19ème dimanche du Temps Ordinaire
Frères et sœurs,
La
confiance et la peur :
nous connaissons
bien ces 2 états pour les expérimenter régulièrement dans nos vies... Eh
bien
l’évangile de la marche sur les eaux en est une belle illustration, car
au-delà
du rappel historique d’un super prodige de Jésus, il est une invitation
à
passer de la rive de la peur à celle de la confiance.
La scène commence par une certaine violence : Jésus s’isole de la
foule qu’il vient de rassasier et oblige ses disciples à s’embarquer,
sans lui,
dans une barque pour passer sur l’autre rive, là-bas en terre païenne.
Jésus a
donc dû forcer ses disciples à prendre le large, à se tourner résolument
vers
la mission auprès des païens. Comme un « coup de pied aux fesses »
pédagogique,
Jésus envoie ses disciples en mission, sans lui physiquement, mais avec
lui
spirituellement car il va à l’écart pour prier, et l’on imagine bien que
c’est
pour eux que Jésus va prier. C’est comme s’il leur disait : « Aller, il
faut
que vous expérimentiez que vous
êtes
capables d’être témoins de moi par vous-même, car je suis présent en
vous,
en priant pendant votre mission !»
A nous aussi, il peut nous arriver de connaître ce sentiment où
nous nous sentons loin du rivage rassurant de nos repères, où nous nous
battons
contre des vents contraires, où nous connaissons la nuit de la solitude,
de
l’incertitude, de l’indécision… Eh bien dans ces moment-là, n’oublions
pas que Jésus prie pour nous
! Cela ne supprime pas les tempêtes, mais ça nous aide à les traverser.
Il est
comme cette brise légère que le prophète Elie sent sur son visage au
plein
milieu de ses difficultés. (cf. 1ere lecture)
C’est alors que Jésus « vint
à eux en marchant sur les eaux ». C’est l’incarnation : un Dieu
qui se fait
proche de l’Humain, qui vient lui-même pour s’incarner en nous. C’est au
moment
où tout fait craindre le naufrage des disciples, que Jésus apparaît au
milieu
des eaux, que dis-je, non pas « au milieu » des eaux, mais « sur » les
eaux.
Quand on sait que, dans la pensée juive de l’époque, toute étendue d’eau
symbolise les puissances du mal et de la mort, on peut voir dans la
marche de
Jésus sur les eaux, l’affirmation de la puissance de Jésus, le Christ,
plus
fort que le mal et la mort ! C’est bien ainsi que nous pouvons entendre
la
phrase de notre crédo : « il est
descendu
aux enfers ». Oui, Jésus
est présent
dans nos nuits, au cœur de nos galères, dans nos enfers, pour y
apporter sa
douce présence rassurante et ressuscitante. J’en fais moi-même
l’expérience dans
les rencontres que je vis dans ma mission d’aumônier du
Secours-Catholique :
aussi bas qu’on puisse tomber, on ne peut pas tomber plus bas que dans
les bras
de Dieu !
Ne s’enfonçant pas dans les eaux, Jésus prononce alors cette
parole magnifique : « confiance,
c’est
moi, n’ayez pas peur ». Confiance
est le premier mot de la phrase, peur
est le dernier. Entre les deux, il y a Celui qui permet de passer du
dernier
mot au premier, de la peur à la confiance : « c’est moi » (Jésus). Lorsque notre vie est paisible, croire en
Jésus c’est, oserais-je dire, « du pain béni » : nous
aimons ce
qu’il dit, nous avons envie de faire ce qu’il demande, surtout quand il
parle
d’aimer ; bref, tout coule de source. Mais quand vient la tempête,
la nuit
de la souffrance physique, de l’échec, de l’abandon, de la trahison, de
la
solitude, comment croire que Jésus va nous tirer de ces eaux-là ? C’est
là que
nous sommes invités à réfléchir à la confiance que nous faisons à
Jésus :
oui ou non, est-ce que je crois
que
Jésus peut me sauver ?
Quand Jésus dit : « Confiance,
c’est
moi, n’ayez pas peur », il nous dit : « c’est moi, qui vais
avancer
avec toi, à travers tes tempêtes et tes nuits. C’est moi qui vais vivre
à tes
côtés, avec toi, laisse-moi tout simplement un peu de place ». Est-ce
que les
choses changent pour autant ? Non, pas les choses, mais ma
façon de
les affronter, de les traverser. Alors nous arrivons à porter ce
qui nous
paraissait jusque-là impossible à porter puisque c’est Jésus lui-même qui nous porte !
Pierre dans son élan, veut expérimenter lui aussi que croire en
Jésus, c’est du solide, que cela tient bon ! « Seigneur, si c'est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux.
» Arrive alors la 2ieme parole de Jésus : « viens » et Pierre se jette à l’eau. C’est formidable au début de
marcher vers le Christ, il semble qu’on s’est élevé un peu au-dessus des
vagues, que tout va pour le mieux. C’est l’élan des premiers temps que
connaissent les convertis comme les amoureux. Mais bien vite la peur
reprend le
dessus : « voyant qu’il y avait
du vent,
il eut peur » : lorsque Pierre quitte Jésus des yeux pour regarder
le vent,
il coule ! Comme Pierre, voilà une belle invitation pour nous, à ne
jamais quitter Jésus des yeux, par
des temps de prière et de méditation par exemple.
J’aime le cri de Pierre : « Seigneur
sauve-moi » ; c’est le cri de la prière : seuls ceux qui
ressentent le
besoin d’être sauvé savent le prix du salut ! Seuls ceux qui se savent
malades
peuvent connaître le bonheur d’être guéri ! Crier dans la foi, c’est
dire son
désir de sortir de ses troubles, de ses peurs et de ses angoisses pour s’ouvrir
au tout Autre. Crier dans la
foi, c’est cesser de vouloir lutter uniquement par ses propres forces.
Lorsque
Jésus dit à Pierre : « homme de
peu de
foi », il n’exprime pas forcément un reproche dans cette parole,
car nous
le savons de la bouche même de Jésus, il suffit d’avoir la foi comme une
graine
de moutarde pour pouvoir déplacer les montagnes… (Mt 17, 20)
Puis vient la profession de foi au terme de cette aventure : « Vraiment,
tu es le Fils de Dieu » :
c’est une proclamation de foi vécue et non récitée, un cri qui vient du
cœur et
non de la tête ! Et nous, que dirions-nous ? Quels sont nos propres
mots
devant l’œuvre de Dieu en nous ? La foi est toujours une réponse
personnelle à
la parole du Christ « viens »
! Et la
réponse, c’est de se jeter à l’eau, les yeux rivés sur Jésus. Voilà
comment
Jésus a aidé ses disciples à passer sur cette « autre rive » de la foi qui est cette confiance inébranlable en lui, en sa proximité au cœur des plus
grandes tempêtes de la vie. Tel me semble être le chemin intérieur que
Jésus
veut nous faire aussi parcourir : du cri du désespoir au cri de la foi
pour
rencontrer le Ressuscité bien vivant, toujours déjà-là à nos côtés.
Amen.
Patrick JAVANAUD, diacre permanent
Le 13 août 2023