Za 9, 9-10 ; Ps 144 ; Rm 8, 9. 11-13 ; Mt 11, 25-30
Frères et sœurs,
« Venez à moi, vous tous qui
peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous procurerai le repos.
» Ça
fait du bien d’entendre ces paroles en arrivant en vacances. Certains
parmi
nous sont déjà en vacances et pour les autres, ils ont un œil sur le
calendrier
en attendant avec une certaine impatience que cette période bénie
arrive. Tous,
quelles que soient nos activités, nous aspirons de façon tout à fait
légitime à
ce temps de re-création. Oui, tous, même les retraités… j’en
connais qui
ont un agenda drôlement rempli ! Je ne connais personne qui n’ait
pas sur
les épaules un fardeau dont il aimerait bien être soulagé. Alors,
puisque cette
invitation de Jésus s’adresse à chacune et chacun d’entre nous,
écoutons-la…
Les
tout-petits ?
Pour commencer, il faut lever une ambigüité : les « tout-petits
» dont parle Jésus, vous
l’avez compris, ne sont pas les enfants, mais les « petits » de ce
monde, par
opposition aux « grands » de ce monde. Précision importante, nous allons
le
voir, car le message de Jésus, la bonne nouvelle de ce jour s’adresse à
tous
les hommes, les femmes, les enfants et particulièrement à celles et ceux
qui « peinent sous le poids du
fardeau ».
C’est à eux que Jésus offre – par deux fois dans ce petit passage
d’évangile –
« le repos ». Nous
allons
donc regarder de plus près cette promesse du Seigneur.
Depuis des mois, Jésus parcourt les villes et les villages de son
pays. Au début, tout le monde courait après lui, mais sa renommée, ses
miracles, ses propos ont commencé à lui attirer méfiance et hostilité,
surtout
de la part des autorités religieuses : ce n’est plus la belle unanimité
du
début. Cependant, demeure un important noyau de fidèles, ces
« disciples » dont parle l’évangile. Pas seulement les
apôtres, mais
quantité de braves gens, des simples, des pauvres, qui sont attirés par
le
message de Jésus, une promesse de bonheur, eux qui connaissent les
difficultés
de l’existence. Car leur vie n’est pas facile, et le « poids du fardeau », ils le connaissent : il est d’ordre politique,
économique, religieux. On sait qu’à l’époque de Jésus, sous l’occupation
romaine, les pauvres gens connaissaient la rigueur de l’occupation, avec
son
cortège d’attentats et de répression, une fiscalité très lourde, une
situation
économique lamentable – on parle même de famine – bref, une existence
précaire.
De plus, la religion, telle qu’elle est proposée par les autorités
religieuses
d’Israël, est faite de très lourdes contraintes. On parle de plusieurs
centaines
de prescriptions que tout bon juif se doit de respecter. Elles ont été
ajoutées
au fil des siècles à la Loi du Sinaï par les « sages et les savants », ces théologiens chargés d’interpréter le
texte sacré et de préciser les obligations de la Loi.
Libération
Or Jésus ne peut rien faire – et ne veut rien faire – en ce qui
concerne la situation politique et la situation économique. Il n’est pas
venu
pour cela. Par contre, il conteste régulièrement, par ses gestes et dans
ses
propos, tout ce que la religion impose comme fardeaux. Rappelez-vous
certaines
de ses paroles : « Le sabbat a
été fait
pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat. » Et encore cette
critique
des autorités : « Ils imposent
sur le dos
des gens des fardeaux qu’eux-mêmes ne soulèvent pas. » Par contre,
tous ses
gestes sont significatifs d’une volonté de libération de l’homme : les
guérisons en particulier. Le message des évangiles n’est pas un message
de
nature « moralisante » – du domaine du permis et du défendu – mais
plus
simplement la révélation d’un Dieu qui est le Père de Jésus et notre
Père
: « Personne ne connaît le Père,
sinon le
Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler. » Et c’est cette
révélation
d’un Dieu paternel qui est le fondement d’un unique commandement :
« Tu aimeras.» Aimer Dieu, et
aimer son
prochain comme Jésus nous a aimés ! Saint Augustin résume tout en
disant :
« Aime, et fais ce que tu veux. ».
En
d’autres termes, il s’agit de ne pas faire de la religion une morale qui
se
réduirait au permis et au défendu ; il s’agit au contraire de
fonder notre
religion sur une rencontre personnelle du Dieu de Jésus Christ, et donc
de
l’Amour en lequel nous sommes
re-créés. Et pour accéder à cette révélation, il n’est pas nécessaire de
faire
partie « des sages et des
savants »,
il faut que chacune et chacun y mette le désir d'une rencontre vraie,
une
certaine empathie. Voilà donc ces « tout-petits
», ces humbles, qui ont rencontré Jésus et se sont attachés à lui. Ce
sont eux
qui vont avoir la révélation.
Une
révélation
La révélation de quoi ? Essentiellement, la
révélation de l'amour de Dieu pour tout homme, pour toute l'humanité.
Qui est
Dieu ? Voilà la question que les hommes se posent depuis qu'il y a des
hommes. Nous
nous la sommes tous posée, un jour ou l'autre. A cette question, toutes
les
philosophies, toutes les sagesses humaines, toutes les religions ont
apporté
des réponses diverses. Eh bien, nous dit Jésus, la vérité de Dieu n'est
pas
réservée à une élite intellectuelle ; l'illettré doit pouvoir y
accéder
aussi bien que le théologien. Le « tout-petit
» est mieux placé que les « sages
et
les savants » parce qu'il a une science supérieure : il
sait
qu'il ne sait pas, ou qu'il sait mal. Il est donc ouvert, en attente…
Une
fréquentation
Tu veux savoir qui est Dieu ? Une solution
radicale
: fréquenter Jésus. Lui seul manifeste, concrétise dans ses
actes, ses
propos, toute sa vie, ce Dieu-Amour qu'il est venu révéler. Car Dieu se
manifeste dans une histoire – notre histoire – qu'il vient vivre avec
nous. Jésus
est la manifestation exacte de Dieu. L'Ancien Testament est
entièrement
orienté vers la préparation du Christ qui est la voie unique de l'homme
vers
Dieu et de Dieu vers l'homme.
Et Jésus ne fait pas que révéler Dieu ! Son
compagnonnage avec l'homme va beaucoup plus loin : il connaît notre
situation, les soucis et les peines, les « fardeaux » qui sont le lot de
toute
existence humaine. C'est de cela qu'il veut nous soulager, non pas en
abolissant, comme par un coup de baguette magique, tout ce qui constitue
notre
lot quotidien de misère, mais en se faisant entièrement solidaire de
notre
condition humaine. Pour nous le faire comprendre, il prend l'image d'un
joug et
nous invite à prendre « son joug
».
Il ne s'agit pas de résignation, mais de solidarité. Un joug sert à
atteler
deux animaux pour qu'ils tirent ensemble, dans la même direction. C'est
de là
qu'est né le mot « conjugal », car dans un couple, on est normalement
deux à
tirer dans le même sens… Jésus, solidaire de notre condition humaine,
s'engage
à tirer dans le même sens que nous pour désembourber notre humanité.
C’est pourquoi, il nous l'assure, son joug est
facile à porter, car il est accordé à l'homme, à son désir, à sa volonté
de
vivre, à son bonheur. Il permet à l’homme de s’épanouir et de « trouver
le repos ». Et même si ce joug
est facile à porter et ce fardeau, léger, il n’en demeure pas moins que
c’est
une règle de vie qui est fondée sur une rencontre amoureuse. Aimer
vraiment
quelqu’un nous impose des règles, à commencer par un devoir de fidélité.
Aimer
Dieu et son prochain nous impose une loi qui contribue à notre liberté
et à
notre épanouissement personnel.
Alors frères et sœurs, prions pour que chacun de
nous parvienne à vivre cette joie intérieure qui poussait Jésus à
« proclamer la louange du
Père, Seigneur du
ciel et de la terre ». Chacun de nous, peut en effet, par
Jésus,
entrer dans son intimité et ainsi trouver en Dieu le lieu du repos, loin
de tout
souci superflu, dès aujourd’hui et pas seulement en ce temps de vacances
qui
commence, mais pour tous les jours de notre existence.
Amen.
Patrick JAVANAUD, diacre permanent
9 juillet 2023