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16° dimanche du Temps Ordinaire.


Après les semailles de la semaine dernière, voici, à présent venu le temps de la levée des tiges de blé ! On ne chôme pas dans les champs du Seigneur ! Jésus poursuit son sermon à la foule, massée au bord de la mer, sermon qu’il a commencé en utilisant le mode de la parabole. Et il garde le thème de la culture céréalière pour essayer de faire comprendre, à un peuple qu’il juge peu enclin à écouter, des aspects absolument cruciaux de la Bonne nouvelle de son père qu’il est venu annoncer sur terre. Dans ce passage, qui suit celui des graines dont la destinée est bien variable selon la manière dont elles sont accueillies, il utilise l’image du bon grain et de l’ivraie. On comprend très vite qu’il veut évoquer les notions de « bien » et de « mal ». L’ivraie est une plante redoutée des cultivateurs, une mauvaise herbe qu’en grec on nomme « zizanion », ce qui signifie, en gros, « division ». En effet, l’ivraie crée la zizanie dans les champs, et c’est donc un symbole bien choisi pour évoquer ce qui vient semer le trouble et menacer le bon développement des bonnes tiges, et donc le succès de la récolte !

Encore aujourd’hui, les stratégies de lutte contre l’ivraie demandent des efforts, accrus avec l’abandon, dont on ne peut que se réjouir, des solutions purement chimiques, telles que le glyphosate. Et dans la parabole de Jésus, les serviteurs décident de mettre en œuvre les grands moyens en proposant d’aller dans le champ éradiquer la menace. Mais la réponse du maître, qui, dans l’histoire, représente Dieu lui-même a presque de quoi surprendre, même si elle a une certaine logique : « Non, en enlevant l’ivraie, vous risquez d’arracher le blé en même temps ».

En entendant et en lisant ce texte, je me suis longtemps dit qu’il était là question de distinction entre les Femmes et les hommes de bien, d’un côté, et celles et ceux qui choisissent le mal de l’autre. Et que Jésus, par la réponse qu’il prête au Maître de la moisson, voulait dire que Dieu se refusait à intervenir, avant l’heure de la fin des temps, et nous laissait le soin de nous débrouiller pour faire pousser le bien, au milieu du mal qui est, malheureusement, si présent en notre monde. Mais en reprenant ce texte pour préparer mon homélie, je me suis rendu compte qu’il y avait sans doute une autre lecture possible.

Je me suis dit que Jésus, en parlant du champ, n’évoquait peut-être pas la création humaine toute entière, mais plutôt, chacun de nous. Chacun de nous, en lequel cohabite, en permanence, un mélange de bien et de mal, qu’il est d’ailleurs souvent assez difficile de démêler. Nous sommes humains et nous sommes à chaque instant tiraillés entre la tentation du péché et l’aspiration à la sainteté, que nous confère notre baptême. Et ce tiraillement ne se finit pas toujours comme on le voudrait. Cela me rappelle cette phrase de St Paul « Le Bien que je voudrais faire, je ne le fais pas, le mal que je ne voudrais pas faire, je le fais » (Rm, 7). Et oui, nous sommes humains !

Mais notre créateur ne nous abandonne pas. Le Livre de la Sagesse, dont nous avons lu un extrait en 1ère lecture, le dit « Il n’y a pas d’autre dieu que toi qui prenne soin de toute chose » On pourrait se permettre d’ajouter « et de tout être ». Notre créateur nous ouvre un chemin, il veille sur son champ et nous donne de multiples occasions de laisser le bon grain prendre le dessus sur l’ivraie. Saint Paul, encore lui, nous le dit en début de 2ème lecture « L’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse ». Et en effet, elles sont nombreuses les occasions où nous choisissons le bien, plutôt que le contraire. A chaque fois que nous essayons de faire vivre autour de nous, la paix, plutôt que la division, la fraternité plutôt que l’exclusion. Oui, je le crois fermement, l’Esprit nous inspire des attitudes qui sont dignes du message de Jésus. Mais il nous appartient de décider de les mettre en œuvre, de les rendre concrètes. Une oreille prêtée, un sourire offert, une main tendue, un cœur ouvert, et alors le blé fait reculer l’ivraie. Comme baptisés, comme paroissiens, nous pouvons, nous devons, nous efforcer de nous mettre, à la suite de Jésus, au service du Bien, au service de nos frères et sœurs. Nous avons cette chance, dans notre communauté paroissiale, d’en avoir tant de beaux exemples, ce ces beaux épis de blé qui enrichissent la moisson. Ces serviteurs, souvent discrets et pourtant tellement disponibles qui laissent en eux l’Esprit les pousser à répandre le bien. Au jour de la moisson, n’en doutons pas, ils rentreront dans le grenier du Seigneur.

Et puis pour nous aider dans nos choix, et nous permettre de pousser vers le Ciel, nous pouvons essayer de regarder, dans la personne de Jésus et dans ce que nous disent les textes, ce qu’est vraiment le Dieu en lequel nous croyons. Il n’y a qu’à reprendre quelques mots de la 1ère lecture, du Livre de la Sagesse ; « tes jugements ne sont pas injustes », « ta domination sur toute chose te permet d’épargner toute chose », « tu juges avec indulgence », « après la faute tu accordes la conversion ». Qu’on est loin, et c’est un rappel toujours utile à faire, d’un Dieu punisseur, d’un Dieu vengeur, d’un Dieu arracheur. Que c’est encourageant de savoir que notre créateur, qui nous connait, comme il nous a fait, nous regarde avec miséricorde, lui qui est bon et qui nous pardonne, comme il nous est dit dans le psaume. En lisant ces mots, je pense à ce que, en tant que parent, nous essayons de vivre pour l’éducation de nos enfants. Comment l’Amour qu’on a pour eux nous conduit non pas à tout leur passer, à minimiser leurs écarts, ce qui ne serait pas une preuve d’amour mais une faute d’indifférence, mais à les soutenir pour les aider à ne pas perdre et, lorsque nécessaire à retrouver, le bon chemin. La vraie force, est de savoir juger avec indulgence. Sans oublier qu’indulgence, ne veut pas dire complaisance.

Nos vies sont ainsi, ni totalement bonnes, ni totalement mauvaises. Des jours nous sommes épis de blé, et d’autres nous sommes plants d’ivraie. Et Dieu, qui nous aime infiniment, nous laisse pousser tels que nous sommes, avec notre bon côté et nos mauvais penchants. Il nous fait confiance, il nous guide avec sa parole donnée mais il refuse de venir faucher le mal au risque de blesser le bien. Notre Dieu n’est pas celui de la force brutale, il n’est pas celui qui arrache, qui fauche, qui coupe. Il est celui de la patience, qui sème avec Amour, laisse pousser avec bonté et, à la fin des temps, récoltera avec ménagement et indulgence. Il est celui qui nous enseigne que le juste doit être humain. Alors sachons lui ressembler, soyons surs de son Amour et donnons-lui, par nos vies justes et attentives aux autres, la belle moisson qu’il espère et qu’il attend de nous.

 

Olivier RABILLOUD, diacre permanent

Le 23 Juillet 2023

Pont St Martin – Rezé St Vincent de Paul

 



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