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14° dimanche ordinaire.

6 juillet 2008

Dans le rituel du baptême, juste après avoir baptisé l’enfant ou l’adulte, le célébrant marque le front de ce nouveau chrétien avec de l’huile sainte, le Saint Chrême, en prononçant ces paroles : « sois marqué de l’huile sainte pour que tu demeures éternellement membre du Christ, prêtre, prophète et roi ». Paroles étranges, en vérité. On admet assez bien, à la rigueur, qu’un nouveau baptisé soit qualifié de prêtre, en ce sens qu’il est tourné vers Dieu pour le louer, lui rendre gloire, l’honorer et le remercier de tous les dons qu’il nous fait. On peut comprendre qu’il soit appelé prophète, car il est chargé d’annoncer à ses frères humains la bonne nouvelle de l’amour de Dieu, comme les prophètes de la Bible. Prêtre, prophète, soit. Mais roi ! L’image que nous avons d’un roi ne colle pas avec celle que nous avons d’un chrétien, disciple du Christ. Les textes de ce dimanche, justement, peuvent nous éclairer sur cette formule – prêtre, prophète et roi – mais aussi sur l’identité de Jésus, le Christ, révélateur de Dieu, prêtre, prophète et roi.
Le livre de Zacharie, dans la première lecture, nous décrit un roi « juste et victorieux » qui vient vers nous non pas sur un cheval de parade, entouré de tous ses soldats en tenue d’apparat, mais « humble et monté sur un âne, un âne tout jeune ». Un roi monté sur un petit âne, voilà qui bouscule un peu nos représentations habituelles du roi glorieux et triomphant. Pourtant, le prophète Zacharie poursuit, et nous apprend qu’il ne s’agit pas d’un petit roitelet, d’un souverain de moindre importance, mais d’un roi qui dominera le monde entier : « Sa domination s’étendra d’une mer à l’autre, et de l’Euphrate à l’autre bout du pays ». Et que fera ce roi victorieux ? fera-t-il comme tous les autres, déportant les peuples vaincus, opprimant ses adversaires, massacrant ceux qui lui résistent ? non, l’oracle nous dit qu’il fera disparaître les chars de guerre, les chevaux de combat, qu’il brisera l’arc de guerre et proclamera la paix aux nations. Voilà une nouveauté. Ce roi nous semble bien différent de ses semblables !
Le psaume que nous avons chanté ensuite, continue à nous présenter ce roi pas comme les autres : « je t’exalterai, mon Dieu, mon roi ». Mais ce roi-là « est tendresse, pitié, lent à la colère, et plein d’amour. Sa bonté est pour tous. Ses fidèles diront la gloire de son règne, il parleront de ses exploits. » Mais de quels exploits s’agit-il ? de conquêtes ? de domination ? s’agit-il d’exercer son pouvoir par la force, par l’intimidation, l’oppression ou la déportation des peuples conquis ? Non, poursuit le psaume : « le Seigneur soutient ceux qui tombent, il redresse tous les accablés ». Voici décidément un roi qui bouleverse nos schémas habituels, qui nous oblige à déplacer notre regard et notre compréhension.
Et dans ce déplacement, l’Evangile n’est pas en reste : « Je suis doux et humble de cœur » nous dit Jésus. Encore une fois, la douceur et l’humilité, ce ne sont pas les deux qualités principales auxquelles on pense habituellement lorsqu’il est question d’un roi. Quelle étrange royauté de la part de ce roi qui invite les pauvres, les petits, les blessés de la vie, à le suivre pour alléger leur fardeau. « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, prenez sur vous mon joug, car mon joug est facile à porter et mon fardeau léger. » Le joug, nous savons bien de quoi il s’agit, même si les plus jeunes d’entre nous n’en ont sans doute jamais vu. Cette pièce de bois, massive, lourde et rigide, fixée aux cous d’une paire de bœufs pour qu’ils puissent, ensemble, d’un même pas, tirer une lourde charge. Cette image peut nous aider à mieux comprendre comment Dieu, ce roi de douceur dont nous parle si bien Jésus, est tellement plein de compassion pour la souffrance des hommes, qu’il s’est attelé lui-même au même joug, peinant au côté de celui qui souffre, tirant avec lui, d’un même pas, dans les mêmes douleurs, le poids de la vie. Mais le joug, curieusement, c’est aussi l’origine du mot « conjugal », qui se rapporte au couple marié. Le couple conjugal, c’est-à-dire littéralement « attelé au même joug », marchant d’un même pas, liés par l’amour pour le meilleur et pour le pire. Ainsi, ce Dieu qui nous semble tellement inaccessible, ce Roi de Gloire qui peut nous paraître parfois si lointain, est en réalité tout proche. Il est à côté de nous, notre compagnon de route. Il soulage notre peine en prenant sur lui notre joug, il s’ajuste à notre pas, pour peu que nous acceptions  nous aussi de régler notre pas au sien. Le roi ne reste pas sur son trône, protégé dans son palais lointain et défendu par des gardes armés, mais il se fait serviteur des plus pauvres. Nous sommes sous le joug de son règne, certes, mais ce joug, il le porte avec nous et le rend ainsi léger et facile à porter. Il partage notre condition humaine en se faisant homme parmi les hommes.
Ainsi donc, on comprend mieux notre formule du baptême, « prêtre, prophète et roi ». Le chrétien, disciple du Christ, comme le Christ, est roi, mais à l’image de ce roi dont parlent les Ecritures. Le chrétien est roi en ce sens qu’il a pour mission de veiller à la bonne gestion du monde que Dieu nous confie, au bien-être des personnes qu’il lui est donné de rencontrer, à vivre le partage des biens de ce monde qui sont aussi des dons de Dieu, à être attentif aux plus pauvres, aux plus petits, aux plus nécessiteux. Jésus nous montre qui est Dieu, en attirant notre attention sur sa propre personne. Il est Dieu lui-même, vrai Dieu et vrai homme, et ainsi il nous montre le chemin pour parvenir au bonheur. Ce que lui-même vit et fait en tant que Dieu, il le vit et le fait aussi en tant qu’homme. Nous pouvons donc, nous qui sommes aussi des hommes, faire de même. Nous appuyer sur ce modèle, sur ce roi humble et serviteur des pauvres, qui prend sur lui leur joug.  Jésus nous montre que c’est possible. Nous sommes capables, nous aussi, d’agir autour de nous avec la même compassion pour nos frères qui sont dans le besoin, dans la difficulté, dans la souffrance, en portant avec eux le fardeau de leur peine, en nous liant par l’amour à leur joug, et en marchant, avec eux, d’un même pas, dans l’amour.

Amen !



Daniel BICHET, diacre permanent.

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