à Jésus qui commence à
annoncer
sa marche vers la Passion : «Dieu
t’en
garde, Seigneur, cela ne t’arrivera pas ! ». Pierre,
qui
était un roc, est devenu un obstacle, une occasion de chute pour
Jésus.
Pierre n’avait pas compris le sens profond de ses propres paroles
« révélées par le Père » :
Tu
es le Christ, le Fils du Dieu vivant. C’était trop
« incroyable » ; comme chacun de nous, il a connu des
hauts et
des bas dans sa Foi en Jésus.
Nous ressemblons à Pierre : nous sommes dans l’élan pour
aller vers Jésus quand il est miséricorde, pardon, guérison,
nourriture pour la
foule… mais nous ne comprenons pas quand il annonce que le chemin de
l’amour
infini conduit jusqu’à la mort, et passe par la souffrance. Jésus fera
comprendre patiemment à ses disciples ce que signifie vraiment
« être le
Christ, le Fils du Dieu vivant », le sauveur du monde.
Il n’y a pas de résurrection, ni d’accès à la vie éternelle, sans
acceptation de la mort terrestre, sans le don de sa vie. Les disciples
ne
comprendront totalement qu’après la résurrection.
Vingt siècles après, nous sommes les disciples de
Jésus ; nous savons qu’il est passé par
la mort, et qu’il est ressuscité le 3ème jour (c’est notre
Credo) ; Jésus
est ressuscité une fois pour toute, « pour
notre
Salut, et le Salut du monde » ; alors, comment
comprendre
ces paroles rudes : (…) « Celui qui veut sauver sa vie
[tout
seul, et par lui-même?] la perdra » (…) Ne sommes-nous pas
déjà
sauvés par Jésus depuis Pâques, et depuis notre baptême ?
Écoutons Jésus nous dire : si quelqu’un veut marcher à ma
suite…
- « Qu’il renonce à lui-même » : pour nous
aujourd’hui, au sein de la Maison d’arrêt, cela peut vouloir
dire : tenter
de renoncer à nos addictions, nos habitudes mortifères, à tout ce qui
nous
entrave, à tous les fardeaux qui nous alourdissent ; apprendre à
renoncer
à nos jugements trop hâtifs, à notre étroitesse de vues et de jugement
sur les
autres (détenus, surveillants,..) Regarder et écouter les autres
avec les
yeux et les oreilles de Jésus, et pas les nôtres.
- « Qu’il prenne sa croix » : pas celle de Jésus, mais la nôtre ! Notre croix
révèle nos choix personnels, dans nos prises de décisions qui engagent
notre
volonté au quotidien: éviter une parole médisante, ou une
mesquinerie,
abandonner un projet de vengeance, calmer un énervement, ne pas
détourner le
regard ni les oreilles devant plus pauvre que moi… C’est difficile, et
blessant
pour mon EGO ici-bas, mais c’est le chemin que Jésus m’invite à suivre
derrière
lui.
- « Et qu’il me suive » : suivre Jésus,
c’est écouter sa Parole, et la mettre en pratique là où je suis par la
force
des choses: compassion, pardon, guérison, vérité ; aller jusqu’au
bout de
l’amour dans mes engagements, dans mes relations, même quand cela
restreint le
petit espace de liberté qui me reste ici et maintenant, même quand il
y a des
obstacles qui me paraissent insurmontables. Jésus a déjà pris ce
chemin
difficile.
Comme Pierre, notre premier réflexe humain est de refuser de
suivre ce chemin ; marcher à la suite de Jésus, ça nous parait
hors de
portée, car nos pensées ne sont pas celles de Dieu. Cela nécessite une
conversion pour « passer derrière Jésus » : Jésus se
retourne
face à Pierre qui veut le détourner de sa mission, et il part pour
Jérusalem,
vers sa Passion, malgré la perspective de la croix.
La croix est un instrument de torture et de mort. Jésus en a fait
l’instrument
du Salut, par l’amour avec lequel il a mené toute sa vie jusqu’à sa
Passion, Il
a débordé toutes les forces de haine et de violence liguées contre
lui, et il a
vaincu la mort. Il nous a donné en exemple une vie capable
d’éternité :
c’est pour nous ouvrir ce chemin qu’il s’est fait homme et qu’il nous
appelle à
le suivre ; telle est notre Foi.
Mais comment ne pas « perdre pied » comme Pierre face à
ce mystère ?
Comment entrer dans ce chemin de conversion, qui mène à la
vie ?
Nous pouvons suivre les conseils de Paul dans la Lettre aux
Romains que nous
avons entendue en 2ème Lecture : « Ne prenez pas comme modèle le monde présent, mais
transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner
quelle est
la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de Lui
plaire, ce
qui est parfait.»
« Transformez-vous »,
« renouvelez votre façon de penser », « discernez
quelle est la
volonté de Dieu » : ce
sont
trois conseils qui sont à notre
portée,
et qui peuvent éclairer nos prochains jours au sein de la Maison
d’Arrêt…et
aussi l’avenir que nous aurons à construire au dehors.
Jésus est ressuscité et il est devant
nous sur la route, il nous aide à porter nos croix d’aujourd’hui.
Je vous propose de conclure en méditant
l’oraison de ce dimanche :
Dieu de l’univers, de qui vient
tout don parfait, enracine nos cœurs dans l’amour de ton nom, augmente
notre
foi, pour développer ce qui est bon en nous, veille sur nous avec
sollicitude,
pour protéger ce que tu as fait grandir.
Emmanuel
MERIAUX,
2 septembre 2023
Maison d’arrêt des femmes de Carquefou