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19° dimanche du Temps Ordinaire.

Matthieu 14,22-33

« Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » C’est Jésus qui interroge ainsi Pierre, avec un ton de reproche. Pourquoi Pierre a-t-il douté ? Comment peut-il douter, alors qu’il a devant les yeux un signe assez évident de la divinité de Jésus : il le voit marcher sur l’eau !
Les lectures de ce jour nous posent la même question, à nous tous, aujourd’hui. À chacun de nous, Jésus nous redit : « Pourquoi as-tu douté ? »
Le prophète Elie, dans sa grotte, dans le plus grand désespoir qui lui fait même désirer la mort, alors qu’il est en proie à un doute existentiel, fait une rencontre intime avec le Seigneur ; une rencontre décisive, pourtant basée sur un signe imperceptible : le murmure d’une brise légère. « La voix d’un fin silence » dit le texte hébreu.
Le psaume 84, ensuite, avec une force qui ne laisse aucune place au doute, affirme la présence de Dieu, sa gloire et ses bienfaits sur l’humanité tout entière. Et enfin, l’apôtre Paul dans sa lettre aux Romains, constate que, malgré tous les signes donnés au peuple juif, beaucoup vont douter et ne pas accueillir Jésus comme celui qui vient de Dieu. On le voit, nous sommes bien en plein mois… doute !
Malgré tous les signes que Dieu nous fait depuis toujours, malgré toutes ses manifestations sous des formes les plus diverses, en tous lieux et à toutes les époques, le doute qui habite le croyant traverse toute la Bible. Il traverse aussi nos propres vies, aujourd’hui comme hier et comme demain.
Cependant, même s’il est toujours inconfortable, ne craignons pas le doute. Le doute est une dynamique, une force vive qui nous pousse à avancer, à aller plus loin, à approfondir, à désirer comprendre. Le doute s’oppose à l’indifférence qui, elle, est statique, définitive et ne peut engendrer aucun désir. L’indifférence est une force de mort, là où le doute peut devenir une force de vie.
Mais pour autant, ne nous contentons pas de douter. Car le doute, par nature, est ambigu. On le vérifie lorsqu’on emploie, en français, l’expression « sans doute », qui veut souvent dire « peut-être ». En réalité, on devrait dire « avec doute », puisqu’on affirme ainsi quelque chose, mais de manière peu certaine. On introduit une incertitude là où on voudrait au contraire affirmer avec certitude. Cette ambiguïté doit nous inciter à nous méfier du doute.
Mais dans le contexte de notre foi, laissons le doute faire son œuvre, qui est de travailler notre esprit, notre intelligence, pour qu’ils désirent accéder à la vérité.
Le doute est bon, oui, mais à condition d’en sortir ! C’est ce que fera le prophète Elie, dans la première lecture d’aujourd’hui. Lui qui avait dit, quelques versets auparavant : « Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! reprends ma vie ! » ; lui qui déprimait, en plein doute, le voilà qu’il devient capable de déceler avec assurance la présence de Dieu dans un signe pourtant infime, ténu : à peine un souffle, « le murmure d’une brise légère ». Il ne s’est pas laissé impressionner par l’extraordinaire, le spectaculaire, par la puissance d’un ouragan, d’un tremblement de terre ou d’un feu. Le doute est levé par un événement tout simple, minuscule, presque un non-événement : une brise légère, tout ce qu’il y a d’ordinaire.
Mais oui, Dieu se révèle dans l’ordinaire de nos jours. N’attendons pas d’être frappés par une fulgurance, comme Paul sur le chemin de Damas, ou par une vision comme Moïse devant le buisson ardent, ou encore Pierre qui voit Jésus marcher sur l’eau. On peut attendre toute sa vie ce genre d’événement. Ce n’est pas ça qui donne la foi. La foi, c’est croire sans voir. Pas besoin de croire si on voit ! Dieu ne s’impose pas dans une évidence, il fait appel à notre volonté et à notre discernement ; finalement, à notre liberté.
Alors, pourquoi tous ces signes dans la Bible ? pourquoi tous ces événements extraordinaires et autres miracles présentés par les évangélistes tout au long de leurs récits ? A quoi servent-ils sinon justement à donner la foi ? Donc, à lever le doute ?
 L’évangile d’aujourd’hui en est un bel exemple. Saint Matthieu nous présente une symbolique forte à travers cet épisode.
Jésus vient juste de nourrir une foule en multipliant les pains et les poissons. Les gens veulent faire d’eux leur roi, mais lui s’en va à l’écart pour prier dans la montagne et demande aux disciples de le laisser seul, et de l’attendre sur l’autre rive. Les disciples sont à présent livrés à eux-mêmes. Ils viennent de vivre une expérience forte, un signe de la gloire de Dieu, et les voilà maintenant dans la barque, à essayer de se rendre sur l’autre rive, sans leur maître.
Cette barque, bien sûr, c’est l’Église, le peuple des croyants. Dieu s’est manifesté, et la voilà, cette Église, qui continue son œuvre, sans le voir, sans sa présence visible. L’autre rive, c’est l’inconnu, c’est la mission. Et la mer, dans la culture de la Bible, c’est la mort. La barque est battue par les vagues, le vent est contraire : ce sont les obstacles que rencontre l’Église dans sa mission. Ce sont les obstacles que nous rencontrons, chacun d’entre-nous, membres de l’Église, dans notre vie à la suite du Christ. On pourrait, nous aussi, prendre peur, douter, devant toutes ses difficultés. Même devant les évidences des signes que Dieu nous envoie. « C’est un fantôme ! » s’affolent les disciples. Mais le Seigneur s’approche toujours de ses enfants qui sont dans la difficulté. Il s’approche en marchant sur la mer, en marchant sur la mort, car il est vainqueur de la mort. « Confiance ! c’est moi, n’ayez pas peur ! ». Mais malgré ces signes, le doute peut encore nous envahir. Alors, on regarde vers le Christ, et on lui demande de nous soutenir, et de nous donner des preuves de sa présence : « Si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux ». « Si c’est bien toi, viens m’aider à vaincre mes difficultés, aide-moi à vaincre ces forces de mort qui me terrifient ». Et Jésus nous répond simplement : « viens ! ». Alors, parfois, on ose se lancer, comme Pierre, par nos propres moyens, en quittant la barque, en s’éloignant de l’Église. Mais lorsqu’on se focalise sur soi, on ne peut que constater sa propre faiblesse, face à la force du vent et la profondeur de la mer. On commence alors à enfoncer et on prend peur. Alors on crie « Seigneur, sauve-moi ! » Jésus alors nous saisit par la main et nous accompagne jusque vers la barque. Il nous invite à rejoindre l’Église. « Et quand ils furent montés dans la barque, le vent tomba ». Jésus nous sauve, Jésus sauve l’Église, quand nous l’accueillons parmi nous, quand nous lui laissons sa vraie place dans la barque. C’est alors que le doute, comme le vent, tombe brusquement, pour laisser place au calme qui nous permet de proclamer enfin notre acte de foi : « vraiment, tu es le Fils de Dieu ! ».
Frères et sœurs, nous tous, hommes et femmes de peu de foi, mais forts, ensemble, de la foi de l’Église, nous sommes dans le même bateau ! Dépassons nos doutes pour proclamer ensemble notre foi en ce Dieu-Père, qui nous sauve par son Fils Jésus Christ et dans l’Esprit Saint qu’il nous a donné au jour de notre baptême.
Amen !
 
Daniel BICHET, diacre permanent
Le 13 août 2023
Boussay, Clisson
 
 



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