Frères et sœurs,
Sommes-nous
des prophètes zélés ou des brebis déprimées ? Voilà peut-être une
bonne question
en ce 11ème dimanche du temps ordinaire, quelques petites semaines après
avoir
célébré la Pentecôte, puis la sainte Trinité et enfin le saint Sacrement
…
J’ose dire
prophète, frères et sœurs, car le prophète n’est pas celui qui prédit
l’avenir
(ce n’est pas M. ou Mme soleil !), mais celui qui annonce la Parole
de
Dieu. Depuis notre baptême, rappelez-vous, nous faisons partis du peuple
de
Dieu et nous participons à sa dignité de « prêtre, de prophète et
de roi ».
Et c’est en vertu de ces trois mandats que nous agissons, dans les actes
de la
vie quotidienne, conformément à la charité, en nous efforçant d’annoncer
la
bonne nouvelle du Christ au service de nos frères en humanité et en
laissant
deviner que c’est bien le Christ qui vit en nous.
Dans le
Livre de l’Exode, si vous l’avez remarqué, Dieu s’engage. Dieu fait
alliance.
Il fait de nous son domaine particulier parmi tous les peuples … un
royaume de
prêtres, une nation sainte (c’est-à-dire un peuple consacré au
Seigneur !)
… à la seule condition de s’engager à notre tour dans cette alliance.
Et si Dieu
s’engage envers son peuple, ce n’est pas pour le réduire en esclavage,
mais
pour lui apprendre à voler de ses propres ailes. Il l’entoure, il
l’instruit,
il veille sur lui comme sur la prunelle de son œil. Il est comme l’aigle
cité
dans la première lecture de ce dimanche, qui plane au-dessus de ses
petits, qui
tout en déployant toute son envergure, les prend et les porte sur ses
ailes.
Dans cette
alliance, nous pouvons alors dire que Dieu a fait ses preuves !
Dieu a
établi une alliance définitive et éternelle avec nous.
Et nous
alors dans tout cela ?
Tant que
nous sommes enfants de Dieu, et tant que nous sommes croyants, nous
sommes liés
par cette alliance. Nous nous devons alors d’observer les commandements
de Dieu
dont le premier, le plus grand, est celui d’aimer Dieu et son prochain
comme
soi-même.
Cette
alliance, frères et sœurs, c’est aussi une alliance scellée par
l’aspersion du
sang.
En effet,
Saint
Paul nous fait savoir dans la 2ème lecture que, malgré toute notre
incapacité à
faire le premier pas vers Dieu, le Christ, dans sa grande bonté, a fait
de nous
des justes par son sang versé. C’est
là,
la plus belle preuve que Dieu nous aime, « ce Dieu qui nous a fait,
nous
son peuple, son troupeau » du Psaume 99 où presque chaque mot est
un
rappel de l’Alliance.
Une des
plus belles manifestations de notre alliance avec Dieu, c’est lorsque
nous
prenons part à l’Eucharistie, que nous avons fêté dimanche dernier.
L'Eglise n'a-t-elle pas donné le nom de « Jeudi
de l'Alliance » au Jeudi Saint où Jésus institua l'alliance avec
ses
disciples, en leur donnant Sa Chair et Son Sang ? Nous célébrons ce jour
en
faisant mémoire de cette alliance éternelle, que nous renouvelons avec
Dieu
chaque fois que nous prenons part à l'Eucharistie.
Ce
que
nous célébrons à chaque eucharistie s’inscrit dans ce « faire
mémoire »
« Vous ferez cela en mémoire de moi ». Et ce
« faire
mémoire », c’est celui du don de la vie du Christ par amour, le don
de sa
vie comme offrande au Père, selon le projet de Dieu pour nous. Le Christ
nous alors
ouvre un passage, pour nous conduire à la vie éternelle.
Voilà à
quoi nous sommes appelés. A la vie éternelle !
La promesse
qui nous est faite, c’est vivre avec Dieu, en Dieu, en son amour. Le
connaître
pleinement. Et l’éternité promise ce n’est pas que dans
un
au-delà à gagner ou à espérer, mais dès maintenant frères et sœurs.
Alors dès
maintenant nous pouvons apprendre à connaître le Père et à l’aimer, et
dès
maintenant, dès ici-bas, nous pouvons apprendre à connaître notre
prochain et à
l’aimer.
L’enjeu,
c’est de nous laisser façonner par Dieu lui-même. Dieu veut que nous
entrions
de plus en plus dans le Cœur de Jésus, lieu où brûle son amour pour
l’humanité.
Un amour passionné, un amour gratuit, un amour miséricordieux, un amour
d’une
générosité débordante que Dieu nous offre en Christ.
Dieu veut
que nous entrions de plus en plus dans le Cœur de Jésus, car ce
Cœur-Sacré nous
introduit dans un formidable dynamisme de purification de notre propre
cœur,
pour que resplendisse en nous la beauté de notre ressemblance avec Dieu.
Dieu veut
aussi
nous mettre au travail de la moisson, de sa moisson, celle qui consiste
à
vouloir aider tout homme et toute femme, à travailler pour leurs saluts
et à chercher
leur épanouissement spirituel et corporel.
C’est
pourquoi le regard de « pitié » que Jésus pose sur cette foule
au début
de l’évangile n’est pas simplement l’expression de sa compassion et de
sa
miséricorde envers des inconnus, mais également un acte d’espérance. Ce
regard
manifeste la conviction du Christ que, de cette foule d’hommes et de
femmes qui
admirent ce qu’il fait et ce qu’il dit, peut surgir des disciples, des
prophètes
zélés prêts à le suivre (et non des brebis déprimées pour revenir à ma
première
question), des hommes et des femmes capables d’accueillir la parole de
Dieu
comme une règle pour leur vie et la proclamer.
Même face
aux souffrances physiques et morales qui frappent notre monde et à la
détresse
matérielle, spirituelle et sociale des foules d’aujourd’hui, nous sommes
invités, frères et sœurs, à garder un regard optimiste et généreux sur
le
monde, apprendre à aimer, comme le Christ nous a aimé, à aimer le monde
à la
manière de Dieu, à aimer l’Église malgré ses faiblesses et quelquefois
ses
égarements.
La décision
la plus urgente, c’est de nous mettre en prière : « Priez le Père
d’envoyer des ouvriers à sa moisson… » Le Royaume de Dieu ne peut
advenir
sans notre prière ; si nous prions le Père, c’est pour nous ajuster à
son
amour, c’est pour qu’il nous fasse entrer dans sa volonté. Nous lui
demandons
de nous transformer pour que nous devenions des ouvriers passionnés et
efficaces pour la « moisson ».
Mais il ne
suffit pas seulement de prier. Nous devons aussi prendre le
temps de vérifier la place que le
Dieu de Jésus-Christ tient dans notre vie, dans notre foi personnelle.
C’est
bel et bien une évangélisation intérieure, une évangélisation de nos
profondeurs, à laquelle nous sommes appelés. Nous recevrons alors comme
les
apôtres, les mêmes pouvoirs qu’eux, même s’ils se manifestent autrement
et la
même mission qu’eux, de guérir, de réconforter, d’encourager, d’éclairer
et
d’accompagner.
A la
manière du Christ qui donne gratuitement, c'est-à-dire qu'en donnant, il
se
donne au point de donner sa vie.
Demandons
alors au Seigneur, mes frères et mes sœurs, les grâces requises pour
devenir
des disciples missionnaires, de prophètes zélés car le temps presse. Car
comme chacun le sait, la moisson,
elle, n’attend pas !
Patrick CHAHLA, diacre permanent
18 juin 2023