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15° dimanche du Temps Ordinaire.

Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas eu la grande joie de prêcher lors de nos messes paroissiales ! Un quotidien bien chargé par mon travail, en parallèle ma mission de délégué épiscopal à la diaconie pour le diocèse de Nantes, sans oublier quelques obligations familiales, font qu’il n’est pas simple de trouver le temps que l’on souhaiterait, pour préparer une homélie ! Mais l’avantage de ces périodes de congés, pour bien des gens, fait que cela allège un peu les agendas et offre des temps de disponibilité !

Il se trouve également que juillet est un mois qui offre des textes d’Evangile particulièrement inspirants pour moi qui ai grandi dans le monde agricole, avec d’ailleurs un bac agricole obtenu à Valence, dans mon enfance dauphinoise.

Et c’est le cas aujourd’hui avec ce beau texte du Semeur et du devenir, variable, des graines qui sont données à notre humanité pour que nous puissions faire pousser, sur notre terre, ce fruit de l’Amour de Dieu.

Jésus, comme il le fait souvent, choisit de s’adresser à la foule en langage codé. Dans l’Evangile on parle de paraboles, et le Christ dit plus loin à ses disciples qu’il agit ainsi sachant que le peuple, à qui il s’adresse, écoute sans écouter, et n’est pas capable de comprendre. En quelque sorte, il n’est pas dupe sur la qualité de leur attention et l’on pourrait, d’une certaine manière, presque trouver cela dur, voire un peu méprisant. Mais en y pensant bien, et en acceptant honnêtement, et avec humilité, de nous livrer à petit travail introspectif, on réalise que nous-mêmes, qui essayons d’écouter la Bonne Nouvelle du Christ, nous pouvons avoir parfois quelques difficultés à vraiment la comprendre et, surtout, à la mettre en pratique.

Jésus choisit en ce texte, que nous livre Saint Mathieu, une image pastorale, celle de la semaille. Et il évoque quatre destinées différentes pour les grains que le semeur confie à la terre. 3 qui s’avèrent couronnées d’échec, et une seulement qui atteint son but. En langage agricole on parlerait d’un rendement de 25%. Ce qui, selon les standards d’aujourd’hui, n’est vraiment pas fameux. Mais Dieu, heureusement pour nous, n’est pas producteur céréalier, il ne cherche pas à remplir des silos, ou à améliorer sa productivité ; non, il espère que l’Homme, qu’il a créé à son image, soit capable de laisser mûrir en lui, de manière solide et durable, le message qu’il a porté par la voix des prophètes, puis par celle de son Fils. Dieu n’est pas un entrepreneur qui recherche l’efficacité, mais un créateur qui espère la fécondité.

 

Le psaume nous dit, qu’à l’image de tout bon cultivateur, avant de semer, il prépare la terre. Il la visite, il l’abreuve, il arrose les sillons, il aplanit le sol, il le détrempe sous les pluies, il bénit les semailles. Qu’elle est belle cette image d’un Dieu à la fois patient et besogneux, qui met du cœur à l’ouvrage, qui prend soin de ce qu’il prépare et qui donne le temps nécessaire pour que ce qu’il espère puisse advenir. Comme le disait ma grand-mère, on ne fait pas pousser les fleurs plus vite en leur tirant sur les pétales ! Et bien nous voyons combien notre créateur sait que nul résultat ne s’obtient plus vite que le temps nécessaire à consacrer aux efforts pour le mériter. Saint Paul lui-même, dans la 2ème lecture, nous parle de patience en nous rappelant que « la création toute entière passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et que nous aussi, qui avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps ». La venue du Royaume de Dieu ne se fait pas en un claquement de doigts et avant que l’épi ne murisse et ne donne du grain en quantité, il peut se passer bien des choses.

Et, comme je le disais plus haut, nous sommes parfois, ou peut-être un peu trop souvent, des terrains pas assez propices à la bonne levée des graines que Dieu sème en nous.

Nous pouvons, nous aussi, ne pas vraiment prêter l’oreille, laisser le message de l’Evangile tomber un peu sur le bord de notre chemin et laisser les oiseaux de mauvais augure, les oiseaux de malheur, picorer une parole mal entendue, mal comprise, et surtout mal appliquée. Nous en avons malheureusement régulièrement l’exemple, de ces personnes qui se disent chrétiennes et qui ont du mal à faire fructifier, dans leur vie, dans leurs actes, les paroles de l’Evangile. Chaque fois que nous avons du mal à donner à manger à celui qui a faim, à boire à celui qui a soif, à accueillir chez nous celui qui est étranger, nous laissons les graines se faire emporter par ceux qui nous guettent au bord du chemin pour nous détourner de la Bonne Nouvelle de Dieu.

Nous pouvons aussi laisser les graines rebondir sur le sol pierreux de nos cœurs. Nous accueillons sur l’instant ce que nous entendons, mais nous avons du mal à laisser cela s’ancrer et pousser en nous dans le quotidien de nos vies. Lorsque je sors de la messe et que, au 1er rond-point je m’emporte contre celle ou celui qui, devant moi, me gêne ou me ralentit, je sens le soleil brûler et faire sécher une plante trop fragile aux racines trop peu solides.

Et nous pouvons parfois laisser les préoccupations du monde, les séductions qu’offrent des plaisirs éphémères comme la gloire, la richesse matérielle lorsqu’elle n’est pas partagée, étouffer la Parole qui nous invite à l’humilité, à la générosité. Il nous faut le reconnaître, nos vies bien pleines ne nous laissent pas toujours faire, sur l’instant le choix du bon fruit. Je le réalise toutes les fois où, absorbé par mon travail, je ne prends pas assez le temps d’écouter ceux ont besoin de me parler, je ne me rends pas assez disponible à celles et ceux qui, pourtant, auraient tant besoin d’être aidés.

Oui, il est vrai que les terrains de nos vies sont parfois trop arides, trop durs, ou trop envahis de mauvaises ronces et que le Semeur qui veut offrir à notre terre les graines de l’Amour et du Bonheur, se confronte à ce qui peut sembler bien des échecs.

Mais comme le dit Isaïe, que nous avons entendu en 1ère lecture, « la pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre. Et la Parole, qui sort de la bouche du Seigneur, ne lui reviendra pas sans résultat ».

Alors je reprends confiance, en me rappelant que Dieu est patient, et opiniâtre. Qu’il ne délaisse pas son champ parfois pourtant si rebelle. Et je sais que peu à peu, en moi, en nous, le travail se fait qui rend la terre meilleure, plus fertile et plus riche. Je n’en suis pas responsable, je n’ai pas à m’en vanter, ce n’est pas grâce à mes talents. Mais ce dont je suis responsable, c’est de laisser ce travail se faire en moi ; accepter que cela ne se fasse pas en un jour, et ne jamais oublier que chaque fois que de beaux grains murissent sur les épis de mes jours, je fais le bonheur du semeur, je fais la joie de mon Seigneur. Et cela me rend très heureux.

 

Olivier RABILLOUD, diacre permanent

 Le 16 Juillet 2023

Pont St Martin – Rezé St Vincent de Paul




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