Notre
Dieu, que Jésus
nous donne comme « notre Père », est sans cesse en relation
intime
avec l'humanité. Les textes de la parole d'aujourd'hui, chacun dans sa
diversité, nous parle de cette relation, toujours vivante, que Dieu
propose à
chacun de ses enfants. Chacune de ces rencontres, éphémère ou gravée
dans la
pierre de l’Horeb, intense ou légère comme une brise pour Élie, toutes
sont une
manifestation de l'amour de Dieu pour chacun de ses enfants, une des
façons de leur
parler.
Et
pourtant… j’ai
l’impression que Dieu ne me parle pas…serait-ce moi qui ne l'entend pas,
suis-je
sourd à sa Parole ? Peut-être que je n’ose pas croire que je lui
manque,
comme un enfant manque toujours à son père quand il s’en s'éloigne.
Comment imaginer,
dans ma foi encore balbutiante, que mon Père peut mobiliser tous les
moyens
pour m'appeler ou me répondre : dans le souffle ténu d'une brise légère
pour
Élie mais pour ce peuple hébreu à la tête dure, il va graver sa Parole
dans la
pierre, bien plus tard, sur la route de Damas c'est Jésus lui-même qui
interpelle
Paul qui en tombe à terre.
Aujourd'hui,
en toute
simplicité Jésus appelle ces 12 galiléens. Il les fait apôtres et les
envoie à
sa moisson. Mais qui sont ceux qu’il a choisi ? Des hommes
puissants ? des intellectuels ? des lévites ? Pas du tout ! Ce
ne
sont pas des élites qu’il choisit pour l'aider à guider ce peuple perdu,
comme
sans berger, mais 12 personnes « ordinaires ». Il y a Pierre,
le
pêcheur, si fort et si attachant mais aussi faible et lâche peut-être
même naïf :
Ne répond-il pas sans comprendre ? Mais aussi Jean au tempérament
vif un
peu coléreux et puis Judas capable de trahir, Matthieu, un publicain au
service
de ces Romains détestés des pharisiens, peut-être malhonnête et même un
zélote,
un politicien révolutionnaire, Philippe et Nathanaël de vrais croyants
Juifs et
puis les autres dont on ne connaît que le nom… sans oublier Thomas,
celui qui
ne croit pas sans avoir vu, sans avoir touché mais qui, le premier, va
professer
sa foi au ressuscité. Plus tard il y aura même Paul celui qui était
envoyé pour
détruire les chrétiens...oui Jésus choisis les gens ordinaires mais il
va les
rendre capable de l'extraordinaire !
Alors, pourquoi nous étonner que nous soyons tous,
oui chacune et chacun de nous, appelés à la moisson. Nous pourrions lui
répondre : moi ? je ne suis pas capable, je ne sais pas faire,
je ne
suis qu'un père ou qu'une mère confessant mon ignorance, je ne me sens
indigne
de cette mission. Malgré tout cela, c'est dans notre humanité, dans
notre
propre personnalité, avec nos faibles moyens que nous sommes appelés par
Jésus
pour la moisson, pour rendre témoignage de notre foi, de l’Évangile, de
la
« Bonne Nouvelle » du Christ, mort pour les pécheurs qui nous
réconcilie avec son Père et nous rend participant de sa vie divine. Et
c’est
encore Lui qui nous relève à chaque fois que nous trébuchons. «
Nous
portant comme sur les ailes d’un aigle » (Exode),
pour nous amener à témoigner que « le Seigneur est bon,
éternel est
son amour, sa fidélité demeure d’âge en âge »(Psaume).
Voici
le message qu’il nous confie et dont nous avons d’abord à vivre
nous-mêmes pour
en témoigner. La mission n'est pas une œuvre de puissance ou de
prestige, il ne
s'agit pas non plus de transmettre ! Ce n'est pas ce que l'on dit
qui fait
croire en Dieu, c'est ce que l'on vit ensemble et la manière dont nous
vivons modestement
et humblement notre vie d'enfant de Dieu qui atteste. Et ça nous le
pouvons,
nous devons le vivre.
À Taizé on chante souvent : « Ubi
Caritas, deus ibi est », là où est la charité, Dieu est
là…. Par
une main glissée dans celle de la personne souffrante, dans l’accueil
inconditionnel de l’autre, dans le pardon vécu en vérité, par le temps
passé
ensemble, par un sourire joyeux ou un regard plein de compassion, par
une
parole de réconfort dans un moment difficile, dans la joie du partage,
dans
l’invitation au repas, à la prière, au relèvement, au rire… la gratuité
de chacun
de ces gestes, de chacune de ces paroles, de ces regards…toutes ces
manifestations de Charité, disent et redonnent dignité à la personne,
lui
confirment son importance et son unicité. Toutes sont expression de
l’amour
fraternel, de cet amour qui prend racine et se renforce dans celui de
Dieu, dans
l’amour gratuit de Dieu.
Chacun de nous homme, femme, enfant, sommes
indispensables pour la moisson et c’est dans cette humanité frêle,
vulnérable,
fragile que Jésus appelle car, en elle, se cache notre vraie dimension,
notre
valeur, notre force, celle d’être sa sœur, son frère, un enfant de ce
Dieu qui
est Père et qui m’aime, moi, tel que je suis et c’est l’Esprit qui m’est
donné
qui vit en moi qui me rend capable…si je le laisse me guider et me
conseiller,
si je m’abandonne à sa vérité et sa volonté. Avant même que je
n’en sois
conscient, tout m’est donné gratuitement : Vie, Esprit, Amour… à moi
d’en
témoigner en partageant ma vie, comme elle m’est donnée…gratuitement.
Patrick DOUEZ,
diacre
permanent
le 18 juin 2023