20°
dimanche ordinaire.
Is 56, 1.6-7/Ps 66/Rm 11,
13-15.29-32/Mt15, 21-28
Jésus
est
en vacances !
Si
vous avez bien écouté le début de ce passage, Saint Matthieu
nous dit : « Jésus se retira dans la région de Tyr et de Sidon ». Il est
parti en vacances au Liban. Il peut prendre enfin un peu de repos, nous
sommes
au chapitre 15 de l’évangile et il a beaucoup travaillé dans les 14
chapitres
précédents !
Alors
Jésus
est là ; on peut l’imaginer étendu dans son hamac, en train de
siroter une
boisson locale, dans laquelle ses disciples ont ajouté une feuille de
menthe bien
fraîche. Ils sont aux petits soins pour leur maître ! Ils lui ont
trouvé
un coin tranquille, loin de la foule et de l’agitation, avant de
reprendre sa mission.
Enfin
le
calme, le repos.
Et
voilà
qu’arrive une femme du coin, qui vient le solliciter pour sa fille
tourmentée
par un démon. Si Jésus croyait pouvoir se retirer incognito, c’est
raté !
Et
cette
étrangère vient le déranger, avec son histoire de petits chiens qui
mangent les
miettes tombées de la table…
Mais
qu’est-ce
que ça veut dire ?
C’est
un
épisode assez bien connu, mais c’est vrai qu’il n’est pas facile à
comprendre. On
le trouve dans l’évangile de Matthieu que je viens de lire, et aussi
dans celui
de Marc.
Qu’est-ce
donc
que Saint Mathieu et Saint Marc veulent nous dire en citant cette
anecdote
dans leurs évangiles ? Et, si on élargit la question à aujourd’hui,
à nous
qui sommes ici, qu’est-ce que l’Église veut nous enseigner en nous
proposant d’écouter
successivement les quatre textes d’aujourd’hui dans la même célébration
de la Parole ?
Ce
qui
est commun à ces quatre passages de la Bible, c’est qu’il y est à chaque
fois question
de peuples étrangers. La première lecture, le livre d’Isaïe, emploie ce
terme « étranger » ;
le psaume 66, lui, utilise plutôt « les nations », et
Saint Paul
dans la deuxième lecture parle des « nations païennes ».
L’expression « les
étrangers » dans
la Bible, plus qu’une histoire de territoire ou de frontière, désigne
tous ceux
qui ne partagent pas la foi juive. Quant à Jésus, lui, il parle de
« petits
chiens », ce qui peut paraître choquant à nos oreilles, à
notre
époque.
Et
tous
ces textes, que disent-ils à propos des étrangers ?
En
fait,
ils ne parlent pas directement des étrangers, mais plutôt de leur place
dans le
projet de salut de Dieu. Et ce qui est écrit, c’est que le salut,
finalement, n’est
pas automatique. Il nécessite une conversion.
Le
prophète
Isaïe parle, au nom du Seigneur, de sa « maison de prière pour
tous les peuples ». Mais auparavant, il a bien pris soin de
préciser
que seront bienvenus les étrangers, oui, mais ceux « qui se sont
attachés au Seigneur, qui l’honorent, qui deviennent ses serviteurs,
qui observent
le sabbat » Bref, tous les étrangers, à condition qu’ils se
convertissent.
Le
psaume,
ensuite, proclame le salut parmi toutes les nations, et formule le
souhait qu’en
retour, « toute la terre l’adore ».
Et
puis,
Saint Paul dans sa lettre s’adresse, lui, à des Romains, donc des
anciens païens
convertis. Des étrangers, donc. Il leur annonce la miséricorde de Dieu à
leur
égard parce qu’ils se sont
convertis, justement.
Et il ajoute que la miséricorde de Dieu est aussi pour tous les juifs
même s’ils
ne croient pas en lui.
C’est
dans
cet état d’esprit que sont les juifs à l’époque de Jésus. Pour ses
contemporains,
en gros, le salut est d’abord pour tous les juifs, systématiquement.
C’est le
peuple élu. Mais ce salut est aussi destiné à tous les peuples qui se
convertissent. Il est bien destiné à tous, mais dans la mesure où chacun
accueille
ce salut, en donnant son consentement, en quelque sorte. Dieu ne nous
sauve pas
sans notre accord. Si on refuse de croire, seule la miséricorde de Dieu
peut nous
permettre d’accéder tout de même au salut.
Cette
rencontre
de Jésus avec cette femme, en pays étranger, se situe bien dans ce
contexte. Jésus
s’est retiré, il n’est donc pas là pour sa mission. Il n’envisage pas de
convertir
les nations païennes. S’il s’y rend, s’est pour faire une pause, pour se
mettre
en retrait. Il est bien en vacances !
Donc
cette
femme qui vient l’importuner, elle l’importune vraiment ! Jésus ne
fait
pas semblant. C’est pourquoi, dans un premier temps, il l’ignore, il ne
prend
pas la peine de lui répondre. Les disciples se rendent bien compte
qu’elle le
dérange. Ils encouragent Jésus à la renvoyer d’où elle vient. Il ne faut
pas importuner
le maître !
C’est
alors
que tout commence. Sorti de sa tranquillité, Jésus va s’appuyer sur
cette
situation inattendue pour nous donner, une nouvelle fois, une grande
leçon. Non
pas une leçon de générosité, en accordant à cette femme ce qu’elle
demande,
comme pour s’en débarrasser comme le lui suggèrent ses disciples ;
mais une
leçon de justice.
Regardons
d’abord
l’attitude de cette femme. Pour une païenne, il faut avouer qu’elle nous
apparaît comme un modèle de foi à imiter. Quand nous-mêmes nous prions,
quand
nous nous adressons à Dieu, le faisons-nous avec autant de conviction
qu’elle ?
-
Elle se prosterne : avons-nous cette humilité de nous
mettre à genoux pour implorer Dieu ?
-
« Prends
pitié
de moi » : c’est la parole du pauvre selon
l’évangile : le
pauvre n’est pas seulement celui qui a peu d’argent, mais celui qui se
sait
dépendant et qui se place en position de demandeur.
-
« Seigneur » : Elle reconnaît en cet
homme celui qui est son maître, son Seigneur, bien qu’elle ne fasse pas
partie
de son peuple.
-
« Fils
de
David » : elle donne à Jésus ce titre, reconnaissant
ainsi la
royauté de Jésus, et sa qualité de Christ, c’est-à-dire de messie,
puisque l’Écriture
disait que le messie sortirait de la descendance du roi David.
-
Et enfin, et surtout, en toute humilité, cette femme
accepte de se contenter des miettes du salut que certains juifs ont
négligé.
Leçon de
justice,
donc, puisque c’est en raison de cette attitude qui manifeste la foi de
cette
femme que Jésus va accéder à sa demande. Jésus n’est pas un distributeur
de
prestations sociales. Il ne donne pas satisfaction à cette femme parce
qu’elle
est étrangère, ni même parce qu’elle est dans le besoin. Il ne lui donne
satisfaction
que parce qu’elle manifeste une grande foi, ce qui a pour effet de
toucher son cœur :
« Femme, grande est ta foi. Que tout se passe pour toi comme tu
le veux ! »
Oui, la
justice de
Dieu, c’est que toute personne accueille avec foi le Salut qu’il nous
propose.
Et la mission de l’Église, celle que Jésus lui a donné, c’est d’annoncer
au
monde entier ce salut.
Le
pape
François l’a rappelé récemment, à son retour des
JMJ : L’Église est une
mère, elle accueille tout le monde, et elle guide chacun sur son chemin
de
maturation spirituelle. Ça signifie bien que tout le monde est appelé à
rejoindre l’Église pour accueillir le salut de Dieu, mais il y a un
nécessaire chemin
de conversion à engager et à poursuivre.
Alors,
frères
et sœurs, poursuivons ce chemin commencé au jour de notre baptême.
Prenons pour
modèle l’humilité de cette femme étrangère qui, par la foi qu’elle
exprime, permet
au salut de se manifester par la guérison de sa fille. Prions avec la
même foi, afin que nos prières d’intercession
pour nos proches touchent le cœur de Dieu.
Amen !
Daniel
BICHET,
diacre permanent.
Gorges
et
Clisson, le 20 août 2023
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