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14° dimanche du Temps Ordinaire

Za 9, 9-10 ; Ps 144 ; Rm 8, 9. 11-13 ; Mt 11, 25-30

Frères et sœurs,

« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous procurerai le repos. » Ça fait du bien d’entendre ces paroles en arrivant en vacances. Certains parmi nous sont déjà en vacances et pour les autres, ils ont un œil sur le calendrier en attendant avec une certaine impatience que cette période bénie arrive. Tous, quelles que soient nos activités, nous aspirons de façon tout à fait légitime à ce temps de re-création. Oui, tous, même les retraités… j’en connais qui ont un agenda drôlement rempli ! Je ne connais personne qui n’ait pas sur les épaules un fardeau dont il aimerait bien être soulagé. Alors, puisque cette invitation de Jésus s’adresse à chacune et chacun d’entre nous, écoutons-la…

Les tout-petits ?

Pour commencer, il faut lever une ambigüité : les « tout-petits » dont parle Jésus, vous l’avez compris, ne sont pas les enfants, mais les « petits » de ce monde, par opposition aux « grands » de ce monde. Précision importante, nous allons le voir, car le message de Jésus, la bonne nouvelle de ce jour s’adresse à tous les hommes, les femmes, les enfants et particulièrement à celles et ceux qui « peinent sous le poids du fardeau ». C’est à eux que Jésus offre – par deux fois dans ce petit passage d’évangile – « le repos ». Nous allons donc regarder de plus près cette promesse du Seigneur.

Depuis des mois, Jésus parcourt les villes et les villages de son pays. Au début, tout le monde courait après lui, mais sa renommée, ses miracles, ses propos ont commencé à lui attirer méfiance et hostilité, surtout de la part des autorités religieuses : ce n’est plus la belle unanimité du début. Cependant, demeure un important noyau de fidèles, ces « disciples » dont parle l’évangile. Pas seulement les apôtres, mais quantité de braves gens, des simples, des pauvres, qui sont attirés par le message de Jésus, une promesse de bonheur, eux qui connaissent les difficultés de l’existence. Car leur vie n’est pas facile, et le « poids du fardeau », ils le connaissent : il est d’ordre politique, économique, religieux. On sait qu’à l’époque de Jésus, sous l’occupation romaine, les pauvres gens connaissaient la rigueur de l’occupation, avec son cortège d’attentats et de répression, une fiscalité très lourde, une situation économique lamentable – on parle même de famine – bref, une existence précaire. De plus, la religion, telle qu’elle est proposée par les autorités religieuses d’Israël, est faite de très lourdes contraintes. On parle de plusieurs centaines de prescriptions que tout bon juif se doit de respecter. Elles ont été ajoutées au fil des siècles à la Loi du Sinaï par les « sages et les savants », ces théologiens chargés d’interpréter le texte sacré et de préciser les obligations de la Loi.

Libération

Or Jésus ne peut rien faire – et ne veut rien faire – en ce qui concerne la situation politique et la situation économique. Il n’est pas venu pour cela. Par contre, il conteste régulièrement, par ses gestes et dans ses propos, tout ce que la religion impose comme fardeaux. Rappelez-vous certaines de ses paroles : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat. » Et encore cette critique des autorités : « Ils imposent sur le dos des gens des fardeaux qu’eux-mêmes ne soulèvent pas. » Par contre, tous ses gestes sont significatifs d’une volonté de libération de l’homme : les guérisons en particulier. Le message des évangiles n’est pas un message de nature « moralisante » – du domaine du permis et du défendu – mais plus simplement la révélation d’un Dieu qui est le Père de Jésus et notre Père : « Personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler. » Et c’est cette révélation d’un Dieu paternel qui est le fondement d’un unique commandement : « Tu aimeras.» Aimer Dieu, et aimer son prochain comme Jésus nous a aimés ! Saint Augustin résume tout en disant : « Aime, et fais ce que tu veux. ». En d’autres termes, il s’agit de ne pas faire de la religion une morale qui se réduirait au permis et au défendu ; il s’agit au contraire de fonder notre religion sur une rencontre personnelle du Dieu de Jésus Christ, et donc de l’Amour en lequel nous sommes
re-créés. Et pour accéder à cette révélation, il n’est pas nécessaire de faire partie « des sages et des savants », il faut que chacune et chacun y mette le désir d'une rencontre vraie, une certaine empathie. Voilà donc ces « tout-petits », ces humbles, qui ont rencontré Jésus et se sont attachés à lui. Ce sont eux qui vont avoir la révélation.

Une révélation

La révélation de quoi ? Essentiellement, la révélation de l'amour de Dieu pour tout homme, pour toute l'humanité. Qui est Dieu ? Voilà la question que les hommes se posent depuis qu'il y a des hommes. Nous nous la sommes tous posée, un jour ou l'autre. A cette question, toutes les philosophies, toutes les sagesses humaines, toutes les religions ont apporté des réponses diverses. Eh bien, nous dit Jésus, la vérité de Dieu n'est pas réservée à une élite intellectuelle ; l'illettré doit pouvoir y accéder aussi bien que le théologien. Le « tout-petit » est mieux placé que les « sages et les savants » parce qu'il a une science supérieure : il sait qu'il ne sait pas, ou qu'il sait mal. Il est donc ouvert, en attente…

Une fréquentation

Tu veux savoir qui est Dieu ? Une solution radicale : fréquenter Jésus. Lui seul manifeste, concrétise dans ses actes, ses propos, toute sa vie, ce Dieu-Amour qu'il est venu révéler. Car Dieu se manifeste dans une histoire – notre histoire – qu'il vient vivre avec nous. Jésus est la manifestation exacte de Dieu. L'Ancien Testament est entièrement orienté vers la préparation du Christ qui est la voie unique de l'homme vers Dieu et de Dieu vers l'homme.

Et Jésus ne fait pas que révéler Dieu ! Son compagnonnage avec l'homme va beaucoup plus loin : il connaît notre situation, les soucis et les peines, les « fardeaux » qui sont le lot de toute existence humaine. C'est de cela qu'il veut nous soulager, non pas en abolissant, comme par un coup de baguette magique, tout ce qui constitue notre lot quotidien de misère, mais en se faisant entièrement solidaire de notre condition humaine. Pour nous le faire comprendre, il prend l'image d'un joug et nous invite à prendre « son joug ». Il ne s'agit pas de résignation, mais de solidarité. Un joug sert à atteler deux animaux pour qu'ils tirent ensemble, dans la même direction. C'est de là qu'est né le mot « conjugal », car dans un couple, on est normalement deux à tirer dans le même sens… Jésus, solidaire de notre condition humaine, s'engage à tirer dans le même sens que nous pour désembourber notre humanité.

C’est pourquoi, il nous l'assure, son joug est facile à porter, car il est accordé à l'homme, à son désir, à sa volonté de vivre, à son bonheur. Il permet à l’homme de s’épanouir et de « trouver le repos ». Et même si ce joug est facile à porter et ce fardeau, léger, il n’en demeure pas moins que c’est une règle de vie qui est fondée sur une rencontre amoureuse. Aimer vraiment quelqu’un nous impose des règles, à commencer par un devoir de fidélité. Aimer Dieu et son prochain nous impose une loi qui contribue à notre liberté et à notre épanouissement personnel.

Alors frères et sœurs, prions pour que chacun de nous parvienne à vivre cette joie intérieure qui poussait Jésus à « proclamer la louange du Père, Seigneur du ciel et de la terre ». Chacun de nous, peut en effet, par Jésus, entrer dans son intimité et ainsi trouver en Dieu le lieu du repos, loin de tout souci superflu, dès aujourd’hui et pas seulement en ce temps de vacances qui commence, mais pour tous les jours de notre existence.

Amen.

 

Patrick JAVANAUD, diacre permanent

9 juillet 2023

 



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