Cela faisait bien longtemps que je n’avais
pas eu la grande joie de prêcher lors de nos messes paroissiales ! Un
quotidien
bien chargé par mon travail, en parallèle ma mission de délégué
épiscopal à la
diaconie pour le diocèse de Nantes, sans oublier quelques obligations
familiales, font qu’il n’est pas simple de trouver le temps que l’on
souhaiterait, pour préparer une homélie ! Mais l’avantage de ces
périodes de
congés, pour bien des gens, fait que cela allège un peu les agendas et
offre
des temps de disponibilité !
Il se trouve également que juillet est un
mois qui offre des textes d’Evangile particulièrement inspirants pour
moi qui
ai grandi dans le monde agricole, avec d’ailleurs un bac agricole obtenu
à
Valence, dans mon enfance dauphinoise.
Et c’est le cas aujourd’hui avec ce beau
texte du Semeur et du devenir, variable, des graines qui sont données à
notre
humanité pour que nous puissions faire pousser, sur notre terre, ce
fruit de
l’Amour de Dieu.
Jésus, comme il le fait souvent, choisit de
s’adresser à la foule en langage codé. Dans l’Evangile on parle de
paraboles,
et le Christ dit plus loin à ses disciples qu’il agit ainsi sachant que
le
peuple, à qui il s’adresse, écoute sans écouter, et n’est pas capable de
comprendre. En quelque sorte, il n’est pas dupe sur la qualité de leur
attention et l’on pourrait, d’une certaine manière, presque trouver cela
dur,
voire un peu méprisant. Mais en y pensant bien, et en acceptant
honnêtement, et
avec humilité, de nous livrer à petit travail introspectif, on réalise
que
nous-mêmes, qui essayons d’écouter la Bonne Nouvelle du Christ, nous
pouvons
avoir parfois quelques difficultés à vraiment la comprendre et, surtout,
à la
mettre en pratique.
Jésus choisit en ce texte, que nous livre
Saint Mathieu, une image pastorale, celle de la semaille. Et il évoque
quatre
destinées différentes pour les grains que le semeur confie à la terre. 3
qui
s’avèrent couronnées d’échec, et une seulement qui atteint son but. En
langage
agricole on parlerait d’un rendement de 25%. Ce qui, selon les standards
d’aujourd’hui, n’est vraiment pas fameux. Mais Dieu, heureusement pour
nous,
n’est pas producteur céréalier, il ne cherche pas à remplir des silos,
ou à
améliorer sa productivité ; non, il espère que l’Homme, qu’il a créé à
son
image, soit capable de laisser mûrir en lui, de manière solide et
durable, le
message qu’il a porté par la voix des prophètes, puis par celle de son
Fils.
Dieu n’est pas un entrepreneur qui recherche l’efficacité, mais un
créateur qui
espère la fécondité.
Le psaume nous dit, qu’à l’image de tout
bon cultivateur, avant de semer, il prépare la terre. Il la visite, il
l’abreuve, il arrose les sillons, il aplanit le sol, il le détrempe sous
les
pluies, il bénit les semailles. Qu’elle est belle cette image d’un Dieu
à la
fois patient et besogneux, qui met du cœur à l’ouvrage, qui prend soin
de ce
qu’il prépare et qui donne le temps nécessaire pour que ce qu’il espère
puisse
advenir. Comme le disait ma grand-mère, on ne fait pas pousser les
fleurs plus
vite en leur tirant sur les pétales ! Et bien nous voyons combien notre
créateur sait que nul résultat ne s’obtient plus vite que le temps
nécessaire à
consacrer aux efforts pour le mériter. Saint Paul lui-même, dans la 2ème
lecture, nous parle de patience en nous rappelant que « la création
toute
entière passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et que
nous
aussi, qui avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, nous attendons
notre
adoption et la rédemption de notre corps ». La venue du Royaume de Dieu
ne se
fait pas en un claquement de doigts et avant que l’épi ne murisse et ne
donne
du grain en quantité, il peut se passer bien des choses.
Et, comme je le disais plus haut, nous
sommes parfois, ou peut-être un peu trop souvent, des terrains pas assez
propices à la bonne levée des graines que Dieu sème en nous.
Nous pouvons, nous aussi, ne pas vraiment
prêter l’oreille, laisser le message de l’Evangile tomber un peu sur le
bord de
notre chemin et laisser les oiseaux de mauvais augure, les oiseaux de
malheur,
picorer une parole mal entendue, mal comprise, et surtout mal appliquée.
Nous
en avons malheureusement régulièrement l’exemple, de ces personnes qui
se
disent chrétiennes et qui ont du mal à faire fructifier, dans leur vie,
dans
leurs actes, les paroles de l’Evangile. Chaque fois que nous avons du
mal à
donner à manger à celui qui a faim, à boire à celui qui a soif, à
accueillir
chez nous celui qui est étranger, nous laissons les graines se faire
emporter
par ceux qui nous guettent au bord du chemin pour nous détourner de la
Bonne
Nouvelle de Dieu.
Nous pouvons aussi laisser les graines
rebondir sur le sol pierreux de nos cœurs. Nous accueillons sur
l’instant ce
que nous entendons, mais nous avons du mal à laisser cela s’ancrer et
pousser
en nous dans le quotidien de nos vies. Lorsque je sors de la messe et
que, au
1er rond-point je m’emporte contre celle ou celui qui, devant moi, me
gêne ou
me ralentit, je sens le soleil brûler et faire sécher une plante trop
fragile
aux racines trop peu solides.
Et nous pouvons parfois laisser les
préoccupations du monde, les séductions qu’offrent des plaisirs
éphémères comme
la gloire, la richesse matérielle lorsqu’elle n’est pas partagée,
étouffer la
Parole qui nous invite à l’humilité, à la générosité. Il nous faut le
reconnaître, nos vies bien pleines ne nous laissent pas toujours faire,
sur
l’instant le choix du bon fruit. Je le réalise toutes les fois où,
absorbé par
mon travail, je ne prends pas assez le temps d’écouter ceux ont besoin
de me
parler, je ne me rends pas assez disponible à celles et ceux qui,
pourtant,
auraient tant besoin d’être aidés.
Oui, il est vrai que les terrains de nos
vies sont parfois trop arides, trop durs, ou trop envahis de mauvaises
ronces
et que le Semeur qui veut offrir à notre terre les graines de l’Amour et
du
Bonheur, se confronte à ce qui peut sembler bien des échecs.
Mais comme le dit Isaïe, que nous avons
entendu en 1ère lecture, « la pluie et la neige qui descendent des cieux
n’y
retournent pas sans avoir abreuvé la terre. Et la Parole, qui sort de la
bouche
du Seigneur, ne lui reviendra pas sans résultat ».
Alors je reprends confiance, en me
rappelant que Dieu est patient, et opiniâtre. Qu’il ne délaisse pas son
champ
parfois pourtant si rebelle. Et je sais que peu à peu, en moi, en nous,
le
travail se fait qui rend la terre meilleure, plus fertile et plus riche.
Je
n’en suis pas responsable, je n’ai pas à m’en vanter, ce n’est pas grâce
à mes
talents. Mais ce dont je suis responsable, c’est de laisser ce travail
se faire
en moi ; accepter que cela ne se fasse pas en un jour, et ne jamais
oublier que
chaque fois que de beaux grains murissent sur les épis de mes jours, je
fais le
bonheur du semeur, je fais la joie de mon Seigneur. Et cela me rend très
heureux.
Olivier RABILLOUD, diacre permanent
Le 16 Juillet 2023
Pont St Martin – Rezé St Vincent de Paul